Pour la énième fois, le ministre des Finances, Sanoussi Touré, a fui les "questions orales" de l’Honorable Konimba Sidibé et a envoyé le très inexpérimenté ministre Délégué en charge du Budget, Lassine Bouaré, au charbon. Celui-ci s’est fait sérieusement cuisiner par l’élu du PARENA, qui a été très brillant, convainquant son auditoire des grandes et multiples magouilles d’Aliou Tomota qui, manifestement, s’est enrichi sur le dos de l’Etat, avec la complicité de ce dernier. Konimba Sidibé, preuves à l’appui, n’a pas manqué de dénoncer le gouvernement Modibo Sidibé qui ne veut "rien entendre et rien voir". Aussi a t-il invité à la fois le Vérificateur Général et le Procureur anti corruption à s’intéresser aux nombreuses fraudes de Tomota, notamment dans l’affaire Huicoma. Nous vous proposons ci-dessous la seconde et dernière partie de l’intervention de Konimba Sidibé.
Le non respect par le Groupe TOMOTA des engagements sur la base desquels les actions de l’Etat lui ont été cédées et la défaillance de l’Etat à veiller au respect de ses engagements
L’Etat a cédé l’essentiel des actions de HUICOMA au Groupe TOMOTA sur la base d’un certain nombre d’engagements de celui-ci visant à garantir la pérennité et le développement de HUICOMA ainsi que la sauvegarde de l’emploi de tous ses travailleurs permanents. Aujourd’hui, le constat est que le Groupe TOMOTA n’a pas respecté ses engagements et l’Etat n’a rien fait pour l’y contraindre ou résilier le contrat de cession.
Au titre des engagements non respectés figurent :
(1) La non exécution du programme d’investissements figurant dans la Proposition de reprise de HUICOMA du Groupe TOMOTA
Il ne fait pas de doute aujourd’hui que le Groupe TOMOTA n’a pas respecté le programme d’investissements sur lequel il s’était engagé en reprenant HUICOMA.
D’abord, la vérification des investissements réalisés effectuée par l’équipe interministérielle constituée par le ministère des domaines de l’Etat et des affaires foncières d’une part, et celle faite par le Commissaire aux comptes de HUICOMA d’autres part ont abouti à l’impossibilité de se prononcer sur la valeur de ces investissements faute de pièces justificatives -factures fournisseurs et autres documents techniques (Cf. point 2 qui précède)
Ensuite, sous réserve cette incertitude sur la valeur des investissements réalisés, le rapprochement, par le personnel de HUICOMA, des investissements réalisés sur 2005-2006 avec ceux prévus a aboutit au constat que pour l’essentiel, le Groupe TOMOTA a effectué des investissements non essentiels et non prévus dans son programme de 2005-2006 au détriment des investissements essentiels prévus.
(2) Non respect des engagements concernant le personnel
Ces engagements prévus à l’article 8 du Protocole d’accord comprennent :
-le maintien du personnel contractuel présent dans l’effectif de HUICOMA à la date de transfert avec l’ensemble de ses droits et ancienneté y attachés, en particulier, ceux prévus par l’Accord d’Etablissement.
-la mise en place par le Groupe TOMOTA d’un plan social négocié avec les travailleurs dans un délai de 60 jours à compter de la date de transfert, un plan social qui sera pris en charge par HUICOMA.
Voici le bilan de la mise en œuvre des engagements par le Groupe TOMOTA dressé par les travailleurs de HUICOMA:
-Des licenciements abusifs et tentatives de licenciements de travailleurs
– tentative de licenciement de 293 travailleurs de Koulikoro pour fait de grève en 2005 ; arrestation, emprisonnement puis licenciement de 31 travailleurs dont des syndicalistes pour motif de grève à Koulikoro ; emprisonnement puis licenciement de 02 magasiniers de Koulikoro pour une faute non avérée ; emprisonnement puis licenciement de 02 agents de Koulikoro pour vol d’huile en fût non avéré ; licenciement de 16 syndicalistes à Kita pour fait de grève ; licenciement de 02 responsables de Kita pour vol de fûts vides non avéré ; licenciement de 411 travailleurs en 2007 au motif de manque de graines de coton alors que Huicoma avait reçu de la CMDT 93 500 tonnes de graines de coton ; mise en chômage technique des travailleurs à plusieurs reprises
-Pas de plan social jusqu’à présent
A ce jour encore, plus de quatre ans après la privatisation de HUICOMA, le plan social prévu dans le Protocole d’Accord n’est pas mis en place.
