Jeudi dernier dans l’après-midi, les députés ont laissé entendre leur colère face aux membres du gouvernement dont principalement le ministre de la santé et son collègue de la sécurité et de la protection civile. C’était dans le cadre d’une interpellation du gouvernement, suite au passage à tabac d’un député par des agents de sécurité dans la nuit du 10 au 11 décembre dernier.
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L’agression du député Mamadou Diarra a suscité une levée de boucliers de la part des parlementaires qui se sentent bafoués dans leur honneur, leur dignité et leur rang d’élus de la nation. Des sanctions exemplaires ont été exigées en plus d’une demande d’information de l’Assemblée nationale sur la suite réservée à cette affaire.
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L’ambiance bon enfant qui caractérisait l’hémicycle, lors de cette interpellation du gouvernement, cachait mal l’amertume des députés. Ils ont tous tiré en un seul sens : plus jamais ça ! Mais heureusement que ce ne fut pas un procès en règle de la police comme le redoutait le ministre de la sécurité, content de constater qu’on a pu faire la part des choses entre quelques brebis galeuses et le restant de ses troupes.
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En fin de compte, ce fut un baroud d’honneur des parlementaires qui ont bien pu se soulager d’avoir fait leur show sans se soucier des réflexions que suscite cette interpellation au sein de la société malienne.
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Il fallait bien que la main lourde de quelques policiers tombe sur la personne d’un député, pour qu’enfin l’Assemblée nationale se saisisse de cette question de la violence gratuite exercée par des forces de sécurité sur les honnêtes gens. Il y a eu beaucoup d’affaires dont celle de la douanière sauvagement rouée de coups par un policier et pourtant du côté du parlement, c’était le silence radio. Commettre des agressions, constitue bien le quotidien des porteurs d’uniformes. Même entre frères d’armes, cette barbarie se manifeste et l’expédition punitive de soldats sur un commissariat de Bamako, l’année dernière, reste encore vivace dans les esprits. Réaction des députés ? Motus et bouche cousue !
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Autre situation, autre réaction ! Un député n’est pas un citoyen ordinaire. Mais si l’on sait que selon les dispositions de la Constitution du Mali, la personne humaine est sacrée et son intégrité physique inviolable, il n’y a pas de place à un tri des situations en cas de coups et blessures comme ce fut le cas du député Diarra. Les députés doivent, en longueur de journées, s’intéresser au quotidien des populations. Si c’était le cas, cette interpellation devait se tenir depuis belle lurette et en dehors du cas d’un député.
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Toujours est-il que les députés se sont vraiment vidés, touchant du doigt une préoccupation des populations.
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De son côté, la police n’a rien perdu dans cette opération de grand déballage. Dans l’ensemble, les interventions n’ont pas été négatives en terme d’appréciation. Il y a tout simplement de la mauvaise graine à extirper. Comme il y en a dans tous les secteurs d’activité, a renchéri le ministre Sadio Gassama.
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Ce show public des députés est une des nombreuses preuves de la réalité de la démocratie malienne qui permet justement au parlement d’abord d’exercer un contrôle sur l’action de l’exécutif et ensuite d’exprimer le point de vue des élus sur tel ou tel fait ou aspect de la vie nationale.
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Il convient aussi d’ouvrir une parenthèse sur la guerre de sémantique lors de la discussion de la résolution. C’est la preuve que des puristes de la langue de Molière sont présents dans l’hémicycle. Tout le contraire du député qui « présente ses condoléances aux défunts ». Où et comment pourrait-il parler aux morts ? Que dire aussi de l’éminent député qui se met à crier fièrement : «je suis émotionné, je suis émotionné », sans savoir que quelque part, dans le Mali profond, un élève du fondamental lui rappelle qu’on dit tout simplement : « Je suis ému ».
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Au-delà des débats fort intéressants, l’élan de solidarité des députés est une leçon à enseigner à toutes les corporations professionnelles du pays dont en première ligne les journalistes souvent agressés et humiliés sans que l’Assemblée n’en pipe mot. Au contraire, c’est dans l’hémicycle même qu’un député a tenté d’étrangler un journaliste. La plainte de son organe a été comme un coup d’épée dans l’eau. Un député est intouchable ! Alors, pour paraphraser Karl Marx s’adressant aux prolétaires, « journalistes de tous les organes, unissez-vous » !
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Amadou Bamba Niang
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