Les députés planchent sur le sort de Moussa Mara aujourd’hui. Mathématiquement le vote des députés sera en sa faveur. Mais la motion censure d’aujourd’hui reste avant tout le “procès” d’un Premier ministre qui porte une lourde responsabilité dans les douloureux et graves incidents qui se sont produits à Kidal, humiliant notre armée nationale.
L’hémicycle du Mali sise à Bagadadji sera le centre des attractions ce jour mercredi 18 juin 2014 où les Honorables députés devraient se réunir pour examiner la motion de censure initiée par l’opposition à l’encontre du gouvernement. Quelles sont les chances de cette action de l’opposition parlementaire ? Cette motion de censure est la deuxième du genre contre un Premier ministre depuis l’ouverture du pays au pluralisme politique.
On se souvient que, sur initiative de l’opposition, une motion de censure avait visé le Premier ministre Ibrahim Boubacar Kéïta à l’époque. Mais ce fut un échec, la majorité des députés de l’époque ayant rejeté purement et simplement ladite motion de censure formulée par l’opposition d’alors.
UNE ARME POUR L’OPPOSITION
La motion de censure constitue une des armes dont disposent les députés pour demander des comptes. Elle est prévue par l’Article 78 aliena 2 de la Constitution du 25 février 1992 en ces termes : “L’Assemblée Nationale met en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de censure. Une telle motion n’est recevable que si elle est signée par une dixième au moins des membres de l’Assemblée nationale. Le vote ne peut avoir lieu que quarante huit (48) heures après son depôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée à la majorité des deux tiers des membres qui composent l’Assemblée. Si la motion de censure est rejetée, les signataires ne peuvent en proposer une nouvelle au cours de la même session”. L’Article 79 ajoute : “lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu’elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du gouvernement, le Premier ministre doit remettre au Président de la République la démission du gouvernement”. C’est à juste raison que l’opposition parlementaire de l’actuelle législature a voulu user de cette disposition constitutionnelle.
Le document, de sources officielles, a été déposé le vendredi 13 juin 2014. Cette motion de censure est signée par 14 députés membres du groupe parlementaire Vrd. Il s’agit des Honorables Mody N’Diaye, Mahamadou H. Gassama, Amadou Cissé, Alkaïdi Touré, Abdoul Malik Diallo, Sekou Cissé, Mamadou L. Wagué, Dotian Traoré, Birema Beredogo, Seydou Diawara, Adama Kané, Soumaïla Cissé, Amadou Maïga, Habib Sofara et Bakari Woyo Doumbia du parti Fare.
Comme on le constate, cette motion est signée par des députés issus de partis politiques autres que l’Urd, le chef de file et le candidat malheureux au scrutin présidentiel de 2013.
ÇA NE VA PAS DANS LE PAYS
De l’avis des observateurs les plus avisés, le “bâteau Mali” a entrepris de tanguer depuis l’avènement d’Ibk à la tête du pays en 2013. Plus de 70 % des Maliens, qui ont voté, lui ont accordé leurs suffrages. De plus en plus le président IBK que l’on croyait être une chance, voire un messie, est entrain de decevoir les populations. Cette population qui a massivement voté pour lui compte tenu de ses promesses électorales de “gérer” le problème du Nord du pays avec rigueur. N’eût été cette promesse, Ibrahim Boubacar Keïta n’aurait pas remporté le scrutin face à son challenger Soumaïla Cissé.
En moins de huit (8) mois de pouvoir, le Président IBK a déjà “grillé” deux chefs de gouvernement. D’où le malaise actuel.
Le leader d’un petit parti, Yèlèma, Moussa Marra fut appelé à la rescousse pour sauver les meubles, lorsque le premier Premier ministre Oumar Tatam Ly a rendu le tablier. Mais depuis l’arrivée de Moussa Mara, il y a deux mois, la situation s’est au contraire aggravée avec les incidents douloureux de Kidal dont le nouveau Premier ministre porte une lourde responsabilité.
En sus de cette situation, des problèmes de mauvaise gestion ont surgi ça et là, sur fond de fuites des sujets lors des épreuves du Def et du Bac, d’insécurité dans les villes et même à l’intérieur des prisons. Moussa Mara a donc du pain sur la planche avec la multiplication des problèmes.
La motion de censure qui vise à le chasser de la Primature intervient seulement quelques jours après son interpellation par les députés sur les questions d’actualité pour lesquelle lui et le Ministre de la Sécurité intérieure Sada Samaké se sont succedés à la tribune de l’Assemblée nationale.
Déjà, dans certains milieux, on spécule sur les chances de cette motion de censure contre Mara. “Il doit partir, car il est incompétent”, affirment certains commentaires qui n’apprécient pas sa façon d’aborder les préoccupations des Maliens, qui ploient sous le fardeau de la crise économique.
En fait, la sécurité constitue un défi majeur que le Premier ministre a du mal à gérer en apportant des solutions à la grande criminalité qui s’est installée et qui se généralise dans tout le pays. C’est parce qu’aujourd’hui la vie quotidienne des Maliens est difficile avec son corollaire de chômage, d’insécurité, de précarité, d’effritement du pouvoir d’achat et de malaise de l’école, que la groupe parlementaire d’opposition Vrd a jugé utile d’activer cette motion pour faire débarquer le chef de l’exécutif, qui, selon certains, n’a aucun mérite plus que Oumar Tatam Ly, auquel il a succédé à la primature le 5 mai dernier.
Certes Moussa Mara a pu faire passer sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale le 27 mai dernier, mais la question qui doit être posée est celle-ci: est-ce que le Chef de l’exécutif aura la baraka nécessaire pour survivre à la motion de censure de l’opposition?
Laya DIARRA