Les députés de la cinquième législature de l’Assemblée nationale du Mali ont examiné, ce vendredi 26 janvier 2018, le projet de loi portant création du Fonds pour le développement durable. Cette séance plénière de la session extraordinaire en cours était placée sous la présidence du président de l’Assemblée nationale l’honorable Issiaka Sidibé. A l’issue des travaux, la loi a été votée à 126 voix, zéro contre et une abstention.
Initiée et portée par le ministre de l’Economie et des Finances de la République du Mali, Dr Boubou Cissé, cette loi a été soumise à l’étude au fond de la Commission des Finances de l’Economie, du Plan et de la Promotion du Secteur privé de l’Assemblée nationale présidée par l’honorable Abdine Koumaré.
En effet, le projet de loi a été adopté par le gouvernement lors du Conseil des ministres du 02 août 2O17. Il se situe dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger qui dans son article 33 prévoit la création d’une zone de développement des régions dans le nord du Mali.
Pour financer ce développement des régions Nord, cette Loi a institué un fonds appelé «Fonds pour le développement durable». Programmé pour cent milliards de F CFA qui sera soutenu par l’accompagnement des partenaires techniques et financiers, ce fonds sera géré par un comité de pilotage et un comité de gestion à travers un compte d’affectation spéciale qui sera uniquement consacré au développement des régions dans le nord du Mali. Ce Fonds s’étalera sur une période de trois ans et s’inscrit dans la dynamique de créer un développement équilibré du Mali.
Cette Loi institue des taxes, prélèvements divers et prévoit des contributions générales de solidarité imposée à l’ensemble du peuple au profit des régions septentrionales. En d’autres termes, la nation entière et plus particulièrement la population du Sud consentira au nom de la paix des efforts financiers pour le développement économique, social et culturel des cinq régions dans le nord du pays à savoir les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Ménaka et Taoudéni. Rappelons que les régions dans le nord du Mali constituent les 2/3 de la superficie totale du pays et concentrent 1 670 000 habitants au Km2 soit 8,8% de la population nationale.
Pour financer cette stratégie accélérée de développement des régions Nord, des tarifs seront institués sur les billets d’avions et sur certaines sociétés et entreprises notamment la CMDT et la SONATAM qui seront taxées sur le chiffre d’affaires. Ainsi, les tarifs de solidarité sur les billets d’avions sont fixés comme suit: sur les titres de transport aérien en classe économique à destination d’un pays membre de la CEDEAO sera prélevé 1000 F CFA contre 4000 F CFA sur les titres de transport aérien en classe économique à destination d’un pays situé hors de la CEDEAO.
Par contre, 8000 F CFA sera prélevé sur les titres de transport aérien en première classe en destination d’un pays membre de la CEDEAO et 14000 F CFA sur les titres de transport aérien en première classe à destination d’un pays situé hors de la CEDEAO. Cette Loi découle du postulat que les régions du Sud sont plus développées que celles du Nord qui accuseraient un grand retard dans le développement économique et dans l’accès aux infrastructures de base (santé, éducation, accès à l’eau potable ).
En outre, cette Loi vise à corriger les inégalités de développement entre le Nord (pauvre) et le Sud qui serait riche. Aussi, cette Loi est-elle motivée par le fait que les régions Nord du pays seraient défavorisées par les aléas climatiques qui les rendent ‘’impropres’’ au développement de l’agriculture et du maraichage et vise à mettre ces régions au même niveau de développement que celles du Sud.
Elle se situe dans le cadre logique du Programme spécial pour la paix et le développement des régions Nord du pays qui a engrangé des milliards pour le développement desdites régions. Cette Loi que certains députés ont qualifié d’injuste et inique risque de susciter la levée des boucliers sociaux et porter atteinte au tissu social fortement éprouvé. Elle risque aussi de renforcer le sentiment que les citoyens du Nord du pays constituent des supers citoyens servis par la République sur un plateau d’argent.
En effet, autant les régions Nord accusent des retards dans le processus de développement, autant celles du Sud sont aussi ne sont pas encore développées. Des communes rurales comme celles de Djalakorodji, de Safo et de Moribabougou, situées à quelques encablures de la capitale, souffrent du manque d’accès à l’eau potable et à l’électricité.
Enfin, à la suite d’un débat houleux dans une atmosphère de vive tension, les élus de la nation ont donné leur quitus sur la loi portant création du Fonds pour le développement durable à 126 voix, zéro contre et une abstention.
Alpha Sidiki SANGARE