C’est un évènement historique pour notre pays qui, pour la première de son histoire, se dote d’un instrument pour la promotion de la femme. Historique aussi parce que lors de l’adoption de ce projet de loi, le banc du Gouvernement était occupé par trois femmes. La ministre de la Promotion de la femme, Sangaré Oumou Bah, avait à ses côtés ses collègues de la Justice, Sanogo Aminata Mallé et de la Fonction publique, Diarra Raky Talla.
Désormais, avec l’adoption de ce texte, toutes les nominations dans les emplois publics doivent avoir au moins 30% et 70% au plus de l’un ou de l’autre sexe. Idem pour l’élaboration des listes électorales qui doivent respecter cette prescription légale. Après plusieurs tergiversations, les élus de la nation ont voté ce projet de loi par 115 voix pour, 22 contre et 3 abstentions. Avec l’adoption de ce texte, notre pays entre dans le Panthéon des nations civilisées qui ont fait de la place aux femmes dans les instances décisionnelles. Ce texte a été adopté grâce à l’engagement de la ministre en charge de la Promotion de la femme qui ne s’est jamais découragée. A l’Assemblée nationale, on l’a vue au four et au moulin, s’entretenant avec les élus de la nation pour convaincre ceux qui doutaient encore.
Pourquoi cette loi
Au Mali, les femmes constituent plus de la moitié de la population totale. Elles sont très actives dans la vie économique et sociale du pays. Cependant, elles restent encore très peu représentées au niveau du Gouvernement, dans les postes de décision de l’administration, à l’Assemblée Nationale et dans les organes élus des collectivités. Au niveau du Gouvernement, la femme n’a fait son entrée, pour la première fois au Mali qu’en…1969. Aujourd’hui, plus de 40 ans après, sur un total de 31 membres, le Gouvernement ne compte que 5 femmes, soit 16%. Cette sous-représentation de la femme est également visible dans plusieurs autres instances de décision malgré l’existence d’un grand nombre de femmes qualifiées et répertoriées, notamment dans le répertoire des femmes cadres du Mali établi par le Centre national de documentation et d’information sur la femme et l’enfant. La représentation des femmes dans des postes électifs ou nominatifs interpelle tous. D’autant plus que le Mali est, sur ce plan, dans une situation de régression. Si en 1997, 18 femmes ont pu être élues à l’Assemblée Nationale, c’est grâce à l’application volontaire d’un quota de 30% de femmes aux listes présentées par le parti majoritaire aux élections législatives. Depuis 2002, on enregistre un recul.
En effet, cela fait maintenant deux législatures que le nombre de femmes parlementaires est en diminution: de 2002 à 2007 on dénombrait 15 femmes sur 147 députés et sur la législature de 2014 à 2018, il n’y a que 14 femmes sur 147 députés à l’Assemblée Nationale, soit moins de 10%.
Par ailleurs, au niveau communal, les statistiques font état de 8 maires sur un total de 703. Sur les 10 774 conseillers communaux, on ne compte que 927 femmes. De même, s’agissant des conseillers nationaux on ne dénombre que 6 femmes sur 73, soit également moins de 10%.
Dans l’environnement politique régional et mondial actuel, le Mali se place au 66e rang sur 97 pays classés pour la représentation des femmes dans le gouvernement et au 121e rang sur 145 pays classés au plan de la représentation dans le parlement (Source: Union Interparlementaire)
Cette sous-représentation des femmes dans les instances décisionnelles découle, en grande partie, des normes et pesanteurs socioculturelles qui cantonnent généralement les femmes dans la sphère familiale. La situation d’inégalité de genre ainsi décrite empêche les femmes de participer pleinement et efficacement au développement économique et à l’équilibre sociopolitique du pays.
Pourtant, au nombre des engagements du Mali en faveur de la promotion de la femme, on peut citer, entre autres, la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination à l’Egard des Femmes (CEDEF), adoptée en 1979 et ratifiée par le Mali le 10 septembre 1985 sans aucune réserve, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) et son protocole additionnel. Tous ces textes engagent l’Etat à adopter des lois et à mettre en œuvre des mesures d’actions positives visant à garantir aux femmes une participation égale à celle des hommes à la vie politique et publique.
Selon la ministre de la Promotion de la femme, cette loi permettra aux femmes de participer aux prises de décisions au Mali. A l’en croire, c’est pour récompenser leurs efforts. C’est pourquoi, elle a invité les partis politiques à sensibiliser leurs militants et à encourager les femmes à se porter candidates. Selon elle, il y a beaucoup de pesanteurs sociales qui empêchent les femmes d’être candidates.
Des exemples à suivre
Ce projet de loi n’est pas un cas sans précédent en Afrique. Plusieurs Etats Africains comme le Rwanda, le Burundi, le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie et la Somalie, signataires des instruments internationaux de défense et de promotion des droits des femmes susmentionnés, ont inscrit un quota dans leur Constitution tandis que des pays comme le Burkina Faso, le Cap Vert, le Ghana, le Liberia et la Sierra Leone ont révisé leurs lois électorales et celles relatives aux partis politiques pour y inscrire le quota applicable aux hommes et aux femmes dans le souci de garantir la représentation d’au moins 30% de l’un ou de l’autre sexe. Quant au Sénégal, il a opté pour la parité. Ces mesures ont permis à ces pays d’accroitre, de manière significative, la représentativité des femmes au niveau de certaines instances décisionnelles, notamment le parlement. Ainsi au Rwanda, l’introduction du quota a permis d’avoir le plus grand nombre de femmes parlementaires. Après les premières élections de 2003 qui ont suivi les reformes, ce pays comptait 48% de femmes à la Chambre basse et 30% au Senat. Cette représentation qui était déjà une performance a été portée, après les élections de 2008, à 56% à la Chambre basse et 34,6% au Senat classant ce pays au premier rang mondial.
Youssouf Diallo