Seulement 33 voix sur les 96 requises se sont prononcées en faveur de la démission du gouvernement
L’Assemblée nationale a renouvelé hier sa confiance au gouvernement de Modibo Kéita. Seulement 33 voix sur les 96 requises se sont prononcées en faveur de la démission du gouvernement lors du vote de la motion de censure introduite par les députés de l’opposition. Avant le vote proprement dit, le Premier ministre et les députés ont eu des échanges engagés, quelques fois piquants, autour des trois points sur lesquels portait cette motion de censure.
L’opposition accusait le gouvernement d’avoir eu un accord avec l’Union européenne pour expulser les Maliens en situation irrégulière dans les pays de l’UE. Elle le taxe aussi d’incapacité à assurer la sécurité des Maliens et à organiser des élections communales crédibles sur toute l’étendue du territoire national.
Dans les détails, c’est encore le fameux communiqué conjoint signé entre le Mali et l’UE qui est mis en cause. En ce qui concerne l’insécurité, l’opposition accuse le gouvernement de ne pas être à mesure d’adopter la Loi de programmation sécuritaire pourtant annoncé dans la Déclaration de politique générale du gouvernement.
L’absence de l’Etat sur certaines parties du territoire, l’assassinat d’élus locaux et de chefs coutumiers, et la montée du communautarisme ont été également soulevés par l’opposition. Celle-ci justifie le point sur les élections par les nombreuses irrégularités qui ont émaillé, selon elle, le scrutin communal, « avec, à la clé, des fraudes massives » et sa non tenue sur certaines parties du territoire. Sur toutes ces questions, elle dénonce ce qu’elle appelle, « le silence coupable du gouvernement, l’humiliation du Mali et l’incurie du gouvernement ».
Avant les réponses du Premier ministre, les députés de la majorité ont estimé que l’opposition ne fait que jouer à travers cet exercice, sur la corde de la polémique pour créer l’insurrection à des fins électoralistes. Ils estiment qu’après les débats sur le communiqué conjoint tenus avant-hier et les clarifications données par les membres du gouvernement, l’opposition aurait tout simplement dû retirer cette question de la liste des points d’interpellation.
Les députés de la majorité ont également rappelé les conditions dans lesquelles se trouvait le pays quand le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta a accédé au pouvoir. Ils se disent convaincus que nulle autre personne n’aurait fait mieux que lui. Selon la majorité parlementaire, il n’existe pas de pays au monde aujourd’hui où il y a la sécurité totale et ils disent constater que les choses vont de mieux en mieux.
Dans ses réponses, le Premier ministre Modibo Kéita a, avec beaucoup de pédagogie, recadré les propos de l’opposition qui accuse le gouvernement d’humilier notre pays et de s’envelopper dans l’incurie. Il s’est demandé si ceux qui ont employé ces termes en connaissent réellement les sens.
« Non, le Mali n’est pas à terre ! Non, le gouvernement n’est pas insouciant ! », a martelé le chef du gouvernement. Tout en reconnaissant que tout n’est pas rose, Modibo Kéita dit avoir une vision tout à fait linéaire de ce pays. Selon lui, seules les actions positives de tous les fils du pays permettront d’atteindre les objectifs.
Sur la question des migrants, il dit se souvenir du premier vol charter en 1986 quand la France avait expulsé des centaines de nos compatriotes. Il se souvient aussi qu’à l’époque, le peuple du Mali s’était levé comme un seul homme pour leur apporter son soutien. Dans la foulée, le Mali avait aussi bénéficié de la solidarité internationale.
Le Premier ministre a indiqué que la philosophie du gouvernement en matière de migration est de lutter contre l’émigration clandestine. Le gouvernement s’engage à cet effet à demander la régularisation des Maliens qui sont en situation irrégulière hors du pays, et à empêcher que désormais, personne n’aille clandestinement, en créant les conditions économiques pour retenir les jeunes sur place.
« J’ai le cœur serré chaque fois que je suis amené à parler d’insécurité. Je m’incline au passage devant la mémoire de tous ceux qui ont perdu la vie à cause de cette insécurité », a énoncé le chef du gouvernement abordant la question sur l’insécurité. En ce qui concerne la Loi de programmation sécuritaire, il assure que le document a été mis au point mais que son coût et les nouveaux visages asymétriques de la menace ont fait reculer le gouvernement qui a demandé que le ministre des Finances et son collègue de la Sécurité rapprochent leurs points de vue pour que son financement soit soutenable.
Il a indiqué que 64 milliards de Fcfa ont été affectés au secteur de la sécurité en 2016, et que 2000 policiers, 1000 gendarmes et autant de gardes, 500 agents de la protection civile ont été recrutés au cours de la même année.
Il a aussi parlé de l’acquisition de 375 véhicules et de deux vecteurs fluviaux pour les forces de sécurité. Mention a été aussi faite de 14 500 unités d’équipements pour le maintien de l’ordre et des équipements individuels spécialisés, du matériel de transmission, de drones et d’une force spéciale anti-terroriste qui a été mise en place.
Par ailleurs, des rénovations et constructions d’infrastructures sont en cours. Le passeport biométrique est disponible et la carte d’identité du même genre va suivre bientôt. Le nouveau statut du soldat, la révision des grilles salariales et la loi sur les pupilles de la nation ont été adoptés. « Avec tout cela, dire que nous ne sommes pas capables d’assurer la sécurité du pays est tout simplement hors de propos », soutient le Premier ministre.
Pour ce qui est des élections communales, le chef du gouvernement estime que la mauvaise décision vaut mieux que la non décision, en référence aux multiples reports que le processus des communales a connus. Il se réjouit du fait que tous les observateurs aient salué leur bonne tenue avec un taux de participation de 52% et le fait que le scrutin se soit tenu dans 644 communes sur 703.
Il a ajouté que les Autorités intérimaires, dont la mise en place a été retardée mais pas par la faute du gouvernement, seront bientôt une réalité. Modibo Kéita a conclu en disant qu’aujourd’hui, le Mali a besoin de présenter un visage unique face à l’adversité. Les problèmes doivent être réglés dans le dialogue et le compromis mais jamais dans la compromission.
En dépit de toutes ces explications du Premier ministre, les députés de l’opposition disent ne pas croire en la capacité du gouvernement à rectifier le tir. D’où cette motion de censure.
La majorité elle se dit consciente des efforts du gouvernement dans la recherche de la paix et le développement de notre pays. « Tant que vous avez la confiance du président de la République, la notre ne fera pas défaut », ont-ils martelé.
Cette plénière a clôturé ainsi les travaux de la session ordinaire d’octobre de la l’Assemblée nationale.
L. ALMOULOUD