Un vote de texte à la hâte, un gouvernement au pilori, des menaces de représailles, ultimatum lancé, et pour finir, l’adoption dudit texte sans aucune opposition, des observateurs de la société civile très remontés. C’est ainsi qu’a été conduite l’adoption du Code des personnes et de la famille par « l’honorable » Dioncounda Traoré qui se voit déjà dans le fauteuil présidentiel…
Le Code des personnes et de la famille a été adopté par l’Assemblée nationale le vendredi dernier. Mais tant parmi les parlementaires qu’au sein de la société civile, pas une seule voix ne s’était élevée pour faire état « d’altérations » et de magouilles dont ce code serait entaché, car c’est de cela qu’il s’agit. Certains esprits parmi nos politiques, voyant « le diable » partout dans le milieu islamique, ont vendu leur âme à ce dernier. Ce code est-il à l’avantage de qui? Contre quoi ? Personne ne s’en occupe ; tout ce qui compte, c’est comment arriver à Koulouba. Quant aux «altérations», c’est-à-dire les ajouts, omissions et modifications allégués de l’ancien code, on ne saurait dire qu’ils sont du souhait de toute la population. Il y a eu des réserves, voire des oppositions qui n’ont pas été prises en compte.
On a appris que le nouveau code traduit en arabe a été envoyé à des religieux pour en examiner le contenu enfin qu’ils donnent leur aval. Du jamais vu, car sous une république laïque, aucune autorité n’a ce droit !
Et dire que Dioncounda Traoré pourrait être le Président du Mali !
Pitié!
Quelqu’un qui accepte de sacrifier sa famille, notre famille à tous, pour des intérêts personnels…en dit long sur sa personne. Réfléchit-on assez sur la valeur d’un précédent qui consisterait, pour un président de l’Assemblée nationale, à envoyer un texte rectificatif de la Constitution à un religieux pour l’adopter à sa place ?
Le Président ATT, gardien de la Constitution, cautionnera-t-il cette magouille électorale par sa signature? Ce nouveau code serait alors signé par le Président ? Or le Président doit se rappeler de toutes les ratifications qu’il a signées au nom des droits de l’homme, de la protection des femmes. Il est évident que si notre Président promulgue ce code, c’est comme s’il ne respecte plus la Constitution.
La gravité d’une telle décision
Les plus hautes autorités de l’Etat feraient-elles commettre une telle imposture à notre République ? Faire signer par le Président un texte sur le code dont le contenu aura été modifié par une seule couche religieuse !
Avant d’entrer en fonction, Amadou Toumani Touré a prêté le serment suivant : « Je jure devant Dieu et le peuple malien de préserver en toute fidélité le régime républicain, de respecter et de faire respecter la Constitution et la Loi, de remplir mes fonctions dans l’intérêt supérieur du peuple, de préserver les acquis démocratiques, de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national….Je jure devant Dieu et devant la nation d’observer et de faire observer fidèlement la Constitution… ». L’Article 2 de la loi constitutionnelle dit bien : « Tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée ». Et l’Article 28 de cette même loi constitutionnelle dit encore: « Les partis concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent librement leurs activités dans les conditions déterminées par la loi. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie, de l’intégrité du territoire, de l’unité nationale et de la laïcité de l’Etat ». Le Président ATT a été élu par les maliens (musulmans, chrétiens, protestants et même des incrédules). Ainsi, il a prêté serment, non pas pour une République religieuse, mais pour la République du Mali tout court. Comment pourrait-il promulguer un code dont la plupart des articles ont été dictés par une fraction de la population, sans considérer les autres citoyens?
En 1992, quand la dictature a été renversée, nous n’avons pas vu de religieux dans les rues, ni dans les stades, mais plutôt ces femmes et ces jeunes qui sont aujourd’hui écartés de la scène politique et des décisions importantes de notre pays. Pourtant, ces femmes et ces enfants étant la famille, le code leur appartient. Malheureusement, ils n’ont pas été concertés, et leurs droits ont été bafoués. La négociation du code des personnes et de la famille a été faite sur le dos de ces braves gens qui méritent d’avoir le titre « d’honorables ».
C’est par la voie institutionnelle que nous éviterons l’aventure d’un mauvais précédent et que nous nous élèverons à la hauteur de l’espérance de la République.
QUE FAIRE ?
Se battre pour l’avenir de notre grand pays. Le jour viendra où il y aura enfin des hommes qui auront tout d’abord l’amour de notre pays et des convictions pour bâtir un Mali uni et meilleur pour nos enfants. Ce jour viendra.
N.N.C