Code de la famille et des personnes: Où en sommes-nous ?

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La médiatisation (sans doute suscitée et entretenue) à outrance du projet de révision constitutionnelle a fait de l’ombre au projet de loi portant Code de la famille et des personnes. Pourtant, c’est au cours d’une session extraordinaire programmée au mois de juillet que ce texte controversé devait être réexaminé par les députés dont nombreux sont ceux à attendre une attitude courageuse et un examen objectif. Il semble que le Code de la famille et des personnes attendra encore.

Les députés étaient préparés à se prononcer sur le projet de loi portant Code de la famille et des personnes, un texte controversé qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive.
En 2009, alors que ce texte avait été adopté par une quasi-unanimité à l’Assemblée Nationale, et était sur le point d’être promulgué par le président de la République, il a été renvoyé par celui-ci en seconde lecture. La raison : quelques groupuscules intégristes et ultraconservateurs ne voyaient pas d’un bon œil les changements logiques et naturels qui y étaient introduits, notamment en faveur des couches les plus défavorisées de la société que sont les femmes et les enfants. Le Code veut corriger les nombreuses injustices faites aux femmes et à certains enfants. Alors que, selon plusieurs témoignages, les associations religieuses de différentes confessions, notamment musulmanes, ont toutes participé à toutes les phases de l’élaboration du projet de Code, certaines ont quand même trouvé le moyen de mobiliser leurs troupes et d’investir la rue, avec comme seul objectif de faire rejeter le nouveau texte. A court de véritables arguments, ils n’ont trouvé comme stratégie que d’inviter Dieu, la religion et les traditions dans les débats.

D’abord, Dieu abhorre toute forme d’injustice, notamment envers les plus faibles. Dans les différentes religions, dont l’islam, Il invite à la tolérance, à l’équité, à la justice et au respect de l’autre.

En outre, il n’est dit nulle part dans les livres saints que le respect des traditions exclut la pratique de la modernité et la recherche des progrès. Pour preuve, aucun de ces chefs et leaders religieux qui sont décidés de se faire entendre à coups de cacophonie généralisée et de litanies hors de propos, ne semblent dédaigner les avantages de la modernité. Ils ont des comptes courants et d’épargne dans les banques et institutions financières, sur lesquels ils perçoivent des intérêts, alors que la religion interdit l’usure et pratiques assimilées. Ils roulent dans des véhicules alors que, selon plusieurs hadiths, le Prophète et ses compagnons, qui voyageaient beaucoup plus que nos paisibles prêcheurs, ne connaissaient que le cheval ou le chameau pour se déplacer. Pourquoi ne pas faire comme eux ? Ils habitent dans de luxueuses demeures, avec toutes les commodités nécessaires, au lieu de faire comme le Prophète et ses compagnons qui se contentaient de tentes, de huttes et d’habitats de fortune. Ils font leurs ablutions avec de l’eau qu’ils exigent pure, souvent minérale coulant de source ou recueillie au robinet. Ils envoient tous leurs enfants dans des écoles modernes occidentales alors qu’ils possèdent tous des médersas ou des «vestibules coraniques». Avant, pendant et après le mois de ramadan, ils s’empiffrent avec les mets les plus délicieux, les chairs les plus tendres, les boissons les plus délicates, tout en conseillant à ceux qui n’ont pas les moyens de faire comme eux, de ceux qui ne reçoivent pas des subsides des Emirats Arabes, de se contenter d’un repas frugal, composé essentiellement de quelques dattes, et de boire un peu d’eau plate.

Bref, nos chefs et leaders religieux ne dédaignent pas les bienfaits et avantages de la vie moderne et du progrès quand il s’agit de leurs seuls et uniques intérêts. Il s’agit pour eux de garder le plus longtemps possible les privilèges que leur confère une certaine interprétation des livres saints. N’est-ce pas dans ce sens que des sexagénaires, septuagénaires ou nonagénaires veulent encore garder le pouvoir de jouir de la fraîcheur et de la jeunesse de fillettes de 15 ans, de les répudier quand ils seront repus, d’avoir toujours à portée de voix et de main une épouse soumise et consentante?

Assurément que quand le Code de la famille et des personnes est adopté dans sa première version, ces chefs et leaders perdront beaucoup de leurs privilèges. Il est tout à fait normal donc qu’ils donnent de la voix et brandissent des poings. Il revient aux députés et au chef de l’Etat de se montrer fermes et inflexibles. Après tout, il y va de la promotion et de la protection des droits des femmes et des enfants, lesquels sont nettement plus nombreux que les intégristes.
Cheick TANDINA

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