Débat lors du vote du budget 2009 à l’Assemblée nationale : Konimba Sidibé (opposition) dénonce la «soustraction irrégulière de 9 milliards de FCFA»

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«Rien n’est prévu dans le budget 2009 au titre de la privatisation de la Sotelma qui interviendra au cours de cette année. Pire, sur les 39 milliards de FCFA de recettes de privatisation de la BIM-SA encaissés en 2008, le gouvernement a affecté 10 au trésor public sur cette année et a placé les 29 milliards restants en dépôt à terme dans les banques. Sur ces 29 milliards, 20 serviraient à financer des dépenses inscrites au budget 2009 et les neuf restants flottent encore puisque non pris en compte dans le budget de l’Etat ni en 2008, ni en 2009, en attendant que l’occasion de les dépenser se présente. Cette pratique, qui consiste à soustraire une partie des ressources publiques de la loi de finances est irrégulière». Ces propos de Konimba Sidibé constituent une des dix raisons qu’il a avancées pour inviter ses collègues à ne pas voter le budget. Mais il n’a pas été suivi.

 Au cours du débat à l’Assemblée nationale sur le vote du budget, le jeudi 18 décembre (de 10 heures à 22 heures) l’intervention de l’honorable Konimba Sidibé du PARENA (opposition) a le plus attiré l’attention de l’auditoire.

D’entrée de jeu, l’ancien ministre du Contrôle d’Etat sous la Transition (1991-92) a affirmé qu’il a dix raisons pour inviter ses collègues à ne pas voter le budget d’Etat 2009.

La première raison avancée par le député de Dioïla porte sur l’aggravation d’un déficit budgétaire déjà insoutenable (127,304 milliards de FCFA) contre 119,472 milliards en 2008-12-20

«Le ministre des finances trouve ce déficit soutenable parce qu’il pense pouvoir le financer en recourant aux appuis budgétaires des PTF (partenaires techniques et financiers) et à l’emprunt. Cependant, ce schéma n’a pas permis de couvrir le déficit budgétaire au cours des dernières années au point que l’Etat connaît actuellement une forte crise de trésorerie qui s’est traduite par l’accumulation d’arriérés de paiements intérieurs qui a mis de nombreuses entreprises privées de la place dans des difficultés financières considérables. Il ne fait pas de doute que l’important déficit de 2009 aggrave cette situation, il est insoutenable à cet égard» a expliqué l’honorable du PARENA.

La deuxième raison invoquée est que les estimations budgétaires sont basées sur une hypothèse de taux de croissance peu réaliste de 7,8% compte tenu de l’impact que la crise économique mondiale ne manquera pas d’avoir sur l’économie malienne, la crise de la restructuration du secteur coton en cours, et des aléas pesant sur l’évolution de la production agricole de manière générale.

La troisième raison concerne la non exhaustivité du budget qui, selon Konimba Sidibé, ne respecte pas un principe fondamental de gestion budgétaire : l’universalité du budget, c’est-à-dire la couverture intégrale de l’ensemble des recettes et dépenses de l’Etat par le budget. Cet aspect, à en croire ce professeur d’université, est délibérément ignoré.

«La trésorerie de l’Etat est dans une crise sans précédent qui s’est traduite par l’accumulation de factures impayées des opérateurs économiques dont certains dateraient de 2007. Leur montant n’est pas connu avec précision : entre 99 milliards (annoncés par le ministère des Finances) et plus de 200 milliards, selon d’autres sources… Le budget 2009 ne prend en compte le remboursement de la dette intérieure de l’Etat que pour un montant dérisoire de 15 milliards inscrits dans le poste «apurement du passif» portant sur les factures de EDM, de la SOTELMA, l’exécution des grosses de justice et des avals et cautions donnés par l’Etat, etc» a déploré l’orateur qui persiste et signe que : «ce sont plusieurs dizaines de milliards que l’Etat doit aux entreprises au titre des crédits de TVA et droits indûment perçus. Alors que l’Etat n’a inscrit dans le budget que 5 milliards en terme de TVA pour les miniers et 2,5 milliards au titre des exonérations fiscales».

Konimba Sidibé s’est également plaint du fait que certains investissements effectués directement par les PTF (Chine, Japon, Etat-Unis, etc.) ne figurent ni en recettes, ni en dépenses dans le budget 2009. A titre d’exemple, il a cité la construction du troisième pont de Bamako pour lequel 1,5 milliard de FCFA est inscrit dans le budget et aucune trace pour le reste.

Les recettes de privatisation, notamment de la BIM-SA et celles de la SOTELMA attendues en 2009 ne sont pas régulièrement inscrites, selon lui, dans le budget de la nouvelle année.

Les autres raisons développées par cet opposant ont pour noms : un budget insuffisamment transparent, la multiplication des comptes et fonds spéciaux, des budgets-programme de qualité médiocre, aucun progrès dans la déconcentration et la décentralisation de la gestion des ressources publiques, la marginalisation de la justice et la forte baisse des crédits alloués à certains ministères clés, la non concordance des montants des crédits des postes et structures figurant dans les différents documents budgétaires.

Voilà les dix raisons brillamment développées par Konimba Sidibé, qui a invité ses collègues à ne pas voter le budget. Il n’a été suivi par la majorité écrasante qui a, au contraire, félicité le ministre des Finances pour la «qualité de son document et les avancées enregistrées dans la gestion des finances publiques». C’est ainsi qu’elle a voté le budget par 125 voix contre 19 (ces derniers sont tous de l’opposition).

Avant que le vote n’intervienne, des députés de la majorité sont montés au créneau, notamment Wali Diawara, Younoussi Touré et d’autres pour prendre contre pied de Konimba Sidibé. C’est ainsi que Younoussi Touré a déclaré que : «Konimba Sidibé a voulu noircir le tableau afin de nous amener à améliorer la situation. L’Assemblée nationale veut être exigeante sur la gestion des finances publiques. Nous n’admettons pas la médiocrité. Concernant le déficit que Konimba Sidibé trouve insoutenable, à ma connaissance, aucun pays au monde ne vote son budget en équilibre. La quasi-totalité des budgets sont déficitaires. Le taux de croissance annoncé de 5,3% est bien soutenable. Le budget rassure. Il cadre avec les orientations données par le gouvernement. L’évolution est positive. Je demande donc aux honorables députés de voter le budget».

Dans son intervention, le ministre des Finances, Abou-Bacar Traoré, s’est montré déçu par les thèses développées par Konimba Sidibé.

«Je ne comprends pas Konimba Sidibé. Chez lui, il y a une confusion entre budget et trésorerie. Après toutes les explications que je lui données en commission des finances, je n’ai rien à lui dire encore» a martelé l’argentier du Mali.

Rappelons que le budget 2009 se chiffre à 1001 milliards 800 millions de FCFA contre 930 milliards 207 millions en 2008, soit un déficit de 127 milliards 304 millions de FCFA. (Nous reviendrons dans nos prochaines parutions sur les grandes lignes de ce budget).

Chahana TAKIOU

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