Après la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), c’est au tour de l’Union européenne de prendre des sanctions contre la junte au pouvoir au Mali. Une décision qui, selon le quotidien burkinabé Le Pays, risque de durcir les positions des autorités de Bamako et de peser sur la population malienne.
On le sait. Les relations entre les autorités de la transition malienne et la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) sont exécrables au point que l’organisation sous-régionale avait pris des sanctions ciblées contre des personnalités maliennes. Ainsi, la Cedeao entendait traduire son mécontentement à l’encontre des autorités de la transition pour leur manque de volonté manifeste d’aller vers des élections dans les meilleurs délais. Après ces tuiles de la Cedeao sur la tête d’Assimi Goïta, c’est au tour de l’Union européenne (UE) de faire tomber d’autres tuiles sur le béret du chef de la junte au pouvoir.
Des élections renvoyées aux calendes maliennes
En effet, l’UE a pris, le 15 novembre dernier, des sanctions ciblées contre les hommes et les femmes qui empêchent le bon déroulement de la transition. De toute évidence, la structure fait référence aux autorités de la transition, dont on sait qu’elles travaillent, depuis un certain temps, à renvoyer la date du 27 février prochain, initialement retenue pour la tenue de la présidentielle, aux calendes… maliennes.
Ces sanctions ne constituent pas en réalité une surprise. Car l’UE avait apporté, le 8 novembre dernier, son soutien à la Cedeao dans son bras de fer avec la junte au pouvoir à Bamako. Du point de vue des principes, il est difficile de jeter la pierre à l’UE. Car elle a agi conformément à sa logique de ne pas être tendre vis-à-vis de ceux qui s’approprient du pouvoir par la force. Et ce qui peut justifier davantage les sanctions de l’UE, c’est que les autorités de la transition malienne sont en train de donner l’impression que le seul calendrier politique qui vaille au Mali est le leur.
En tout cas, pour le moment, il n’y a aucune lisibilité quant à la date de la tenue de la présidentielle au Mali. L’horizon politique est d’autant plus illisible que personne ne sait si oui ou non le chef de la junte sera dans les starting-blocks en cas de scrutin présidentiel. En tout cas, des Maliens l’y invitent avec insistance, arguant du fait qu’il est l’homme qui pourra faire repartir le Mali du bon pied. Et à ce que l’on dit, ils sont nombreux aujourd’hui, les Maliens et les Maliennes, qui partagent cette opinion.
Une crispation de la junte à craindre
Si cela est avéré, l’on peut craindre que les sanctions prises contre les éléments de la junte poussent ces derniers, à commencer par leur chef, Assimi Goïta, à développer des instincts de survie. Cela pourrait consister à rendre officielle et effective la volonté de la junte de collaborer avec les mercenaires russes de Wagner, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, ou encore à faire le choix officiel d’ouvrir des négociations avec des groupes terroristes. En tout cas, à force, peut-on dire, de trop bousculer les putschistes maliens, l’on court le risque de les rendre davantage sympathiques aux yeux de l’opinion malienne, voire au-delà.
Il reste à savoir si les Maliens en général, ou du moins ceux d’entre eux qui soutiennent la junte en particulier, sont prêts à supporter les sacrifices qu’exigeront des sanctions significatives contre leur pays, au cas où la junte opterait résolument pour une défiance totale vis-à-vis de la communauté internationale. L’isolement consécutif à des sanctions de la communauté internationale a été mis à profit par certains pays pour se hisser vers le progrès et la consolidation de leur souveraineté. Ce furent les cas de la Chine avec Mao et de l’Iran avec l’ayatollah Khomeyni. Assimi Goïta a-t-il l’audace et la vision de ces leaders ? L’avenir nous le dira.
Et la population dans tout cela ?
En attendant, les sanctions de la Cedeao et surtout celles de l’Union européenne risquent de mettre les éléments de la junte dans une situation inconfortable. Et au rythme où vont les choses, c’est toute la population qui risque de trinquer dans l’hypothèse où les sanctions s’étendraient à l’ensemble du pays. Et quand on sait que l’UE est le premier partenaire au développement du Mali et qu’elle intervient dans des domaines très sensibles comme ceux du développement rural, des infrastructures routières et du développement urbain et social, on peut facilement imaginer l’envergure des conséquences que subirait le Mali en cas de divorce total d’avec la communauté internationale.
Tout le mal donc que l’on souhaite à ce pays, déjà en proie à la pauvreté, à l’insécurité et à la famine, qui se profile en raison de la saison des pluies catastrophique qu’il vient de connaître, est qu’il sorte le plus tôt possible de son bras de fer avec la Cedeao et, partant, avec la communauté internationale.