Plusieurs élus de la nation expriment des réserves par rapport aux réformes constitutionnelles dont le projet de loi a été envoyé à l’Assemblée nationale le 5 juillet 2011 par le gouvernement. Ils incriminent la proximité du projet avec les élections générales de 2012 et la pertinence de certains points comme la création d’un sénat, vu par les honorables comme un rival à leur institution. C’est du moins ce qui ressort de la position exprimée par certains honorables.
Selon l’honorable Ibrahim Dianessy, élu à Bafoulabé au compte de l’Urd que nous avons rencontré hier à l’hémicycle, « les réformes constitutionnelles sont nécessaires. L’ancienne constitution qui date de février 1992 étant en déphasage avec les réalités socio-politiques du pays. Mais ce qui pose problème, c’est leur proximité avec les élections générales de 2012. Il n’y a pas que cela. Des points tels que la création d’une seconde chambre ne rencontrent pas leurs assentiments. Pour lui, la plupart des pays où il y a un sénat, sont des Etats fédérés ou des Etats qui y ont été obligé à un moment de leurs histoires. Pour citer l’exemple de la France, c’est à la suite d’une crise institutionnelle que cette chambre a été instaurée. Ce qui n’est pas le cas au Mali. Pour l’élu de Bafoulabé, ce sénat aux tâches pas encore clairement définies, entrainera une lourdeur administrative et sera à coup sûr une institution budgétivore dont on peut bien se passer. On gagnerait toujours selon lui, à renforcer les capacités de l’Assemblée nationale pour que celle-ci puisse siéger 9 mois par an. Ce qui fera moins de renvois de projets de loi, moins d’ordonnances par le gouvernement.
Monsieur Ibrahim Dianessy fait un regard critique sur la nouvelle disposition constitutionnelle faisant état de la nomination du président de la Cour Constitutionnelle par le président de la République alors que les 9 sages de cette institution peuvent bien accomplir cette fonction. La disposition parait à ses yeux, attentatoire à la séparation des pouvoirs et peut nous faire vivre la récente situation ivoirienne. Et quand les réformes constitutionnelles disent que c’est désormais le président de la République qui détermine la politique du gouvernement, le député URD de Bafoulabé rétorque que le premier ministre ne doit pas engager le gouvernement dans une politique dont il n’est pas l’auteur. N’y a-t-il pas le lieu de craindre le jour où le premier ministre et le président de la République ne soient pas du même bord politique ? s’interroge-t-il.
Comme ce député de la majorité présidentielle, plusieurs autres élus (majorité présidentielle comme opposition) sont assez critiques vis à vis des réformes constitutionnelles proposées par le CARI (Comité d’appui aux réformes institutionnelles). C’est ce qu’on a pu constater à travers la réaction du groupe parlementaire Parena lors des débats sur la Déclaration de politique générale de Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé le lundi 27 juin 2011. Ce jour-là, les députés Parena par la voix de Me Hamidou Diabaté s’exprimaient en ces termes : « Mme le Premier ministre, en cette année d’une sensibilité extrême, le temps, denrée précieuse, n’est pas votre allié. Aussi convient-il que vous vous concentriez sur les tâches qui sont urgentes et opportunes. La préparation de l’élection présidentielle d’abord, ensuite des législatives, sont des missions urgentes, opportunes et constitutionnelles. Vous n’avez presque pas de temps suffisant pour mener à bien cette tâche, eu égard à l’immobilisme de l’Administration pendant ces dernières années.
C’est dire que la réforme constitutionnelle que vous envisagez est inopportune! Elle est non seulement inopportune, mais, plus grave, elle va gêner la préparation des élections. Votre réforme interférera avec le processus d’organisation des élections, notamment en ce qui concerne les organes chargés de les préparer (aujourd’hui MATCL, DGE, CENI et demain Agence Générale des Elections).
Vous ne pouvez pas vous permettre d’engager un chantier qui risque de faire dérailler le processus électoral et constitutionnel et nous entraîner dans l’instabilité! Le Mali a besoin de réformes institutionnelles et constitutionnelles, mais pas à 10 mois d’élections cruciales mal préparées! En outre, le CARI, qui a rédigé le rapport relatif aux réformes après une large écoute, aurait dû faire valider ses conclusions par les forces vives du pays, avant de l’envoyer directement au Gouvernement!
De même, nous ne comprenons toujours pas les raisons pour lesquelles le projet de révision constitutionnelle, solennellement remis au Chef de l’Etat le 19 avril 2010, n’a été mis en chantier que maintenant, 15 mois plus tard! Ecoutez ceux et celles qui vous conseillent la prudence! Entendez la voix de ceux et celles qui vous soutiennent, mais qui vous recommandent de ne pas faire prendre de risques inutiles au Mali. Ecoutez la voix de la raison! Entendez les conseils de sagesse. Ne faites pas de cette réforme une question d’orgueil! Car il s’agit du Mali, qui est au dessus de tous! Je vous remercie au nom du PARENA et de son groupe parlementaire ».
La mardi 12 juillet 2011, les députés lors de la séance de réponses à leurs inquiétudes par le ministre de la réforme de l’Etat, Daba Diawara, ont mis ce dernier dans tous ses états. Le ministre Daba Diawara, après sa présentation, a été soumis à une batterie de questions pertinentes de la part des députés de tous bords politiques.
"Pourquoi seulement maintenant ? A quelque huit mois de l’élection présidentielle de 2012 ? Alors que le travail était terminé depuis deux ans" s’est insurgé un député. " En quoi voyez-vous, dans votre projet, un renforcement, comme vous le dites, du rôle de l’Assemblée nationale ? " s’est exclamé un autre. "Pourquoi vouloir maintenant supprimer le Haut Conseil des Collectivités (HCC), quand le gouvernement a tout fait dans le but de l’empêcher de travailler ? " a martelé un troisième.
Les députés n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère pour exprimer leurs inquiétudes face aux réformes que le président de la République veut soumettre au référendum d’ici la fin de l’année. Réformes pour lesquelles, les députés sont présentement en session extraordinaire dans le but de se prononcer sur les 116 articles de ce projet de loi qui désormais divise.
Abdoulaye Diakité