En juin 2007, au moment même de son investiture pour son second et dernier mandat, éclate l’affaire BHM/WAIC. Le président ATT a pris sur lui la responsabilité de faire embastiller son Frère, l’ex-PDG de la BHM, en vacances au Mali. Depuis cette arrestation, le président ATT, ne dort que d’un œil selon ses aveux, ne sachant vraiment comment sortir du bourbier judiciaire dans lequel il s’est enfermé.
La Cour suprême du Mali, avait tranché la question de façon définitive par l’arrêt 53 du 29 mai 2009, en acquittant les prévenus, sans possibilité de renvoi. Au lieu de se satisfaire de cette solution, le président est intervenu publiquement dans le dossier, empêchant l’application de cette décision et limogeant, une dizaine de jours plus tard, les membres du Parquet de la haute Cour, c’est-à-dire le Procureur général et l’Avocat général au motif qu’ils auraient dû aligner leurs décisions sur celle de la Cour d’assises ou, à tout le moins, retourner le dossier à la Cour d’appel.
ATT a horreur que les dossiers judiciaires mal ficelés se retournent contre l’Etat qui croule sous le poids de grosses de justice impayées, l’Etat du Mali étant souvent condamné. Dans ce dossier, bien que les accusations de détournement de biens publics se soient effondrées comme un château de cartes, ATT a maintenu la pression sur la justice, renouvelant dans la foulée tout le staff de la haute juridiction : président, vice-président, procureur général et avocat général. Objectif : obtenir que l’arrêt 53 qui annulait toutes les décisions antérieures de justice, soit à son tour annulé. Ce qu’il obtint par la mise en œuvre du rabat d’arrêt décrié par les professionnels du droit. Le président, a pourtant deux soucis : comment satisfaire les investisseurs étrangers expropriés maladroitement par des artifices judiciaires et comment faire libérer son Frère Diawara qu’il a fait incarcérer injustement depuis quatre ans sur la base d’une fausse accusation qui a fait long feu.
Le rabat d’arrêt ayant annulé en toute illégalité l’arrêt 53, le président n’avait aucun moyen juridique légal pour peser sur le dossier, notamment en libérant M. Diawara, le seul qui croupit dans les geôles. Alors, pour permettre au Président éventuellement d’utiliser son droit de gracier, il faut rejeter le pourvoi de la défense et confirmer le verdict de Ségou. Mais, cette entreprise se heurte à un obstacle de taille, à savoir, les engagements pris par le président ATT vis-à-vis des autorités de l’Union Européenne de régler le différend politiquement. Ayant spolié sur du faux les investisseurs allemands, ayant accusé à tort les Diawara et Haïdara de malversations que les audits et expertises infirment, ATT ne veut pas reconnaître la responsabilité de l’Etat dans cet imbroglio judiciaire et semble être pris dans son propre piège. Pendant ce temps, les juges nouveaux qu’il a nommés, essayent de trouver à leur corps défendant, une solution juridique à son problème, à savoir comment terminer cette affaire sans que les prévenus réclament leurs droits à une juste réhabilitation et ne se retournent contre l’Etat, et sans que le président perde la face? Voilà le dilemme du président.
Dès l’enrôlement du dossier pour le lundi 17 octobre, les autorités européennes ont tenté par l’entremise de l’Ambassade d’Allemagne de joindre les responsables du Mali, mais en vain. Ils sont sur répondeur, donc injoignables. L’enjeu pour l’U.E étant de rappeler au président les engagements souscrits qui sont antinomiques avec l’enrôlement du dossier pour un jugement quelconque. Seule une médiation est acceptable pour régler ce problème et dépénaliser le dossier qui n’aurait jamais dû quitter le Tribunal du commerce. L’adage ne dit-il pas qu’un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès?
Birama FALL
Rebondissement dans l’affaire BHM/WAIC
La Cour Suprême statue sur les pourvois ce matin
Le feuilleton judiciaire de l’affaire WAIC/BHM vient de connaître une brusque accélération avec l’enrôlement inattendu et aux forceps du dossier par la Cour Suprême du Mali en son audience de ce lundi, 17 octobre 2011.
Que cache réellement ce brusque réchauffement du dossier judiciaire ?
La défense des prévenus, à savoir Mamadou Baba Diawara et Ismaël Haïdara, respectivement ancien PDG de la BHM et PDG de la société allemande WAIC, n’en revient pas, alors que les résultats des experts ne sont pas toujours disponibles et versés au dossier. Quel élément dispose alors la Cour Suprême du Mali pour statuer sur les pourvois formulés par les Conseils des prévenus?
