Adopté en Session extraordinaire du Conseil des ministres le vendredi 10 mars 2017, le projet de loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992 était au centre des débats au niveau de l’hémicycle au cours de sa plénière du vendredi 02 juin 2017. Ledit projet de loi renverse la hiérarchie des normes constitutionnelles à travers la création de nouvelles institutions de la République, notamment le SENAT et la COUR DES COMPTES. Après moult tractations, débats et discussions, les députés ont donné leur quitus pour le passage de la loi constitutionnelle au referendum à 111 voix, 35 contre et 0 abstention. Cela, à l’issue de la communication faite par le ministre Me Kassoum Tapo, des Droits de l’Homme et de la Réforme de l’Etat.
Quelques mois avant ce jour, l’on ne pouvait affirmer avec certitude l’adoption de ce projet de loi constitutionnelle à l’Assemblée nationale du Mali sans anicroche. Cela à cause des échos ou du moins les interprétations qui entouraient l’annonce d’une retouche de la Constitution du 25 février 1992. Ce projet de loi, faut-il, le souligner comprend 140 articles repartis entre Seize (16) titres dont 17 articles modificatifs.
Ce passage fait suite à d’autres tentatives (de 2002 et 2011) qui se sont toutes soldées par un échec. De ce fait, l’on ne pouvait sous la base d’indicateur précis prédire l’adoption par l’AN d’une autre tentative. Face à cette situation historique il sied de s’interroger, pourquoi a-t-elle marché cette fois ci ?
Le bienfondé et les griefs sur la révision constitutionnelle !
Dans le rapport de la commission des Lois Constitutionnelles de la Législation, de la Justice, des Droits de l’Homme et des Institutions de la République trois motifs principaux sont évoqués.
D’abord le fait que la constitution a révélé des lacunes et insuffisances qu’il convient de corriger. Le deuxième motif est relatif à la crise sécuritaire et institutionnelle de 2012 qui a fragilisé les institutions de la 3ème République. Le troisième motif, le plus poignant concerne les engagements pris par l’Etat malien contenus dans l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger.
L’honorable Sékou Fantamady Traoré, rapporteur de cette Commission, a enlevé tout doute sur la large concertation faite autour de ce projet. A l’en croire, à travers le pays ce sont plus de 400 personnes ressources qui furent écoutées, ayant permis la prise en compte de 80 propositions. Que cette révision constitutionnelle s’est opérée dans des conditions idoines.
Abondant dans le même sens, l’honorable Zoumana N’tji Doumbia, président de la Commission Lois de l’Assemblée nationale, dira que les écoutes citoyennes se sont tenues à bon échéant dans le délai imparti.
Son de cloche différent chez le président du principal groupe parlementaire de l’opposition (VRD), l’Honorable Mody N’Diaye. Qui ne s’est pas empêché de poser la question s’il s’agit d’une révision ou d’un changement intégral de Constitution au regard du nombre de dispositifs proposés au changement. Pour lui, le temps ne sied pas à une révision, c’est pourquoi, dit-il le travail fut bâclé. A cet effet, il a invité les uns et les autres à se donner le temps nécessaire pour proposer au peuple une Loi fondamentale qui prend en compte ses aspirations. Cela pour ne pas reprendre les mêmes erreurs de l’accord d’Alger ou de la Conférence d’entente.
Selon le député de Baraouéli un projet de Constitution doit être mené par des constitutionnalistes et non des juristes politiques.
A signaler que l’opposition parlementaire a formulé 43 amendements au projet de loi constitutionnelle. De ses griefs, on peut citer son opposition au détachement de la Cour des comptes de la Cour suprême pour en faire une Institution à part. Selon elle, cette Cour exerce les mêmes fonctions que le Bureau du Vérificateur Général, d’où un conflit de compétences.
En somme, selon le groupe VRD cette révision constitutionnelle est un acte qui se fait sur le dos de la population.
Le Gouvernement imperturbable sur sa détermination !
Considérée comme la « loi des lois » en ce sens ou c’est le texte qui va venir définir de quelles manières vont être adoptées les autres lois, la Constitution par son caractère de loi supérieure ne peut être modifiée comme les autres lois. Ainsi, le constituant originaire c’est-à-dire celui qui a rédigé la Constitution à l’origine, a mis en place un dispositif législatif permettant de la réviser en fonction des évolutions que la société pourrait demander.
Et c’est en droite ligne de ces principes, selon le ministre Tapo que le Président de la République a pris cette initiative. C’est pourquoi il dira aux députés que le processus n’est pas de chercher de confort démocratique, mais une exigence imposée par la situation actuelle du pays. Que la présente révision est devenue une exigence imposée par la situation politique du pays et celle de la communauté internationale dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation.
Au deuxième jour de cette plénière les débats furent les plus houleux entre d’une part, le ministre Tapo et les députés et d’autre part, entre les députés des différents groupes parlementaires. Le principal atout de cette loi selon le ministre des Droits de l’Homme et de la Reforme de l’Etat est le fait qu’il ne touche ni au mandat encore moins aux pouvoirs du président de la République. De même, qu’elle n’entraine pas un changement de République.
Ainsi, qu’elle contient des recommandations retenues lors des écoutes citoyennes. Il s’agit entre autres, de l’approfondissement de l’enseignement des langues nationales, la traduction des lois en langues nationales, l’élaboration d’un statut du juge des comptes, la dotation du conseil supérieur de la magistrature d’une administration et d’un règlement intérieur. Aussi, la relecture de la loi relative aux associations ainsi que l’enseignement de la Charte de Kuru Kan Fuga dans nos écoles et universités.
C’est aux environs de 2heures du matin que le texte fut voté à 111pour, 35 contre et 0 abstention. Il reste son passage à l’issue du référendum du 09 juillet prochain.
Moise Kéita