Dans le processus d’élaboration et de l’adoption d’un nouveau code des personnes et de la famille, s’il y a un point qui suscite beaucoup de bruits chez les islamistes c’est bien celui relatif à la légalisation du mariage religieux. Cette problématique de légalisation qui, a fait l’objet de combat des musulmans et même de certains parlementaires, notamment Me Mountaga Tall, est en phase de se réaliser. En tout cas, c’est ce que le numéro 1 de l’hémicycle du haut de son perchoir a laissé entendre à mainte reprise.
en effet, il convient de souligner les biens faits que la légalisation du mariage religieux va engendrer. Aussi, les critiques qu’elle pourra soulever.
Faut-il le rappeler, la pratique de la double célébration devant l’officier d’état civil français et le ministre du culte a survécu aux vicissitudes du temps et existe encore de nos jours sous les vocables : mariage civil, mariage coutumier ou religieux. Le mariage religieux est-il une réalité actuelle et dans l’affirmative a-t-il une valeur juridique ?
Conformément aux us et aux coutumes du Mali l’on se marie soit devant l’officier d’état civil soit devant le ministre du culte.
Une telle procédure est-elle conforme aux dispositions du code du mariage ?
Il faudrait naturellement répondre par la négative parce qu’il n’existe pas au Mali comme par le passé colonial deux catégories de citoyens régies respectivement par un statut de droit traditionnel et un statut de droit moderne. Le peuple malien ne formant plus, depuis le 22 septembre 1960 qu’un tout indivisible ayant désormais la même nationalité, évoluant sous la même devise " Un Peuple-Un But-Une Foi " est désormais régi par la même législation. Conformément à ce texte le mariage au Mali est un acte laïc.
Les dispositions législatives protectrices de ce texte ont été conquises de haute lutte durant la première République. Elles tendent à protéger surtout les femmes contre toutes répudiations et exactions anarchiques en même temps qu’elles assurent une protection maximale de ses droits.
Le mariage civil comporte ainsi de nombreuses contraintes lesquelles constituent un facteur d’équilibre et d’ordre social. Ces exigences législatives qui ont trait aux conditions relatives à la monogamie ou à la dislocation du mariage… sont des garde-fous permettant de mieux assurer la protection de la gent féminine contre tout élan déviationniste des instincts masculins.
Par contre, le mariage dit religieux à cause de la violation du saint coran se soucie insuffisamment des conditions relatives à la capacité des époux, à leur consentement, à l’engagement monogamique, à la dislocation de l’union ou autres exigences.
Une telle déviation permettra assurément à un homme peu scrupuleux qui convoite les bonnes grâces d’une femme, d’en abuser dans le cadre d’un pseudo-mariage religieux sous l’œil à la fois innocent et complice des parents. Et lorsqu’il lui prend l’envie de changer de compagne, l’homme n’hésitera pas à provoquer la dislocation du prétendu ménage en brandissant haut le motif suivant " d’ailleurs nous ne sommes pas mariés légalement " comme pour dire qu’il n’aura pas d’ennui juridique.
Il existe également une pratique courante pour nombre de marabouts de prendre une femme sous le voile de la religion musulmane à chaque étape de leur pérégrination. En effet, au cours d’un séjour prolongé dans telle localité, ils n’hésitent pas à contracter des " mariages religieux ", à la fin de leur séjour ils divorcent. A la seconde étape le même scénario se répète ainsi de suite.
De l’analyse des exemples suscités, se dégage tour à tour un sentiment de frustration de la femme, une attitude de l’homme qui frise l’escroquerie.
Les dispositions du coran autorisent-elles ces genres de comportements qui sapent de plein fouet la dignité de la femme ? Assurément non. Les préceptes qui ressortent du livre saint respectent la femme, consacrent sa valeur humaine, assurent sa protection et fustigent toute tendance à l’avilir.
Pour éviter un pareil débordement social facteur de trouble de l’ordre public il est plus que jamais nécessaire de donner au mariage religieux la même valeur juridique que le mariage civil.
S’il est vrai que la loi est l’expression de la volonté du peuple, qu’elle est faite par les hommes et pour les hommes, dès lors que l’on constate une inadéquation quelconque entre les textes de loi et la volonté populaire, il importe de modifier la loi dans le sens de la volonté du peuple. C’est le cas actuellement avec le débat sur la légalisation du mariage religieux dans le nouveau code des personnes et de la famille.
Certains esprits critiques avancent que " reconnaître un mariage religieux ou le considérer comme tel revient de violer le principe de la laïcité de l’Etat. Ordonner un effet juridique à un mariage religieux est une reconnaissance déguisée d’une religion ".
Ces arguments ne résistent pas à l’analyse critique ; en effet affirmer que reconnaître un mariage religieux revient à violer le principe de la laïcité de l’Etat n’est pas à notre avis exact, car l’Etat autant doit respecter les croyances autant il ne peut les ignorer c’est-à-dire qu’il ne peut refuser de les reconnaître.
M.Touré