Le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, tel un astronaute qui était sur la lune, remet les pieds sur terre, plus précisément à «l’Aéroport Mali». Et pourtant, il n’est plus cet astrophysicien Cheick Modibo Diarra (Ancien Premier ministre du Mali de la récente transition), dont on dit qu’il n’avait la tête et les pieds que dans les satellites de la Naza aux USA. Coupé brusquement et incompréhensiblement des Maliennes et des Maliens qui l’ont pourtant élu à une écrasante majorité, IBK, que d’aucuns qualifient volontiers de «bourgeois moderne», sentant sa cote de popularité en chute libre, se réveille petit à petit pour redonner confiance à nos concitoyens. Un réveil tardif surtout quand on sait que nombre de nos concitoyens ont perdu toute estime en lui en raison de plusieurs déceptions.
Première déception et la plus grande. Élu en raison de son excellent slogan de campagne : «Le Mali d’abord ; Pour l’honneur du Mali ; Pour le bonheur des Maliens», pour trouver une solution à la récurrente rébellion du Nord, l’homme a tout simplement démontré son laxisme, son amateurisme et son tâtonnement. Du coup, la situation s’est empirée avec la réoccupation de la région de Kidal par les bandits armés du Mnla et leurs alliés jihadistes et narcotrafiquants. Ce qui nous vaut aujourd’hui d’être trimballés à Alger pour des négociations.
Autre fait non moins important, c’est la gestion des affaires au sommet de l’Etat. Alors qu’il clamait haut et fort «qu’il n’y aura pas de partage de gâteau», voilà qu’avec son élection à la Magistrature de notre pays, on assiste «au partage du beurre et de l’argent du beurre». Du coup, certains n’ont pas hésité à parler de la «famillecratie», «d’Ibkcratie», de la «Fbi (Famille Bourama et intimes)»… au sommet de l’Etat.
Comme si tout cela ne suffisait pas, les affaires Michel Tomi, de l’avion présidentiel, de l’Accord de défense…sont venues jeter un discrédit cinglant sur IBK. Agacés par les lamentations et les dénonciations des populations, accentuées par la classe politique, la presse et la Communauté internationale, le Kankélétigui ne savait à quel saint se vouer. Peut-être pas même à Oumar Tatam Ly (ex-Premier ministre du gouvernement I) ou encore à l’actuel Premier ministre, Moussa Joseph Mara, en perte de crédibilité ces derniers temps.
Coincé donc de toutes parts, IBK a versé dans les délires. On se souvient encore qu’en marge du Sommet USA-Afrique, tenu du 4 au 6 août 2014, il disait à nos compatriotes de Washington DC: «Je n’ai pas été élu par les Maliens pour me suicider». Et bien avant cette bourde, il confiait dans une interview accordée à notreconfrère François Soudan de Jeune Afrique : «Mon honneur n’est pas à jeter aux chiens»… Tout cela traduisait-il un aveu d’impuissance ou de manque de vision pour le Mali ?
Toujours est-il que depuis son retour de la Chine d’où il dit avoir ramené 5.500 milliards de nos francs, le président IBK semble, comme s’il avait fait des ablutions avec une poudre magique, retrouver ses esprits. Mais, les populations qui ne sont pas dupes, l’observent et le suivent de près, de très près quant à la transformation de ces «milliards chinois» en projets concrets pour améliorer leurs conditions de vie et de travail. Le sachant bien, IBK a dû alors, dans son discours à la Nation à la veille du 54ème anniversaire de l’indépendance de notre pays, tenter de calmer le jeu en reconnaissant certaines de ses erreurs et en invitant les populations à la patience.
«Le contexte particulier politique et sécuritaire de la présente année 2014 reste difficile, car marqué par la perpétration d’actes graves de violence et de crimes gratuits dans le Nord du Mali. Ils sont perpétrés quasi quotidiennement par des groupes armés, en violation flagrante des engagements internationaux auxquels ils ont souscrit», affirme le président IBK dans son adresse à la Nation.
S’adressant au monde du travail, il dira : «Nous comprenons la frustration des travailleurs et le Gouvernement ne ménagera aucun effort, ni aucun des moyens dont nous disposons pour dialoguer et aboutir à des solutions justes, équitables, efficaces et durables. Toutes les forces vives de la Nation, en dépit des multiples difficultés que nous traversons, ont fait preuve de discernement et de patriotisme envers le Mali. Nous les en remercions, nous les encourageons à maintenir cet effort et nous veillerons à ce que le dialogue social et politique se poursuive dans la sérénité».
Quant aux femmes, IBK plaide : «Nous sommes conscients des contraintes et difficultés des femmesdans ce contexte difficile que nous traversons. Elles jouent un rôle irremplaçable de levier économique et de stabilité sociale. Merci pour cela et nous savons compter sur le soutien et la mobilisation constante des femmes».
Sans oublier les jeunes : «Nous nous réjouissons du rôle croissant et responsable de la jeunesse dans notre société. Nous l’avons encore constaté il y a quelques jours lors du Forum que la Jeunesse a tenu à Bamako».
Au sujet de la diaspora, il affirme : «La diaspora malienne dans la reconstruction du Mali, cette frange de notre communauté qui a toujours fait preuve de patriotisme et d’un attachement profond au Mali et à tous nos principes de soutien de la cohésion sociale, ainsi qu’à la défense de l’intégrité territoriale. Je m’en rends compte à chacune de mes visites à l’extérieur, me faisant fort de rencontrer ces parents vivant hors du pays. Ils ont une grande soif de connaître l’état de la Nation, d’avoir des détails sur les questions soulevées par les médias nationaux qui les arrivent avec tous les prismes qu’on peut imaginer très déformants souvent ; et sur les perspectives de développement économique et social, notamment la situation des emplois. Nous supportons et assurons le suivi de leurs propositions et contributions au développement du pays. C’est le lieu de les remercier et de les encourager à maintenir leur engagement pour le Mali».
Avant de promettre que le gouvernement mettra tout en œuvre pour le renforcement de toutes les institutions publiques et l’approfondissement de la démocratie, la restauration de l’intégrité du territoire et la sécurisation des biens et des personnes, la réconciliation des Maliens, le redressement de l’école, la construction d’une économie émergente et la mise en œuvre d’une politique active de développement social, sur le retour effectif du Mali sur l’échiquier international…
Des promesses qui, nous l’espérons vivement, seront progressivement tenues et visibles sur le terrain. Dans le cas contraire, au terme de sa 2ème année à Koulouba, rien de ce qu’il dira ou fera ne saurait convaincre personne dans ce pays, quant à sa véritable capacité à sortir le Mali de l’ornière et à le hisser dans le concert des grandes Nations.
Bruno E. LOMA