A en croire une source proche du dossier, deux solutions resteraient à la Cour : accepter le pourvoi introduit par la défense contre l’arrêt de la Cour d’assises en transport à Ségou qui les condamnait par arrêt N°211 du 17 Juillet 2008 à la réclusion à perpétuité et à 15 ans de réclusion criminelle ainsi qu’au paiement à la BHM de 6.213.683.091 FCfa à titre principal et 700.000.000FCfa à titre de dommages intérêts. Cependant, sur les pourvois de leurs conseils, la chambre criminelle de la Cour Suprême du Mali, par arrêt N°53 du 29 mai 2009 cassait et annulait l’arrêt N°125 du 10 Juin 2008 et subséquemment les arrêts N°211 et 212 de la Cour d’assises en date du 17 juillet 2008, disait n’y avoir lieu à renvoi et ordonnait la mise en liberté de Mamadou Baba Diawara et Ismaël Haïdara, s’ils ne sont détenus pour autre cause.
Mais, contre toute attente et en toute illégalité, la même Cour Suprême du Mali en son audience ordinaire du 28 décembre 2009 présidée par Nouhoum Tapily, va se dédire en donnant son accord pour la réouverture des débats.
La Cour Suprême du Mali peut aussi rejeter le pourvoi et confirmer les arrêts N°211 et 212 rendus le 17 juillet 2008 par la Cour d’assises en transport à Ségou.
Selon nos sources, cette seconde hypothèse semble être la plus plausible. En effet, nous informe-t-on, le but du jeu en confirmant la sentence de la Cour Suprême, c’est de donner la possibilité au président de la République d’avoir des arguments juridiques du genre : «la Cour Suprême a pris une décision irrévocable ; donc j’utilise mon droit de gracier et mon autorité pour régler tel ou tel aspect du contentieux en dehors du cadre judiciaire». C’est là tout l’enjeu du bras de fer entre le président ATT et les Allemands. Comment peut-il en être autrement d’ailleurs, si on sait que c’est pour l’arrêt N°53 du 29 Mai 2009 que le Parquet précédent a été limogé publiquement par le chef de l’Etat qui avait fait une intrusion très médiatique sur la scène judiciaire. L’actuelle Cour ne va nullement prendre le risque de contrarier le président de la République en lui donnant tort. Le bon sens est de se dire que la façon de convoquer la défense dans le délai peu réglementaire, vise à donner au chef de l’Etat la main pour qu’il avait perdue dans la gestion de ce dossier.
Vers une crise diplomatique entre ATT et l’UE !
Selon nos sources, cette attitude de la Cour Suprême du Mali risque d’irriter au plus haut point les Allemands et l’Union Européenne qui avaient reçu du chef de l’Etat l’engagement ferme de dépénaliser le dossier et de trouver une solution politique à l’amiable, au besoin, en dehors de la justice pénale. A en croire nos sources, les engagements pris par le président ATT vis-à-vis des Européens sont inconnus du Parquet qui tente de lui faire plaisir. Cette solution pourrait provoquer une crise diplomatique majeure entre ATT et l’UE qui attendait que les résultats des expertises mettent tout le monde d’accord. En voulant aujourd’hui contourner ces résultats pour faire passer un nouveau verdict que cherche-t-on? Tout, sauf la vérité. Beaucoup de maladresses ont émaillé la gestion de ce dossier ultra sensible dans lequel le chef de l’Etat s’est fait piéger, se retrouvant en première ligne à chaque fois. Lorsque lui-même ordonne des expertises, il doit s’assurer qu’il peut payer les experts et doit s’assurer aussi que leurs travaux aideront à la manifestation de la vérité. Au lieu de cela, les experts ne sont pas réglés, et la justice sans attendre ces documents fondamentaux programme un jugement de la vérité. Le chef de l’Etat doit faire reporter cette séance, mettre les résultats de l’expertise immobilière entre les mains des juges de la Cour Suprême et demander un jugement équitable de cette affaire, en respectant les engagements pris vis-à-vis des partenaires extérieures. La crédibilité du Mali est mise à rude épreuve.
Si les juges de la Cour Suprême font du forcing pour faire casser coûte que coûte ce lundi le pourvoi, ils auront contribué à rendre la position d’ATT intenable et à donner de la haute Cour une image peu reluisante. Il leur faut chercher à rendre leur jugement crédible et inattaquable, au lieu de chercher à faire plaisir à ATT qui, au fond, n’a toujours pas eu un avis juridique et un conseil éclairé.
Il a toujours eu ce qu’il demandait, aucune voix discordante ne venant lui rappeler qu’il fait fausse route. Cette fois, en cherchant à faire condamner Mamadou Baba Diawara et Ismaël Haïdara, respectivement ancien PDG de la BHM et PDG de la société allemande WAIC et clore le débat judiciaire à sa façon, ATT veut être le seul recours à disposer du pouvoir d’utiliser, entre autres, l’instrument des grâces, une prérogative du seul président de la République. De cette façon, il empêche que les droits des prévenus soient reconnus et les empêcheraient de se retourner contre l’Etat du Mali. Si c’est cela les objectifs de cette mascarade judiciaire, a d’énorme faiblesses que nous exposeront dans notre prochaine édition lorsqu’on connaîtra le sort de l’arrêt de ce lundi, 17 octobre 2011.
Birama FALL