Plus on approche des élections générales de 2012, plus l’arène politique malienne se surchauffe. Les initiatives se multiplient parce que les opportunistes viennent de trouver matière à se placer ou replacer sur l’orbite sociopolitique. Malgré un argumentaire sclérosé, ils tentent de nous convaincre de leur bonne foi comme ceux qui contestent la reforme constitutionnelle en prêtant à ATT toutes les mauvaises intentions possible. Peut-on croire à des marchands d’illusions qui, à quelques exceptions près, n’ont jamais su s’assumer en dehors des allées du pouvoir ?
Le 30 novembre 2011, le collectif «Touche pas à ma constitution» et une partie du Syndicat national de la police (Snp) ont battu le pavé pour appuyer des revendications qu’ils estiment légitimes, notamment contre le projet de réforme constitutionnelle. La marche a été d’ailleurs initiée pour contester ledit projet. Malheureusement, le «Non» prôné par les marcheurs semble de plus en plus un combat perdu d’avance. En effet, les adhérents au «Oui» ne cessent de se multiplier. Les mouvements des femmes des partis politiques majeurs constituent la dernière adhésion en date.
Ce qui fait que la marche du 30 novembre dernier aurait été un flop historique si des syndicalistes n’étaient pas venus à la rescousse pour brandir leurs «propres revendications» comme le refus de l’Assurance maladie obligatoire (Amo). Déjà, cette interférence entre politiciens en quête de chapelle et syndicalistes extrémistes est une menace grave pour la consolidation de notre démocratie. Ils sont visiblement les seuls à croire que le processus de réforme en cours est une menace pour la consolidation de la démocratie et la paix dans notre pays.
Objectivement, dire que «la réforme constitutionnelle est un coup d’Etat contre la démocratie» est une aberration. D’ailleurs, ceux qui prônent cette thèse ne parviennent jamais à l’étayer par une argumentation solide. C’est ce qui explique sans doute que les partisans ne cessent de diminuer au fil des meetings et des marches. Ce ne sont pas les slogans plus démagogiques que réalistes qui feront que les Maliens vont croire à leur sincérité.
Et c’est évidemment se faire des illusions que de penser que leurs élucubrations représentent les «aspirations profondes du Peuple malien» ! A quoi aspire aujourd’hui la majorité des Maliens ? A manger à leur faim, à avoir des emplois décents pour eux et pour leur descendance, à voir leurs enfants étudier normalement sans que les années scolaires et académiques ne soient perturbées par le chantage des enseignants et professeurs, à avoir accès aux soins sans que cela ne leur coûte la prunelle des yeux… Et aussi à la paix, à la sécurité nationale et transfrontalière, à l’égalité des chances, à la démocratie par l’émergence d’une classe politique responsable et d’une société civile réellement indépendante…
Une nécessaire consolidation de la démocratie
Donc, pour eux, marcher contre la réforme constitutionnelle est le cadet des soucis. Ce que le collectif reproche à ce projet (ne pouvant plus convaincre personne qu’ATT veut se cramponner au pouvoir), c’est qu’il renforce le pouvoir du futur président ! Peu importe ! Ce qui est aujourd’hui important pour notre peuple, c’est de trouver un dirigeant capable de résoudre les problèmes soulignés plus haut, c’est d’avoir une classe politique mature et responsable, capable d’imposer leurs vraies préoccupations dans le débat politique.
«Personne n’a demandé à ATT de toucher à la constitution de 1992 qui a été mise en place grâce au combat héroïque du Peuple malien qui a versé son sang pour la cause», a souligné un intervenant lors de la dernière marche du Collectif. C’est oublier aussi qu’ATT a été un acteur de l’avènement de cette démocratie. A ce titre, il est aussi l’un des rédacteurs de l’actuelle constitution qui ne cesse de démontrer ses limites. Ce n’est pas honnête de lui denier cette paternité, surtout que sa clairvoyance et sa pondération ont beaucoup contribué à la réussie de la Conférence nationale qui a élaboré l’actuelle constitution.
Comme tout texte ou toute législation, une constitution est faite pour être améliorée, donc amendée, au fil de l’exercice démocratique. Une évidence qui n’échappe qu’aux contestataires qui prennent leurs ambitions politiques ou syndicales pour des aspirations du peuple malien. Dans notre cas, il s’agit beaucoup plus d’une nécessité démocratique que d’un tripatouillage pour satisfaire une ambition personnelle.
