De sources généralement crédibles, le président de la République, Amadou Toumani Touré vient d’avoir des "discussions franches et sincères" avec le président de l’Assemblée nationale, le Pr Dioncounda Traoré, du souhait prêté au Chef de l’Etat de dissoudre l’Assemblée nationale courant mars 2012. Après des explications du titulaire du perchoir malien sur les conséquences fâcheuses que peut avoir une telle mesure, ATT aurait décidé de renoncer à son projet. Toutefois, il n’a pas renoncé à sa volonté d’aller au couplage des prochaines élections présidentielle et législatives, après des concertations de la classe politique.
Les élections maliennes coûtent excessivement cher. Et le président de la République tient à réduire un tant soit peu ces coûts en optant pour un couplage des scrutins. Par ailleurs, rapporte-t-on, pour donner des chances égales aux candidats aux prochaines joutes électorales, le Chef de l’Etat avait décidé de mettre fin à l’actuelle législature en mars 2012. Les textes, en effet, lui donnent cette prérogative de dissolution de l’Assemblée nationale. C’est l’article 42 de la Constitution qui dispose que " le président de la République peut, après consultation du Premier ministre et du président de l’Assemblée nationale, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale. Les élections générales ont lieu vingt et un jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution ". Ainsi, comme L’Indépendant l’avait précédemment annoncé, dans sa parution du 19 août 2011, le Chef de l’Etat, dans le souci de réduire les dépenses électorales et d’améliorer le taux de participation aux élections, avait projeté de dissoudre l’Assemblée nationale.
En outre, recevant les diplomates étrangers venus lui présenter leurs vœux à l’occasion de la fête de Ramadan, le président de la République avait fait des mises au point par rapport au projet de révision constitutionnelle. Il avait profité de cette occasion pour faire des déclarations qui portaient à croire que la dissolution de l’Assemblée nationale était plus qu’une probabilité.
Or, il semble que si elle se concrétisait, cette dissolution mettrait plusieurs députés, dont le président de l’institution, dans des situations très peu confortables. C’est, rapportent nos sources, cette préoccupation qui a poussé le président de l’Hémicycle, Pr Dioncounda Traoré, à solliciter et à obtenir une entrevue avec le locataire du Palais de Koulouba. Les échanges entre les deux hommes ont permis au titulaire du perchoir malien d’expliquer au président de la République un certain nombre de raisons pour lesquelles le couplage des élections pourrait se faire sans qu’il soit nécessaire de mettre fin à l’actuelle législature.
Il s’agit des prêts contractés par une centaine de députés auprès des banques de la place dont principalement la BIM-SA. Ces prêts devraient être épongés de façon échelonnés jusqu’à la fin de leur mandat (juillet 2012) à raison de 500 000F CFA par mois. Les prêts contractés s’élevant en moyenne, chez chacun des honorables, à une somme de 16 millions (20 millions pour certains) de nos francs.
D’autre part, selon nos sources, plusieurs représentants de la nation, avec la bénédiction du ministère de l’Agriculture, ont acquis auprès de l’usine de fabrication de Tracteurs de Samanko (pilotée par des Indiens), des tracteurs et d’autres équipements agricoles.
Une soixantaine d’honorables députés doivent ainsi d’importantes sommes d’argent à cette structure industrielle. Des dettes dont des tranches sont versées à la BDM-SA sous l’œil vigilant de la présidence de l’Assemblée nationale (avec un rôle décisif de la Questure de l’Hémicycle).
Pour toutes ces raisons, Dioncounda Traoré aurait convaincu ATT de ne pas dissoudre l’Assemblée nationale en mettant tous ces élus de la nation dans des difficultés liées à leur solvabilité qui serait quasiment anéantie.
Joint pour recouper nos informations, un haut cadre de l’Hémicycle nous a confié qu’ATT ne saurait être convaincu par le président de l’Assemblée qui n’a évidemment aucun intérêt dans cette dissolution. Puisque le robinet de ces indemnités, qui s’élèveraient à quelques 25 millions F CFA par mois, serait fermé.
"Etant un candidat à la présidentielle de 2012, il est plutôt souhaitable que Dioncounda Traoré n’ait pas à user des moyens de l’Etat (les indemnités, le carburant, les 4 véhicules de fonction) pour avoir une prééminence sur les autres candidats. Il faut dissoudre l’Hémicycle pour donner des chances égales à tous les candidats. Si ATT a dit qu’il n’y a aura de ministre candidat, alors il faut faire en sorte que tous les chefs des institutions qui veulent se lancer dans la course pour les élections générales de l’an prochain ne puissent pas disposer des moyens de l’Etat à cette fin. C’est le cas de Dioncounda Traoré à la tête de l’Assemblée nationale, peut-être de Jeamille Bittar à la tête du Conseil économique social et culturel… ".
Il semble toutefois qu’ATT ne voudra pas se mettre à dos la classe politique dont une couche assez représentative voit d’un mauvais œil l’épée de Damoclès de la dissolution qui priverait les députés d’indemnités par ces temps de vaches maigres où tous les partis ont besoins de ressources financières pour faire face aux prochaines échéances électorales.
Pour couper la poire en deux et pouvoir coupler les élections, le président de la République ne trouverait alors aucun inconvénient à proposer bientôt à la classe politique des concertations pour organiser, en juillet 2012 et la présidentielle et les législatives couplées.
Cette alternative ne serait pas du goût des partis non représentés à l’Assemblée nationale.
Bruno D SEGBEDJI