L’immunité parlementaire peut être définie comme l’ensemble des dispositions qui assurent aux parlementaires un régime juridique dérogatoire de droit commun dans leurs rapports avec la justice pour préserver leur indépendance et garantir leur liberté d’expression.
L’immunité parlementaire vient de l’Angleterre. Entre le 15e et le 16e siècle, un certain nombre de poursuites étaient dirigées contre les membres de la Chambre des communes fondées sur des propos émis par eux et considérés comme attentatoires aux droits de la Couronne. Pour mettre un terme à cette pratique, une loi fut adoptée courant 1689 intitulée “Bill of Rights”.
Le but de cette loi était de mettre les parlementaires à l’abri de poursuites arbitraires dans l’exercice de leurs fonctions. L’immunité parlementaire fut par la suite proclamée en France par les Etats généraux du 23 juin 1789, puis consacrée par les Constitutions de 1791… et 1958.
Au Mali, le mécanisme de l’immunité parlementaire est prévu par l’article 62 de la Constitution du 25 février 1992.
L’expression immunité parlementaire a pour objet la protection des députés contre les poursuites judiciaires abusives et l’octroi, à ces derniers, d’une totale liberté de pensée et d’action. Ainsi, on a voulu protéger les membres des Assemblées contre un gouvernement malveillant qui, surtout dans les périodes de tensions, pourrait lancer de fausses accusations de vol ou de meurtre, par exemple, contre des élus de l’opposition.
Le souci de concilier la nécessaire protection de l’exercice du mandat parlementaire et le principe de l’égalité des citoyens devant la loi a conduit à distinguer deux catégories d’immunités. Il s’agit de l’irresponsabilité et de l’inviolabilité.
L’irresponsabilité couvre le parlementaire à raison des actes accomplis dans le cadre de son mandat.
Le régime de l’irresponsabilité est défini par l’article 62 alinéa 1 de la Constitution malienne du 25 février 1992 : “Aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou des votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions”. Il s’agit là d’une transposition en droit malien de l’article 26 alinéa 1 de la Constitution française de 1958.
Le principe de l’irresponsabilité des membres du Parlement constitue, en premier lieu, une modalité particulière de la protection aménagée en vue de garantir l’indépendance… des membres du Parlement, et ce conformément au principe de séparation des pouvoirs. La nécessité de veiller à prévenir toute arrestation arbitraire d’un représentant du peuple de la part du gouvernement constitue une préoccupation essentielle des démocraties représentatives.
Ainsi, l’irresponsabilité parlementaire protègerait en réalité l’expression de la volonté générale et la composition du Parlement tel qu’il fut élu par les citoyens. L’irresponsabilité parlementaire fait donc obstacle à toute poursuite aussi bien pénale que civile ou disciplinaire. Elle protège le parlementaire de façon perpétuelle. En plus de cette protection fonctionnelle, les parlementaires maliens jouissent aussi d’une protection personnelle à savoir l’inviolabilité.
L’inviolabilité parlementaire s’analyse en une immunité de procédure, garantissant le parlementaire contre des poursuites pénales abusives ou vexatoires intentées contre lui en raison des faits étrangers à l’exercice du mandat. C’est dans ce sens que l’article 62 alinéa 2 de la Constitution de 1992 dispose que : “Aucun membre de l’Assemblée nationale ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale, sauf en cas de flagrant délit.
Aucun membre de l’Assemblée ne peut, hors sessions, être arrêté qu’avec l’autorisation du bureau de l’Assemblée nationale, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive”.
L’inviolabilité ne s’applique qu’en matière pénale et couvre toutes les infractions à l’exception des infractions particulièrement graves. La protection est assurée du début jusqu’à la fin du mandat.
La consécration constitutionnelle de l’immunité parlementaire ne fait pas pour autant des élus une confrérie de privilégiés. En effet, le droit positif prévoit de nombreuses dérogations qui limitent sérieusement ce système.
Et pour cause, bien que l’irresponsabilité parlementaire soit la règle pour tous les actes de fonction, elle ne protège, cependant, pas les actes détachables du mandat parlementaire tels que les propos tenus à titre privé dans l’enceinte de l’Assemblée, les opinions émises oralement ou par écrit en dehors de cette enceinte à l’occasion de réunions publiques.
En ce qui concerne le flagrant délit, il constitue une exception à l’immunité parlementaire consacré par l’article 62 alinéa 2 de la Constitution. En droit pénal, l’expression flagrant délit, peut se définir comme tout crime ou délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre notamment, dans le temps suivant immédiatement l’action, la personne soupçonnée est, soit poursuivie par la clameur publique, soit trouvée en possession d’objets, présente des traces, indices ou a laissé des traces ou indices, donnant à penser qu’elle a participé au crime ou au délit.
Ainsi, un parlementaire surpris ou saisi en flagrant délit est immédiatement arrêté par le ministère public, sans aucune autorisation de l’Assemblée nationale. Cependant, celle-ci doit être informée rapidement de cette arrestation.
Par ailleurs, si un parlementaire vient à commettre des crimes internationaux odieux, notamment les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité ou le crime de génocide, sa responsabilité pénale internationale peut être engagée devant la Cour pénale internationale ou devant toutes juridictions nationales dotées de la compétence universelle, et ceci, sans autorisation de l’Assemblée nationale.
L’autre exception de l’immunité parlementaire est la condamnation définitive. Celle-ci ne nécessite pas non plus une autorisation de l’Assemblée. Elle peut intervenir entre la période qui sépare les élections législatives et le début de la législature ou encore la sortie au gouvernement d’un parlementaire et avant sa réintégration à l’Assemblée.
S’agissant de la levée de l’immunité parlementaire, notre pays s’est inspiré de la tradition parlementaire française. C’est pourquoi, en dehors des cas de flagrant délit, et autres ci-dessus cités, toute poursuite judiciaire à l’encontre d’un parlementaire doit faire l’objet d’une autorisation de l’Assemblée nationale.
Toutes demandes tendant à obtenir l’autorisation d’enclencher de poursuites judiciaires contre un membre de l’Assemblée nationale obéissent à une procédure spécifique. Elles doivent être formulées par le procureur près la Cour d’appel territorialement compétente, transmises par le ministre de la Justice, garde des Sceaux au président de l’Assemblée nationale. Seul l’Assemblée nationale est compétente pour autoriser la levée de l’immunité d’un député. Il s’agit là d’une compétence discrétionnaire.
Toutefois, dans le respect du principe de la séparation des pouvoirs, le bureau de l’Assemblée ne doit pas se prononcer sur le fond de l’affaire qui relève de la compétence des autorités judiciaires.
Une fois l’autorisation accordée par l’Assemblée nationale, le député en cause peut être placé en détention avant d’être jugé. Aussi, il convient de noter avant le jugement de l’affaire, la détention ou la poursuite du député placé sous mandat de dépôt peut être suspendue, et ce, si l’Assemblée nationale le requiert.
Dans tous les cas, à la fin du mandat, les parlementaires peuvent être poursuivis comme de simples justiciables pour tous leurs actes commis avant l’exercice de leurs fonctions ou en dehors de celles-ci.
Yacouba Konaté