Il a été adopté vendredi à l’unanimité des 121 votants.
Les députés se sont prononcés à l’unanimité des 121 votants en faveur du Code des personnes et de la famille que le président de la République avait renvoyé en seconde lecture devant la représentation nationale après son adoption en première lecture en août 2009. Depuis cette date, le marathon a paru interminable et beaucoup pariaient sur le renvoi incessant de la « patate chaude » jusqu’à la fin de la législature. Plusieurs fois programmé, le texte fut aussi plusieurs fois renvoyé pour complément d’information, le temps de mener à bien les concertations pouvant conduire à un texte consensuel. Plus près de nous, jeudi, il fut renvoyé à la dernière minute au lendemain à cause de l’absence du ministre de la Justice, initiateur du projet. Vendredi matin au moment du travail dans la salle Modibo Keïta, Maharafa Traoré n’était pas encore dans la salle et les spéculations avaient commencé à fuser sur les intentions du gouvernement.
Après l’examen et l’adoption du premier texte, il ne restait que le projet du Code des personnes et de la famille. C’est alors que le président de l’Assemblée nationale demanda la position du ministre de la Justice. Son homologue des Relations avec les Institutions, Abdoulaye Sall, intervint pour assurer de l’arrivée certaine du ministre de la Justice, le temps de se libérer de quelques obligations protocolaires. Il était, en effet, aux côtés du président de la République à l’ouverture de la Conférence régionale sur l’impunité, la justice et les droits de l’homme à l’occasion du 10ème anniversaire du protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance.
Dioncounda Traoré demanda alors au rapporteur de la commission saisie au fond de commencer la lecture du rapport. Le texte fait un rappel du processus d’adoption, de contestation et de la décision prise par Amadou Toumani Touré de renvoyer le texte à une seconde lecture dans un souci d’apaisement et aux fins de trouver un texte consensuel qui ne heurte pas les sensibilités des principaux acteurs de la société civile. La commission des lois constitutionnelles, de la législation, de la justice et des institutions de la République désigna un rapporteur (Me Amidou Diabaté) et mit en place une commission ad hoc composée des représentants du Haut conseil islamique et de députés. Celle-ci travailla pendant trois mois sous la présidence de Dioncounda Traoré lui-même pour appréhender correctement les points sur lesquels la relecture était demandée. Après avoir déterminé la formulation des amendements souhaités, la commission procéda à l’écoute des personnes ressources et des représentants du gouvernement sur les points en discussion. Un atelier fut aussi organisé sur le sujet. La représentation nationale voulait s’assurer d’un large consensus autour du texte. Il faut préciser que seules quelques dispositions du code sur les 1143 articles étaient contestées. La relecture a donc porté sur les droits de la personne, le mariage religieux, le divorce, la filiation naturelle et l’adoption, la minorité, la tutelle et l’émancipation et enfin les successions. Ainsi ce sont 51 articles du code adopté le 3 août 2009 qui ont été modifiés.
Dans le livre préliminaire, les modifications visent à prendre en charge la religion et les coutumes dans les dispositions qui garantissent le respect de la personne humaine et de sa dignité pour mieux asseoir la notion des droits de la personne humaine dans le contexte culturel et religieux de notre pays. Dans le livre I, il est proposé que la femme divorcée puisse conserver l’usage du nom de son mari avec seulement l’accord de celui-ci chaque fois qu’elle justifie d’un motif légitime sans intervention du juge. Elle pourra aussi avoir un domicile distinct du mari mais avec l’accord de ce dernier. Dans le livre II, les nouvelles dispositions reconnaissent la légalité du mariage religieux. Toutefois les formalités prescrites pour la célébration du mariage civil restent applicables au mariage religieux (déclaration, observation de délai, affichage, consentement requis et la manière de les recevoir). Les amendements retenus ont privilégié l’avis du père en cas de désaccord entre les père et mère et le cas échéant l’avis du conseil de famille élargi à la mère en cas de dispense d’âge. Le divorce ne peut être prononcé que par le juge. Une modification concerne les prohibitions où ne figure plus le mariage entre l’homme et l’ancienne épouse de ses oncles paternels et maternels, la femme et le frère de son mari vivant et enfin l’adoptant et l’adopté. Le délai d’attente de la femme divorcée avant de contracter un nouveau mariage a été ramené à trois mois au lieu de quatre mois et 10 jours. Concernant la filiation, les amendements ont trait à la légitimation et à l’adoption.
Les motivations d’une relecture sont fondées sur la volonté de sauvegarder la cohésion et la stabilité des familles maliennes fortement ébranlées par les mutations sociales en cours dont la caractéristique essentielle est le délitement des mœurs. Concernant la minorité, la tutelle, l’émancipation et les majeurs protégés par la loi quelques amendements ont été apportés. Pour ce qui est des successions, les règles du droit religieux, du droit coutumier ou les règles du livre VII consacré aux successions sont placées sur le même pied d’égalité et les citoyens demeurent libres de faire l’option qui leur convient. « Au total, l’ensemble des amendements proposés à la seconde lecture n’ont pas remis en cause les grands principes du droit et n’ont pas davantage fermé la porte à l’évolution vers le progrès amorcé par notre société », lit-on dans le rapport de la commission. Après avoir adopté les 51 amendements, les députés se sont prononcés à l’unanimité des 121 votants. Juste avant le vote, certains députés (Mme Touré Safiatou Traoré, Ibrahim Boubacar Keïta, Yaya Sangaré et Me Mountaga Tall) ont tenu à saluer le leadership et la manière dont le président Dioncounda Traoré a fait montre pour parvenir à un texte consensuel.