(3) Non respect de l’engagement du Groupe TOMOTA de rétrocéder "au moins 17,46 % du capital de HUICOMA aux travailleurs de ladite société et aux investisseurs privés maliens qui en feraient la demande dans un délai de trois ans à compter de la date de transfert des actions de l’Etat. Sur les 17,46 % ci-dessus, un quota égal à 5 % du capital de HUICOMA sera réservé au profit des travailleurs de HUICOMA" (Article 7 du Protocole d’Accord)
Pour la mise en œuvre de cette disposition, l’Accord prévoit que l’Etat (Ministère des domaines de l’Etat et des affaires foncières, la Mission de Restructuration du Secteur Coton et éventuellement d’autres ministères) et le Groupe TOMOTA : organiseront l’information des investisseurs nationaux potentiels ;désigneront les acheteurs des actions, ainsi que la répartition des actions entre les acheteurs ; indiqueront les conditions (notamment le prix) d’acquisition des actions par les investisseurs nationaux. Cette disposition n’a pas connu un début d’exécution à ce jour.
Conclusion
Mr Le ministre,
Le préambule du Protocole d’accord portant sur la cession des actions de HUICOMA précise que : "Le cédant est intéressé par un rapprochement qui permettrait à la Société de renforcer sa position nationale et développer une activité internationale et d’améliorer davantage ses performances actuelles". "Les parties ont décidé de se rapprocher dans le but de construire un ensemble plus performant et plus rentable". Plutôt que d’un "ensemble plus performant et plus rentable", la cession a abouti aujourd’hui à une société HUICOMA complètement en faillite parce que "bouffée" par le Groupe TOMOTA, son repreneur. Quelques indicateurs révélateurs de cette régression dramatique de HUICOMA depuis sa privatisation:
-Arrêt des usines en raison de : les ruptures de stock de matières premières (graines de coton), de matières consommables (DDO et hexane) ; l’arrêt de la fourniture d’électricité par EDM ; etc.
– Incapacité de HUICOMA à payer ses dettes vis-à-vis de ses fournisseurs, notamment EDM (plus de 160 millions FCFA) et la CMDT (plus de 20 milliards FCFA).
-Des travailleurs en situation de détresse : mise en chômage technique fréquente ; licenciements ; non paiement des salaires et cotisations INPS (et donc des allocations familiales et autres prestations que l’INPS doit payer aux travailleurs) ; pas de reclassement, ni avancement des travailleurs ;
Cette faillite de HUICOMA a des conséquences économiques et sociales graves sur notre pays : destruction d’une partie du tissu industriel et d’autres activités de production de biens et services qui lui sont liées (comme l’élevage à travers l’aliment bétail, les petites activités génératrices de revenus développées à partir des sous-produits et déchets des huileries ; etc.) ; augmentation des importations d’huile ; pertes d’emploi et retards de paiement de salaires sources de drames pour de nombreuses familles.
