C’est la nouvelle qui défraie la chronique au sein de l’Hémicycle. En effet, il se trouve que des Commissions de travail ont sollicité des membres du gouvernement pour équiper et meubler les salles où se réunissent lesdites commissions. Et cela, naturellement sur les ressources des ministères concernés. C’est ainsi que des départements ministériels, sans se faire prier, auraient cédé à ces sollicitations insolites en investissant des dizaines de millions de FCFA dans l’équipement et l’aménagement de certaines salles de commission à l’Assemblée nationale. Toute chose qui commence à irriter et à révolter certains députés.
Chaque jour qui passe, le citoyen lambda se demande dans quel pays il vit désormais. Car, chaque jour qui passe apporte son lot de désolation dans l’observation des mœurs et des pratiques en matière de bonne gestion. Au moment où les regards sont focalisés sur le scandale du Fonds mondial, voilà qu’une autre affaire non moins sulfureuse vient secouer l’institution chargée du contrôle de l’action gouvernementale. Il ne s’agit pas du sort réservé aux rapports du Bureau du vérificateur général qui dorment tranquillement dans des armoires métalliques à l’Assemblée nationale.
Lesdits rapports n’ont assurément aucun intérêt pour l’honorable Institution. Alors que ce ne sont pas moins de 360 milliards de F CFA qui sont incriminés dans la gestion de diverses structures de l’Etat par cette structure de contrôle.
La situation qui interpelle aujourd’hui n’est donc pas, à proprement parler, un cas de détournement de deniers publics. Mais plutôt une permissivité grave en matière de bonne gouvernance. Et cela de la part des représentants de l’Exécutif en collusion avec des représentants du peuple. En effet, comment se fait-il que l’Assemblée nationale, avec un budget de près de 10 milliards de FCFA, soit incapable de s’équiper en ordinateurs, armoires, tables, chaises et rideaux voire en matériel roulant ? Du moins si l’on s’en tient aux démarches entreprises par des députés afin que des ministères rognent sur leur maigre budget pour équiper et meubler des salles de réunion à Bagadadji. Et cela au détriment des programmes de santé, d’assainissement ou d’hydraulique villageoise, par exemple.
Comment comprendre que ce soit un ministère, donc le pouvoir exécutif, qui soit sollicité par des députés pour venir, à coup de dizaines de millions de FCFA, en appui à une Institution, représentant le pouvoir législatif, qui, pourtant, n’est pas nécessiteuse. Cela est tout simplement inimaginable dans un Etat de droit. La bonne gouvernance exigeant, de la part de tous, mais principalement des dirigeants et des élus du peuple, un comportement irréprochable dans la gestion des deniers publics et des biens de l’Etat.
Voilà pourquoi, des députés n’ont pas caché leur réprobation face à une pratique qui risque d’être contagieuse si un holà n’est pas rapidement et définitivement mis à cette avalanche de sollicitations insolites voire occultes.
Où est la bonne gouvernance ?
C’est comme si l’Assemblée nationale était devenue subitement pauvre pour être réduite à la mendicité auprès de généreux ministres de la République. Sachant bien que l’argent ne sort pas de la poche de ces derniers. Un tel comportement jure, quand même, avec le principe de la séparation des pouvoirs voire avec la bonne gouvernance prônée par les pouvoirs publics. Qui a donc pu demander un tel service à des ministères concernés ? Y a-t-il eu une correspondance dans ce sens adressée aux ministres qui ont eu à s’exécuter par l’implication de leur DAF dans l’équipement desdites salles? Est-ce pour mieux conditionner les députés afin que des projets de lois émanant de ces départements puissent passer à l’Assemblée nationale comme lettre à la poste ? Ceci expliquerait t-il cela? Comment, d’ailleurs, ce lot de matériel informatique et bureautique a-t-il pu franchir les portails de l’Hémicycle pour, ensuite, être installé sans une autorisation préalable de l’administration de l’Assemblée nationale ? Est-ce là une vieille pratique à Bagadadji ? Voilà quelques unes des questions que ne cesse de se poser le contribuable malien qui se demande à quel saint se vouer désormais face à la déliquescence des pratiques de bonne gouvernance dans notre pays.
La ministre chargée des relations avec les Institutions est interpellée sur cette affaire. Car, il serait inconcevable qu’elle ne soit pas au courant de cette pratique qui, aux dires de certains, dure depuis belle lurette. En effet, c’est ce genre de comportement qui fait désespérer de la bonne gouvernance et de tous les beaux discours ressassés à longueur de journée sur la lutte contre la corruption. Des discours qui sont, depuis un certain temps, en train d’être assimilés à de simples slogans pour amuser la galerie si, toutefois, les autorités n’y prennent garde.
Voilà, dans ce pays exsangue, quelle utilisation abusive est faite des deniers publics par des représentants mêmes de l’Exécutif. Alors que ce sont, en principe, les parlementaires et les membres du gouvernement qui doivent montrer, au quotidien, la voie à suivre. Maintenant, il s’agit de savoir, parmi les onze commissions de l’Assemblée nationale, lesquelles ont reçu des équipements, voire des véhicules de la part de départements ministériels?
Le président de l’Assemblée nationale, Pr Dioncounda Traoré, qui ne transige pas avec les principes tant moraux que de bonne gestion, va-t-il garder dans ses bras ces cadeaux empoisonnés ? Ou, au contraire, va-t-il restituer ces équipements aux ministères concernés ? Ou tout simplement s’accommoder de cette situation et de ces pratiques corruptrices qui, forcément, portent préjudice à l’image de l’honorable institution.
Et, naturellement, à la crédibilité des députés qui ont été à la base de ces demandes illicites. Surtout que les équipements en question ne pourront même pas être enregistrés dans le patrimoine mobilier et immobilier de l’Assemblée nationale car ne provenant pas de son budget et ne constituant pas non plus un don en bonne et due forme. Sauf à faire usage de faux. Ce qui serait inqualifiable.
Mamadou FOFANA