Pendant que les regards sont tournés vers la Cour Constitutionnelle, seule habilitée à proclamer les résultats définitifs du 2e tour des législatives, la tension monte à l’Adema-Pasj. La raison : la bataille pour le perchoir de l’Assemblée nationale. Une situation qui rappelle, à quelques exceptions près, celle vécue par le parti en 2002. Curieusement, pendant que les adémistes se livrent à cette guerre feutrée, de l’autre côté, l’URD fait monter la pression.Quant au RPM, il semble jouer à l’arbitre. A croire que IBK veut être un troisième larron
Il était une fois dans la ruche
La course à la présidentielle d’avril 2002, faut-il le rappeler, était entrée dans une phase cruciale, avec l’investiture du candidat de l’Adéma. Le président Konaré achevant son second et dernier mandat, le parti lui cherchait un successeur. L’absence d’un dauphin désigné par le Chef de l’Etat sortant et la multiplication des candidats à l’investiture avaient contraint le parti à passer par l’épreuve des primaires prévues par les textes issus du congrès extraordinaire de 2000.
Si certains louaient cette expérience, une première en Afrique, dissertant sur la fin annoncée du centralisme démocratique, d’autres se perdaient plutôt en conjectures sur l’implosion de ce parti. A la date échue, quatre dossiers avaient été déposés sur le bureau de Dioncounda Traoré, président du parti.
Deux semaines après l’annonce des candidatures retenues, les inquiétudes avaient commencé à s’emparer des cadres de l’Adéma. Le doute gagnait les militants. La suite, on la connaît : Soumaïla Cissé, candidat investi, n’aura pas le soutien de tout le parti. Après les législatives de 2002, il quitte, avec d’autres amis, pour créer l’URD.
Cette année encore, après les législatives, voilà que l’ADEMA est menacé d’implosion. Puis qu’en attendant que sa direction nationale se prononce sur la question- la Cour n’a toujours pas livré les résultats définitifs pour savoir si les provisoires donnés par l’administration ne connaîtront pas d’éventuels réajustements- la bataille pour le perchoir a déjà commencé au sein du parti.
Dans les coulisses, on murmure déjà trois noms, dont celui qui est censé être l’arbitre et dont la voix est prépondérante, en cas de tiraillement. Il s’agit du président Dioncounda Traoré. Les autres sont Assarid Ag Imbarcawane, 2e vice-président du bureau de l’Assemblée sortante et de l’ancien ministre Lanséni Balla Kéîta.
Une guerre feutrée
Assarid serait plus engagé dans une bataille de conservation que dans celle pour le perchoir. En s’agitant, il donne l’impression de négocier son propre sort, lui qui, par une certaine tournure prise par les évènements, pourrait quitter le bureau où il est le 2e vice-président sortant. Or, il semble que le torchon brûle entre lui et Dioncounda Traoré, le premier aurait dit que le second ne ferait pas un bon président de l’Assemblée. Le même jugement est attribué, à tort ou à raison, au questeur sortant, Mahamadou Cissé de l’ADEMA. Ce dernier peut avoir intérêt à ne pas soutenir la candidature de Dioncounda. Puisqu’il n’est pas évident que l’ADEMA parvienne à cumuler et le porte de président de l’Assemblée et celui de 1er questeur.
Quant à Lanséni Balla Kéïta qui n’a que son statut d’ancien ministre, il donne l’impression de mettre le pied dans le plat en nourrissant de l’ambition pour le perchoir. Certainement, il est en train de jouer, lui aussi, pour lui-même. Qui sait quoi ?
C’est dire que l’étau se resserre autour de Dioncounda Traoré à l’ADEMA avec cette bataille pour la questure en perspective. A entendre les supputations dans la Ruche, le président l’emporterait difficilement face à Assarid, si l’on venait à soumettre les candidatures à un vote à l’intérieur du parti. Puisque des adémistes se plaignent du fait que leur président rencontre des chefs de partis membres de l’ADP mais ne leur rend pas compte. Etant donné que ces mêmes chefs de partis se font recevoir par d’autres qui guignent la présidence de l’Assemblée, tel que l’URD.Or, on soupçonne ces leaders de partis de rendre compte de leurs entretiens avec Dioncounda à ceux qui les reçoivent.
Curieusement, pendant que les adémistes se livrent à cette guerre feutrée, de l’autre côté, l’URD fait monter la pression. “En ce qui concerne l’Assemblée Nationale, nous allons présenter un candidat à la présidence. Sans exclure que notre groupement (NDLR : ADP) peut présenter un canddiat”, déclarait Younoussi Touré sur les antennes de RFI. Si le président de l’URD ne livre pas le nom du prétendant de son parti-ce candidat peut être lui-même- il reconnaît qu’une bataille est possible entre sa formation politique et l’ADEMA.
IBK, un troisième larron ?
Quant au RPM du président sortant de l’Assemblée Nationale, il semble jouer à l’arbitre. A croire que IBK veut être un troisième larron. Aussi, pour faire monter les enchères, a t-il dit, lors d’une cérémonie à son domicile à Sébénikoro, après sa victoire au 2e tour contre Moussa Mara : “Nous serons probablement quinze députés. Le nombre peut être jugé insuffisant, mais nous ne serons pas prêts à nous laisser faire”.
Les représentants des partis qui l’ont soutenu, le 22 juillet, présents à cette cérémonie, ont conclu que Ibrahim Boubacar Kéïta faisait allusion au FDR.
Surtout que Tiébilé Dramé du PARENA, qui est crédité de quatre députés, était de la fête. Les 4 députés PARENA, ajoutés aux 11 virtuels du RPM, donnent 15.
C’est dire que IBK suivra avec intérêt une possible bataille entre l’URD et l’ADEMA à l’Assemblée. Certes, son objectif peut ne pas être de redevenir vaille que vaille président du parlement, mais cela ne veut pas non plus dire qu’il est prêt à cracher sur le perchoir. Ce faisant, sauf retournement de situation, Ladji Bourama pourrait être intéressé par un poste parlementaire à l’extérieur. La présidence du parlement de la CEDEAO ? Celle du parlement africain ?…
Dans ce cas, le RPM pourrait être tenté de négocier avec celui qui est en mesure de l’aider à envoyer son président hors du pays. Mais attention. Au cas où tout départ d’IBK à l’extérieur serait compris dans le sens de décapiter son parti, il va sans dire que le Tisserand jouerait à fond sa chance dans la bataille pour le perchoir.
La politique étant sourde même aux sentiments les plus nobles, qui sait si un retournement de situation ne reconduirait pas IBK à son poste? Quid au parti qui jouera au faiseur de roi, en se contentant de la questure?
Ainsi, Ladji Bourama revivra la même situation que lors de la fin de la législature précédente. Le RPM détenait la présidence de l’hémicycle, mais l’ADEMA était premier questeur. Un scénario similaire n’est pas à écarter, quand on sait qu’après avoir frôlé l’humiliation cette année, on se demande si IBK accepterait encore de se présenter à des élections. Si c’était le cas, il en aura cure des critiques selon lesquelles il est inaccessible. Puisqu’il n’aura plus besoin d’entretenir des électeurs. Et tant pis si on l’accusait de trahison. L’essentiel pour lui, c’est de garder ses privilèges et avantages de président de l’Assemblée. Qui pourrait être ce “refaiseur” du roi IBK ?
En définitive, à la faveur de cette bataille pour le perchoir, évolue-t-on vers un OPA sur la classe politique? La future assise de l’Assemblée nous édifiera.
Oumar SIDIBE
“