Mr Le Ministre, comment ne pas être troublé devant cette situation quand on sait que malgré que Mr TOMOTA n’ait pas fait preuve d’une grande réussite dans la reprise des entreprises publiques plusieurs de ces entreprises lui ont été attribuées par l’Etat dans des conditions toujours très contestées. En plus du cas HUICOMA, je voudrais citer :
-la privatisation bâclée des EDIM qui a été cédé à TOMOTA qui a jeté de nombreux travailleurs de cette entreprise dans la rue par la suite. Malgré l’annulation de cette cession par la Cour suprême du Mali, c’est encore le statu quo;
-le choix de TOMOTA et ses partenaires pour la mise en concession des Aéroports Du Mali contre leur promesse de faire plus d’une centaine de milliards FCFA d’investissements : marché annulé par la suite car ils n’ont pas réussi à mettre en place les conditions de démarrage de la concession ;
-du choix très controversé de Mr TOMOTA et ses alliés comme partenaire stratégique de la privatisation de la RAGAAE, entreprise publique d’assistance à l’escale à l’aéroport de Bamako Sénou.
Des marchés publics sont passés avec ce Groupe dans des conditions irrégulières dénoncées en vain par les structures de contrôle de l’Etat (pour le cas le plus récent, Cf. Rapport 2008 du BVG qui concerne le marché des fournitures scolaires à la DAF du ministère de l’éducation nationale).
Signalons au passage que le Groupe TOMOTA bénéficie d’un quasi-monopole de fait à la DAF du ministère de l’Education nationale dans son domaine d’activité depuis plus d’une décennie.
Mr Le Ministre,
Dans toutes ces affaires avec Mr TOMOTA, le comportement de nos gouvernants est incompréhensible. Pour revenir au cas qui nous préoccupe aujourd’hui, votre gouvernement a superbement ignoré les dispositions du Protocole d’Accord lui permettant de veiller à la bonne application de ce Protocole pour éviter la situation dans laquelle HUICOMA se trouve aujourd’hui.
Il s’agit de :
-l’article 10 qui dispose que l’Etat " procédera à une évaluation de la réalisation au 30 septembre de chaque année, des investissements prévus " par le Groupe TOMOTA dans ses Offres technique et financière en quantités physiques et en valeur : seule une mission de vérification a été faite en 2007 par une équipe du ministère des domaines de l’Etat et des Affaires foncières;
-l’article 8 qui prévoit que tout retard imputable au Groupe TOMOTA dans la mise en place du plan social sera sanctionné par le versement à l’Etat par le Groupe TOMOTA d’une pénalité correspondant à 10 % de la masse salariale annuelle brute pour chaque mois de retard. Mais à ce jour aucune sanction n’a été prise par l’Etat;
-l’article 7 qui prévoit l’intervention de l’Etat pour la rétrocession d’au moins 17,46 % du capital de HUICOMA aux investisseurs nationaux: le gouvernement n’a rien fait des tâches qui lui sont dévolues dans le Protocole pour la réalisation de cette rétrocession ;
-l’article 13 qui dispose que "Les parties ayant fixé comme objectif commun la réussite de l’opération de privatisation de la Société, elles conviennent de constituer un Comité de suivi paritaire composé de trois représentants désignés par chacune des parties pour une durée d’un an pour compter de la date de transfert". "Le Comité de suivi sera chargé d’appuyer l’installation et le démarrage des activités du repreneur et de veiller à la bonne exécution du Protocole d’Accord". Ce Comité n’a jamais été mis en place ?
-l’article 12 qui dispose que "L’exécution de l’obligation d’investissement est une condition substantielle sans laquelle l’Etat du Mali n’aurait pas accepté de contracter. En cas de non respect de cette obligation par l’Acquéreur conformément au calendrier figurant dans les Offres technique et financière ou à tout autre calendrier convenu formellement entre les parties avant le 30 septembre 2008, tant en ce qui concerne les montants, que les dates et quelles qu’en soient les raisons, sauf le cas de force majeure, l’Etat pourra prononcer la résolution du présent Protocole d’Accord". A ce jour, l’Etat n’a rien entrepris de tel.
