L’Alliance pour la Démocratie au Mali, Parti Africain pour la Solidarité et la Justice (Adéma-PASJ) est sans contexte le parti qui a le plus le vent en poupe, depuis l’ouverture démocratique dans notre pays. Par ailleurs, s’il a toujours connu remous et controverses en son sein, il n’en a pas moins été, de tout temps, ce parti qui a le plus su gérer ses péripéties, en dépit de ses tangages et crises à l’interne. Cette résistance a ses mérites.
Mais comme dit le philosophe, “rien ne résiste au temps”. Si tant est que cette assertion est vraie, l’Adéma saura-t-il contrer le spectre de la division qui menace aujourd’hui sa cohésion, dans la perspective de la reconquête du pouvoir en 2012 ? C’est l’équation à dénomination inconnue que les Ruchers doivent résoudre, m^même si, pour l’heure,ils détiennent tous les atouts dans leur manche, en dépit de cette lutte acharnée à divers prétendants.
Un parcours éloquent, mais parsemé d’embûches
Parmi ses cadres et militants qui ont longtemps combattu dans la clandestinité, souvent à visage découvert, nombre d’entre eux se sont retrouvés au sein de l’Adéma- parti en 1991, après les événements douloureux de Mars de la même année. Et ce n’est que justice si, en 1997, ce parti remporta la victoire, à l’issue des premières élections libres et démocratiques.
Au regard des hommes et des femmes qui l’animaient, il n’y avait pratiquement pas de commune mesure entre l’Adéma et les autres partis, en dépit du charisme et de la popularité relatifs d’un certain Tiéoulé Mamadou Konaté, pourtant une des valeurs sûres de notre démocratie.
Le premier Président démocratiquement élu, Alpha Oumar Konaré qui, à l’époque, suscitait bien des interrogations -l’homme n’était connu que du seul cercle restreint d’intellectuels politiques engagés dans la lutte pour l’ouverture démocratique-, a su rassurer les Maliens en faisant preuve d’expérience politique et de capacité d’adaptation à la gestion des affaires publiques. Et c’est de là qu’il a tiré tout son mérite, au delà des couacs qu’il a pu générés çà et là.
Des inconstances politiques, Alpha Oumar Konaré en a connus. On peut citer, entre autres, sa fameuse politique de “diviser pour mieux régner” -qui a sérieusement laminé bon nombre de partis politiques, y compris le sien propre, l’Adéma-, l’arrestation et l’embastillement d’opposants politiques et d’acteurs de la presse, et le mémorable refus signifié à Jacques Chirac, en 1994.
Toujours est-il qu’à l’issue de ses dix ans de règne durant lesquels on aura vu près d’une vingtaine de nouveaux cadres et politiciens devenus subitement milliardaires, l’homme a su malgré tout s’en tirer avec“mention honorable”. Mais sur le plan de la politique intérieure, certains Ruchers ne sont pas encore prêts à pardonner à l’homme du “11 Mai” pour l’estocade qu’il a administrée au parti, en 2002.
Ce faux bond paraît comme la suite logique de ce“plan Marshall” qui avait précipité la démission de l’homme fort du parti, à l’époque, Ibrahim Boubacar Keïta, de son poste de Premier ministre, avant son grand départ de 2000. Les dés étaient ainsi jetés, et Alpha pouvait passer la main à ATT.
Le scénario envisagé à cette fin marcha à merveille, avec la fameuse convention de 2002 déjà compromise par Alpha lui-même qui s’était refusé à trancher entre les protagonistes de l’époque, tout en appelant ceux qui lui faisaient encore confiance à ne pas prendre Amadou Toumani Touré pour ennemi.
Arriva alors ce qui devait arriver: l’Adéma signe sa première grande défaite, à l’issue des élections présidentielles de 2002. Mais s’agissait-il d’une réelle défaite pour l’Adéma?
Le vrai artisan de tout cela, Alpha Oumar Konaré, continue encore de penser que c’est ce qui était mieux pour que les Abeilles se retrouvent, car le contraire aurait entraîné le parti vers la cassure. Certes, le parti perdit ainsi une corde à son arc, mais il est resté quand même intact, même après le départ de Soumaïla Cissé et camarades.
De 2002 à nos jours, sinon depuis le congrès extraordinaire de 2000, le parti connaîtra ses jours les moins glorieux, surtout sur le plan de gestion du pouvoir, mais il restera politiquement vivant, au sens propre du terme.
Des consultations électorales de 2002 et 2004 aux dernières en date, l’Adéma a toujours su garder sa suprématie, en terme d’élus nationaux, faisant de lui un partenaire stratégique de l’actuel régime.
Force est de constater qu’il y a, malgré tout, des riques de péril en la demeure des Ruchers. Les choses sont telles que, depuis l’entame de la bataille de repositionnemnet pour 2012, on craint de plus en plus, chez les “Rouges et blancs”, un revers de la médaille.
Où se situe alors l’axe du mal?
“L’Adéma entend soutenir au mieux le Président de la République , Amadou Toumani Touré, pour reprendre le pouvoir en 2012.” Ces propos paraphrasés du président de l’Adéma, Dioncounda Traoré -qui, depuis le 3 septembre 2007, est président de l’Assemblée nationale-, semble aiguiser les appétits, tant au sein de la Ruche que dans d’autres formations politiques omnubulées par la même ambition.
D’aucuns pensent d’ailleurs que ces propos de Dioncounda n’avaient pas leur raison d’être. Pour eux, compte tenu de la forte implantation du parti sur le territoire et de son assise dans la classe politique malienne, il n’y aurait, entre l’Adéma et Koulouba, qu’un pas à franchir : attendre l’heure, qui serait vraisemblablement pour 2012. Sauf qu’ici, l’optimisme le dispute au réalisme politique.
Autrement dit, l’Adéma peut bel et bien reconquérir le pouvoir en 2012, mais en restant réaliste. L’axe du mal, dans cette voie, se trouve, non pas du côté des partis engagés dans la lutte pour 2012, mais au sein même du parti.
Entre la bataille ouverte pour succéder Dioncounda à la tête du parti aux tractations douteuses de ce dernier pour mieux se positionner, l’Adéma, à défaut d’un ressaisissement, court le risque de rater le coche. Et à n’en pas douter, si les Ruchers ne se retrouvent pas pour endiquer leurs différends à l’interne en vue de lever tout obstacle, une nouvelle cassure est inévitable. Ce qui, à première vue, peut compromettre les chances du parti en 2012.
En fins politiciens, les Ruchers doivent savoir que les enjeux de 2012 doivent être perçus sous divers angles, et non sous le seul angle de cette suprématie qui reste, somme toute, aléatoire en politique.
Adama S. DIALLO
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