Après près de deux heures d’audience hier, mercredi 3 décembre, à la Cour d’Appel de Bamako, le juge a fini par ordonner, comme requis par le parquet et plaidé par les avocats défenseurs, la libération de l’honorable député Bourama Tidiane Traoré, sur le fondement de la résolution de l’Assemblée nationale. Celle-ci, votée à l’unanimité des élus le 27 novembre, requérait comme prévu à l’article 62 dernier alinéa de la Constitution, la suspension de la poursuite du député. Faut-il rappeler que l’élu de Kati avait été placé sous mandat de dépôt sur une plainte du juge de Ouélessebougou, qui estime avoir été violenté dans son bureau par le parlementaire, dans la soirée du mardi 25 novembre.
Le député de Kati, l’honorable Bourama Tidiane Traoré, a quitté le palais de la Cour d’Appel hier, sous les you you de ses partisans et proches avec et députés qui avaient fait le déplacement et les avocats défenseurs heureux du verdict. Contrastant avec cette satisfaction, les avocats de la partie civile affichaient leur déception et certains ont pu lâcher : “C’est une parodie de justice ! “ à la tombée du verdict.
Le verdict a mis du temps avant d’être prononcé, avec une partie civile décidée, constituée de Mes Maliki Ibrahim, Aïssata Sy, Amidou Dao, Diakaridia Djiré et autres, à convaincre le président de la Cour de “ confirmer le jugement déclarant l’incompétence du juge correctionnel à statuer sur une résolution de l’Assemblée nationale “.
L’argumentaire de la partie civile est fondé sur le fait que le juge pénal n’est pas un juge constitutionnel et, à ce titre, ne peut statuer sur une résolution de l’Assemblée nationale. Pour Me Maliki et ses confrères, le juge correctionnel n’a qu’à se référer aux textes de base que sont le Code pénal et le Code de procédure pénale. ” Il n’a pas à recevoir d’injonction, fût-elle de l’Assemblée nationale “, avaient martelé plusieurs avocats de la partie civile. Me Maliki Ibrahim de préciser que la résolution de l’Assemblée nationale pouvait être adressée au gouvernement, au ministre de la Justice ou soutenir une demande de liberté provisoire. Et les protecteurs des intérêts du juge de Ouélessébougou de plaider que le président de la Cour confirme le ” jugement avant dire droit ” du juge de la Commune VI en se déclarant incompétent et renvoie les parties devant le premier juge pour l’examen au fond du litige.
Pour sa part, la défense, menée de main de maître par Me Baber Gano, avec à ses côtés Mes Mariam Diawara, Hassane Barry, Tiessolo Konaré, Tiécoura Samaké, a indiqué que la Constitution est la loi fondamentale et elle s’applique à toute personne dont le magistrat. Pour ces avocats, en ne constatant pas simplement l’existence de cette résolution pour ordonner la suspension de la poursuite et libérer le député détenu, le juge violerait la loi suprême au sein de la République et, pire, il risque de tomber sous le coup de la forfaiture, prévue et sanctionnée par l’article 75 du Code pénal.
Le Parquet a invité au respect de la loi, la Constitution étant la première, non seulement pour l’apaisement social mais aussi «parce que la loi nous a permis d’arrêter le député et la loi nous demande encore de suspendre sa poursuite».
Au final, le juge s’est prononcé dans ce sens en ordonnant la libération de l’honorable Bourama Tidiane Traoré, qui a ainsi recouvré sa liberté à la satisfaction de ses conseils, de ses collègues députés et de ses proches. Me Baber Gano s’est félicité de cet arrêt : « C’est la Constitution qui est au sommet de la hiérarchie des normes. On ne peut que se plier devant ses dispositions. Je suis satisfait de cet arrêt et fier de la justice de mon pays», a-t-il déclaré.
Il faut rappeler que le juge du tribunal de la Commune VI s’était déclaré incompétent à statuer sur la résolution de l’Assemblée nationale du 27 novembre demandant la suspension de la poursuite du député Bourama Tidiane Traoré détenu sur le fondement de l’article 62. Ses avocats avaient interjeté appel de ce jugement avant dire droit.