Mr Le Ministre,
Il ne fait donc pas de doute que le gouvernement à fait preuve d’un immobilisme coupable, voire d’une complicité, devant cette mise à mort progressive de HUICOMA par le Groupe TOMOTA :
-un gouvernement qui a superbement ignoré ses devoirs d’actionnaires et de membre du Conseil d’Administration ;
-un gouvernement qui a superbement ignoré les attributions et prérogatives que le Protocole d’Accord lui donne ;
-un gouvernement qui a fait semblant de ne rien voir et de ne rien entendre des cris de détresse des travailleurs de HUICOMA qui ont produit de nombreuses notes sur cette question, saisi le gouvernement, saisi les tribunaux, organisé des grèves et des manifestations et qui en désespoir de cause ont choisi de s’exiler à la Bourse du travail ;
-un gouvernement qui a fait semblant de ne rien voir et de ne rien entendre des constats accablants faits par le Commissaire aux comptes de HUICOMA dans son rapport sur les comptes de l’exercice clos au 31-12-2006 ;
-un gouvernement qui a fait semblant de ne rien voir et de ne rien entendre des constats faits par l’équipe qu’il a lui-même mis en place pour vérifier le respect par le Groupe TOMOTA des ses obligations en matière d’investissement ;
-un gouvernement qui, enfin, a fait semblant de ne rien voir et de ne rien entendre des constats faits dans une Note technique du Secrétariat général du ministère de l’économie, de l’industrie et du commerce relative à HUICOMA ;
Mr Le ministre, c’est après tout cela que la représentation nationale que nous sommes a été saisie à ce sujet, j’espère, compte tenu de la gravité particulière de la situation, que nous seront entendus par le gouvernement:
-Que les travailleurs de HUICOMA quitteront bientôt le froid de la Bourse du travail pour rejoindre la chaleur de leurs familles, rassurés quant au sort de leur entreprise et au respect de leurs droits à savoir :
-la mise en place sans délai du plan social et des mesures d’accompagnement à la date du rachat le 16-05-2005 ;
– le paiement des six mois d’arriérés de salaires des travailleurs ;
– le paiement des cotisations INPS ;
-la régularisation administrative de la situation des travailleurs (avancement et reclassement) ;
– le paiement des indemnités de licenciement des travailleurs licenciés ;
-Que vous allez prendre les dispositions nécessaires pour récupérer les biens et les ressources dont HUICOMA a été spoliés par le Groupe TOMOTA ;
-Qu’au regard du non respect de ses engagements par le Groupe TOMOTA et de la gravité des irrégularités qu’il a commises dans la gestion de HUICOMA vous allez résilier la cession des actions de HUICOMA au Groupe TOMOTA ;
-Qu’enfin vous allez prendre rapidement d’autres dispositions pour relancer les activités de HUICOMA et en faire "un ensemble plus performant et plus rentable", ce que la privatisation bâclée n’a pas réussi à faire.
Pour vous aider dans tout cela,
Mr Le Ministre, je demande :
-à notre auguste Assemblée, la constitution d’une Commission d’enquête parlementaire non seulement sur la reprise de HUICOMA par le Groupe TOMOTA, mais aussi sur la privatisation de EDM et de la RAGAAE ;
-au Bureau du Vérificateur Général et au Procureur du pole économique de se saisir de ce dossier eu égard à la gravité des faits révélés.
Mr Le Ministre,
Il est temps de mettre fin à ces collusions entre l’Etat et le Groupe TOMOTA qui violent les lois et règlements du pays et qui permettent à Mr TOMOTA de s’accaparer indument de ressources publiques indues dans l’impunité la plus totale. Il faut agir pendant qu’il en est encore temps. J’ai lu sur le WEB les commentaires effrayant qu’un internaute a fait sur le sit-in des travailleurs de HUICOMA à la bourse du travail se résumant en ceci : "Arrêtez les sit-in qui ne servent à rien, acheter des armes et arracher vos droits". Que Dieu garde le Mali de ses solutions extrêmes. Qu’il donne la clairvoyance et la capacité de dialogue nécessaire à nos gouvernants pour régler les problèmes dans la paix, la concorde et la sérénité. Je vous remercie.
Honorable Konimba SIDIBE
Groupe parlementaire PARENA-SADI