Le débat sur la Déclaration de politique générale a montré une majorité solidaire du gouvernement, en totale phase avec le texte proposé par le Premier ministre. Par contre les charges les plus virulentes sont venues naturellement du côté de l’opposition
L’Assemblée nationale a adopté vendredi la Déclaration de politique générale du Premier ministre Moussa Mara par 121 voix pour et 22 voix contre.
C’est mardi dernier que le Premier ministre avait dévoilé sa Déclaration de politique générale et engagé la responsabilité de son gouvernement devant la représentation nationale, cela conformément à la Constitution. Conformément au règlement intérieur de l’Assemblée nationale, les députés ont pris deux jours pour étudier le texte et ont ouvert le débat vendredi.
Pour cette première DPG devant la Vème législature, on a pu assister à un débat où l’opposition a tenu à marquer son désaccord avec la mouvance présidentielle. Le président de l’Assemblée nationale a aussi conduit le débat en ayant une totale maîtrise de la situation.
Auparavant les temps de parole avaient été clairement définis par la conférence des présidents. Au moment où le groupe parlementaire RPM s’apprêtait à engager le débat suivant une répartition interne qui prévoyait une intervention sur les préoccupations régionales, une motion de l’honorable Yaya Sangaré, élu à Yanfolila est venue rappeler aux députés que « tout mandat impératif est nul ». Autrement dit les élus avaient une fonction nationale et ne pouvaient se limiter à défendre les intérêts de leurs localités. Cette motion a changé la donne. Elle a permis au président de séance d’arrêter systématiquement tous ceux qui étaient venus directement plaider pour leurs localités. Il fallait dès lors s’en tenir aux préoccupations d’ordre national, d’intérêt général. Cette mesure a, dans un premier temps, bouleversé le dispositif mis en place par le RPM, mais a évité de s’éterniser sur des questions d’ordre local.
Le débat sur la DPG a montré une majorité solidaire du gouvernement, en totale phase avec le texte proposé par le Premier ministre, qui finalement avait peu de questions à poser, une opposition qui est loin d’approuver le texte, plutôt très critique avait des questions sur tout et un Premier ministre qui a eu l’occasion de répondre à des questions que le public se posait et à faire des annonces dans divers domaines (voir articles de S. Doumbia, A. Diarra et Be Coulibaly).
Les élus de la majorité sont restés naturellement dans un rôle d’accompagnement du gouvernement. Ils étaient d’accord sur une large part avec la DPG, mais ne voulaient pas donner l’impression d’être de simples suivistes. Beaucoup faisaient des observations, sans même poser des questions. D’autres avaient des questions d’éclaircissement et rappelaient le gouvernement à certaines obligations. Des interventions, qui on l’imagine facilement n’ont pas du tout gêné le PM.
Par contre les charges les plus virulentes sont venues du côté de l’opposition. Ici trois élus se sont illustrés. D’abord Alkaïdi Mamoudou Touré qui a pourfendu la DPG qu’il a présentée comme un assemblage du projet de société du candidat Ibrahim Boubacar Keïta, du projet de société du candidat Moussa Mara et du programme d’action gouvernemental de l’ancien Premier ministre Oumar Tatam Ly. Le député élu à Diré a trouvé « le texte redondant, insuffisamment, structuré ». Il juge même certaines informations du texte « infondées ». Pour lui il n’y a pas suffisamment d’évaluation financière dans le texte. Il s’est montré en total désaccord avec la DPG.
L’intervention (en Bambara) du député élu à Yélimané Mamadou Hawa Gassama a été remarquée, surtout son passage relatif à l’achat de l’avion présidentiel. Le président du groupe parlementaire VRD a trouvé de graves insuffisances dans la DPG. Il estime que l’analyse de la situation n’est pas bien maîtrisée dans le texte du Premier ministre. Un texte qu’il trouve différent de la première mouture qui leur avait été envoyée. La DPG, vue par Mody Ndiaye, n’est pas conforme à la Constitution, en ce sens qu’elle est telle que présentée un mélange de projets de société et de déclaration de politique générale. En plus, il la trouve peu réaliste et pas bâtie sur la base d’un état des lieux au plan financier et de la situation du secteur privé. Enfin, le député élu à Baraouéli estime qu’elle ne prend pas en compte les reformes en cours concernant les finances publiques et les orientations de stratégies de développement du secteur privé.
DES QUESTIONS ET DES REMARQUES. Au cours de ce long débat des questions ont été posées et des remarques faites sur de nombreux aspects de la vie de la nation.
En réaction, le Premier ministre a répondu secteur par secteur avant de mettre un accent particulier sur des questions précises posées par l’opposition.
Moussa Mara a ainsi largement expliqué les raisons de l’achat d’un avion par la présidence de la République. L’avion qui existait déjà avait des problèmes aux plans juridique et technique. D’abord notre pays ne peut pas justifier la propriété de cet appareil. Il n’existe aucun document dans ce sens. En clair, il peut être saisi à tout moment. Ensuite il n’a pas répondu au test technique effectué. Pour ces raisons, son utilisation n’est pas possible par un « Etat sérieux ». Il y avait le choix entre continuer à louer un avion ou en acheter. Tout le monde sait qu’en la matière la location coûte plus chère que l’achat au final. D’où la décision d’acheter un appareil à 20 milliards payables sur quatre ans. Un appareil d’occasion, certes mais qui peut voler sans difficulté pendant 18 ans.
Moussa Mara a aussi apporté des réponses précises dans de nombreux domaines comme quand il a indiqué les difficultés de ramassage des ordures de Bamako. Notre capitale produit 2500 tonnes d’ordures par jour pour une capacité d’évacuation du district de 500 tonnes. Il faut donc faire des efforts dans ce sens. Il a rejeté les accusations d’absence de vision pour résoudre le problème du nord. La situation est complexe et ne peut être résolue en quelques mois, reconnaît le chef du gouvernement. L’adoption de la Commission vérité justice réconciliation, la désignation d’un haut représentant du président de la République pour le dialogue inclusif, la montée en puissance de l’Armée au nord, la mise en chantier de plusieurs actions procèdent d’une même vision pour résoudre définitivement la question du nord. Concernant les infrastructures, tous les chantiers ouverts seront repris et les projets maintenus. La recherche de financement va se poursuivre pour les autres.
Moussa Mara a donné des réponses à des questions relatives à plusieurs autres domaines.
On a pu constater que le président de l’Assemblée nationale a, tout au long des sept heures de débat fait preuve d’une grande fermeté, sans distinction entre élus de la majorité et de l’opposition, pour le reste du temps imparti et du principe qui veut que « tout mandat impératif soit déclaré nul ».
Un des temps forts aura été du refus catégorique de l’opposition de prendre la parole en deuxième position après les non inscrits alors qu’elle s’attendait à intervenir en quatrième position, après le groupe FARE-SADI et l’ADEMA. Le débat a failli s’installer sur ce sujet quand l’honorable Mamadou Diarrasouba demanda une suspension de séance. A la reprise, l’ordre attendu fut maintenu, le président de séance ayant reconnu l’erreur.
AU terme du débat tous les groupes parlementaires ont appelé à voter « oui » pour la déclaration à l’exception du groupe VRD qui indiqua ne pas pouvoir donner son accord à une telle déclaration. La suite, on l’a connaît.
A. LAM