Comme on pouvait s’y attendre, le bras-de-fer entre les deux acteurs a été plus dominé par leurs desideratas que par un échange franc et intelligible pour les milliers de concitoyens très préoccupés du reste par les importants grands sujets qui constituent le fond de l’interpellation.
D’un côté un éternel étudiant, de l’autre un éternel soldat, les débats ont dû donner lieu à une vigoureuse passe d’armes qui confond intention de solder des comptes individuels et tentatives d‘esquiver des questions au nom d’un besoin de protection d’informations sensibles. Le débat a finalement tourné court par la faute du président de l’hémicycle qui s’est érigé en arbitre pour soi-disant préserver la civilité des échanges. Il n’en fallait pas autant pour conclure prématurément la partie et mettre fin à la pénible tragédie du ministre Sada Samaké face aux diatribes satiriques du député non-inscrit de Kolondiéba.
Environ une heure auparavant, ce fut au tour du ministre du Développement rural, Bocari Tréta, de passer par une épreuve similaire sur la scandaleuse et brûlante affaire dite de «l’engrais frelaté». Visiblement peu satisfait du martyr vécu par le secrétaire général du Rpm, lors de sa récente interpellation par le député Bakary Koné de l’Adema-Pasj sur la même question, Oumar Mariko a ravivé la polémique en évoquant des aspects à peine distincts de la séance précédente : l’impact des engrais hors normes sur le rendement et la productivité, son incidence sanitaire et les conditions de passation du marché, entre autres.
Sans apporter des réponses plus convaincantes que lors des premières questions orales, le ministre en a quand même tiré suffisamment d’enseignements pour afficher une certaine sérénité agrémentée par les ovations de l’écrasante majorité des parlementaires de même obédience partisane. Une tendance aux antipodes de l’ambiance dominante dans la corbeille des spectateurs intéressés par les deux sujets et qui consacrent la rupture entre les partisans d’Oumar Mariko et la majorité présidentielle.
Le député et président du parti Sadi l’ a d’ailleurs ouvertement signifié en concluant que la complicité apparente dans la gestion du dossier des engrais n’incarne guère le pacte de changement le liant régime actuel.
Ce n’est pas la première fois que le député élu à Kolondiéba se démarque de la majorité présidentielle au parlement. Il n’y a pas longtemps, lors de la Déclaration de politique général, il affichait une nette différence en accueillant par des acclamations nourries les interventions de l’opposition, en s’éclipsant lorsqu’il s’est agi d’exprimer son suffrage. .
Engrais frelatés, le Parena confronte les acteurs du secteur agricole
Après sa récente sortie médiatique sur le même sujet, le PARENA a remis ça, avant-hier samedi, en initiant une confrontation des principaux acteurs du secteur agricole au Centre International de Conférences de Bamako. Leur convergence a donné lieu à une atmosphère très tendu et permis à chacun de donner sa lecture d’une affaire qui défraie la chronique.
L’objectif de ce qui s’apparente à des assises de l’agriculture malienne étant de donner la parole aux différentes sensibilités du monde rural (paysans et décideurs), Tiébilé Dramé a d’entrée de jeu déploré l’absence de nombreux responsables parmi lesquels les chargés des questions agricoles de la présidence et de la primature, les commerçants d’engrais ainsi que de députés de la majorité qui avaient pourtant donné de la voix contre l’interpellation du ministre responsable de la délicate affaire. À défaut de Bocari Tréta très mal à l’aise sur la question, le président du PARENA s’est satisfait de la présence de Bakary Togola, le président de l’APCAM, à qui il pense offrir une tribune appropriée pour ses mises au point.
Entrant dans le vif du sujet, la figure emblématique de l’opposition extraparlementaire a déclaré sans fioriture que le ministre l’absence de démenti de l’autorité de tutelle est ni plus ni moins une reconnaissance tacite de l’existence de 40 000 tonnes de mauvais engrais dans le stock livré âr les fournisseurs. Et d’ajouter dans la même veine que la mise en cause de Bocari Tréta est surtout fondée sur la lettre de son homologue ivoirien, une preuve concrète, à ses yeux, de la responsabilité du ministre.
À la décharge du Secrétaire général du parti présidentiel, le président de l’APCAM a pour sa part déploré que l’affaire des ‘’engrais hors-normes » a pris des proportions exagérées. Tout en indiquant ne pas être responsable de tous les appels d’offres émanant du secteur – l’Office du Niger en fait sans son implication – Bakary Togola a exhorté le monde paysan à indulgence dans une polémique ayant fortement déstabilisé le ministre qui n’en est qu’une victime et fait de son mieux pour redresser le secteur. Et de s’étonner du fait que plusieurs produits de mauvaise qualité comme franchissent les frontières et sont commercialisés sans qu’on ne crie au loup. Pour ce qui est de sa démission, elle n’est nullement d’actualité car elle tient, selon lui, d’une manœuvre d’instrumentalisation de l’opinion paysanne pour le pousser à la sortie. Il n’en fallait pas plus pour s’attirer les huées et agressions verbales d’une frange conséquente du public et de provoquer une atmosphère inaudible.
Premier à interpeller le ministre Bocari Tréta au Parlement, le député Bakary Koné de l’Adema a dit ne pas être opposé à sa personne mais agir au nom des paysans. «Si c’était à refaire, je le ferai», a- t-il assuré, tout en clamant son appartenance à la mouvance présidentielle qui, à ses yeux, n’existe que par les intérêts du peuple.
La conférence-débat du PARENA s’est finalement conclue dans un tohubohu indescriptible, mais son président a quand même réussi à laisser entendre, à travers son mot de clôture, que son parti n’a pas dit son dernier mot sur la gênante affaire..