Ce 8 octobre 2019, devant le Conseil de sécurité de l’ONU, à l’occasion des débats sur le dernier rapport trimestriel sur la situation sécuritaire du Mali, le chef de la MINUSMA, Mahamat Saleh Annadif, a dépeint un bilan rassurant de l’Accord pour la paix, notamment dans les domaines des réformes politiques et institutionnelles, des questions de défense et de sécurité, ainsi que des questions de développement socio-économique. Toutefois, ces acquis deviennent très vite des leurres pour le commun des Maliens qui assiste impuissant à la dégradation progressive de son environnement sécuritaire, à l’exacerbation de conflits communautaires, à la prolifération de groupes armés d’auto-défense et la régression de la restauration de l’autorité de l’État, à cause de l’insécurité éloignant chaque jour davantage l’unité et la cohésion tant attendues.
Selon Mahamat Saleh Annadif, la promulgation (en juillet dernier) de la loi d’Entente nationale et de la loi établissant les principes fondamentaux de la création, l’organisation et le contrôle de la zone de développement des régions du nord ; la planification du redéploiement des 1 006 combattants issus du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), désormais partie intégrante des Forces de défense et de sécurité malienne (FDSM) ; la programmation de 328 autres qui sont encore en formation qui seront suivis de 506 autres pour ramener l’effectif à près de 1 840 sont autant d’espoirs pour la mise en œuvre intégrale de l’Accord pour la paix.
Malgré ce tableau reluisant, il est loisible de constater qu’après le report de la 38e session du Comité de suivi de l’Accord (CSA) qui était prévue à Kidal le 17 septembre, aucune autre réunion n’a pu être programmée, dans ce sens, jusqu’à ce jour. Depuis ‘’un malaise est apparu entre les parties signataires’’ amplifié par l’annonce par le gouvernement de sa volonté de revoir certaines dispositions de l’Accord à l’occasion du Dialogue national inclusif. La mise en œuvre de l’Accord pour la paix est depuis au point mort, comme c’est fréquemment le cas entre les parties à cet Accord pour la paix.
Pire, la situation de zone de non-droit de la ville de Kidal, le non-désarmement de plus de 63 000 combattants qui errent toujours dans la nature avec leurs armes transforment rapidement la lueur d’espoir en leurre pour les observateurs.
En septembre dernier, au cours d’une visite à Bamako, le Président nigérien a déclaré que le statut de Kidal, toujours aux mains des d’ex-rebelles, est une menace pour le Niger.
« Le statut de Kidal est une menace pour la sécurité intérieure du Niger. Et en plus, nous constatons, avec beaucoup de regrets, qu’il y a des mouvements signataires des accords de paix d’Alger qui ont une position ambiguë et qu’il y a des mouvements signataires des accords de paix d’Alger qui sont de connivence avec les terroristes. Nous ne pouvons plus l’admettre », a martelé le Président nigérien.
La double attaque perpétrée ce 30 septembre 2019 contre le camp militaire du G5 Sahel de Boulkessi et le poste de sécurité des gardes de Mondoro dont le bilan a été porté à une quarantaine de morts et des disparus prouve à suffisance que la paix tant miroitée aux yeux des Maliens par la MINUSMA et Barkhane n’est que leurre.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, les États-Unis se sont à nouveau montrés impatients face à l’évolution de la situation du Mali, en début de semaine, au Conseil de sécurité. « Malgré les efforts louables de la Minusma, la tendance générale (…) est extrêmement préoccupante », a souligné l’ambassadrice américaine à l’ONU, Kelly Craft, lors de la réunion, mardi, du Conseil de sécurité. « Le gouvernement du Mali et les groupes armés signataires (de l’accord de paix) ont fait peu de progrès pour l’appliquer. Ceci n’est pas acceptable » et « nous ne pouvons continuer à soutenir une mission de paix qui profite aux parties signataires alors qu’elles refusent d’appliquer pleinement leurs engagements », a averti la diplomate américaine. « Nous ne pouvons pas laisser passer une autre année sans nous rapprocher de l’application de l’accord de paix », a-t-elle averti.
Répétant une menace ancienne de Washington, Kelly Craft a évoqué implicitement l’idée de mettre un terme à la MINUSMA, une grosse opération militaire au coût annuel dépassant le milliard de dollars et qui subit régulièrement des attaques meurtrières. «Nous ne pouvons pas laisser passer une autre année sans nous rapprocher de l’application de l’accord de paix». «Si toutes les parties restent réticentes à sortir du statu quo, alors nous devons être prêts à développer une approche différente» pour le Mali, a-t-elle dit, sans autre précision.
Pour rappel, trois forces interviennent dans le domaine sécuritaire au Mali, les 5 000 militaires de la Force conjointe anti-jihadiste du G5-Sahel dont le rayon d’action couvre 5 pays (Mali, Burkina Faso, Tchad, Mauritanie, Niger) ; la Force française Barkhane (4 500 militaires) ; et la Force de maintien de la paix de l’ONU, la MINUSMA qui compte environ 15 000 militaires et policiers.
PAR SIDI DAO
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