Si tel était réellement le cas, ceux qui sont aujourd’hui déterminés à empêcher ATT de dormir, n’allaient pas se donner tant de peine pour se trouver des partisans. Et pourtant, ce collectif de plus de 40 partis et de nombreuses associations ne parviennent même pas à mobiliser 1000 personnes pour protester contre une «réforme liberticide» ! D’où ce nouveau camouflet après l’échec du meeting du samedi 19 novembre 2011 à la Pyramide du Souvenir. Ces cinglants revers prouvent une fois de plus que les Maliens ne semblent plus croire aux discours politiques et préfèrent vaquer à leurs occupations pour joindre les deux bouts. Ils ne se sentent nullement concernés par cette volonté de torpiller une réforme plus courageuse, opportune et pertinente.
Haro sur une vision égocentrique de la démocratie
Nous ne pensons pas que leur conception de la démocratie soit la meilleure pour notre pays parce que, à regarder de près, elle repose sur un principe très égocentrique du pouvoir : accordez-nous une part du gâteau ou nous allons mettre nos pieds dans le plat et vous empêcher de dormir tranquille. Au lieu de s’agiter autour d’une réforme constitutionnelle, ils auraient dû s’occuper depuis longtemps de l’essentiel : construire de vrais partis politiques et convaincre l’opinion nationale avec des programmes ambitieux et réalistes, et non démagogiques.
Si nous en sommes là aujourd’hui, c’est en grande partie par la faute de cette même classe politique qui n’avait jamais su comprendre les aspirations réelles du peuple pour, en conséquence, élaborer des projets de société à la hauteur de cette immense attente. Et par leur acharnement à s’attaquer aux réformes politiques qui seront bientôt soumises au peuple par voie référendaire, on a l’impression qu’ils sont les principaux animateurs d’une opposition systématique à ATT ! Et pourtant, les réformes aujourd’hui proposées pour améliorer la gouvernance du pays et consolider la démocratie devaient plutôt être inspirées par la classe politique. Est-ce que le fait qu’elles soient pertinemment et opportunément portées par ATT qui les gêne tant ? Cela est plus qu’évident !
Ceux qui s’acharnent depuis quelques mois contre le président sortant en lui prêtant la volonté de ne pas quitter le pouvoir ressemblent beaucoup, comme le disait récemment un interlocuteur, plus à des «aigris sociopolitiques» qui attendaient beaucoup de son élection, mais qui sont sortis presque les mains vides parce qu’il n’a porté son choix sur eux pour aucun projet les permettant de rester au-devant de la scène politique ou pour consolider leur confort social. La contestation est donc l’ultime moyen dont ils disposent aujourd’hui pour se donner une existence politique.
«Comme le disent les peulhs, Samba ne vaut pas mieux que Yoro. Ceux qui sont dans la rue aujourd’hui pour contester cette réforme, ne valent pas mieux que ceux qu’ils dénoncent. Il est temps que les politiciens et leurs leaders syndicaux cessent de prendre le peuple comme le dindon de la farce politique et syndicale à laquelle nous assistons depuis plus de 20 ans. Ceux qui contestent la présente réforme, sont ceux qui sont laissés en marge du pouvoir. Si ATT offre des postes à ces gens, ils vont se taire tout de suite», disait un internaute dans un débat sur le sujet. Un avis partagé par beaucoup d’autres intervenants dont certains n’hésitent pas à taxer les contestataires de la réforme constitutionnelle «d’aigris politiques» !
En tout cas, cette contestation sue beaucoup plus à la société civile qu’à la classe politique d’autant plus que ledit projet de réforme a été adopté par l’Assemblée nationale à une très forte majorité ! Le contester, c’est en quelque sorte remettre en cause le parlement national. Mais, cela n’est guère surprenant d’autant que, à part le parti Sadi, les partis qui battent aujourd’hui le pavé pour se donner une raison d’exister représentent très peu de choses sur l’échiquier politique national.
Quand aurons-nous réellement des opposants responsables pour enrichir le débat démocratique focalisé sur les vraies préoccupations des populations ? Ce n’est pas en tout cas en semant le désordre dans la rue et en tentant de déstabiliser le pays que ces politiciens en quête de légitimité parviendront à combler les aspirations réelles des Maliens !
Kader Toé