Abdou Diouf, secrétaire général de l’OIF au Républicain: C’est fini avec la politique

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Lors du dernier sommet de l’OIF à Bucarest, Abdou Diouf a été réélu pour un nouveau mandat de quatre ans. Le bilan qu’il a présenté aux chefs d’Etat de la francophonie a largement plaidé en sa faveur. Quelles seront les priorités de Diouf pour ce nouveau mandat ? Pourquoi a-t-il accepté d’occuper ce poste après son départ de la présidence du Sénégal ?

Quelle est la place du français face à l’anglais ? La crise en Côte d’Ivoire ?

Autant de sujets qu’il a abordés dans un entretien accordé à notre journal. Lisez plutôt.

Q : Monsieur le président après un premier mandat à la tête de l’Organisation internationale de goedkope voetbalshirts la Francophonie (OIF), vous venez d’être réélu. Vous avez été président du Sénégal, comment expliquez-vous cette "reconversion" ?

R : D’abord, il faut que je vous dise un peu d’histoire. Quand j’ai perdu les élections au Sénégal, tout le monde a pensé que j’étais meurtri et déçu. On ne s’est pas rendu compte que pour moi, c’était la fin d’une longue mission. En réalité, je n’ai jamais eu de jeunesse. J’ai commencé très tôt à occuper de hautes charges de l’Etat. Et je me suis jamais reposé.

Après donc les élections, je me suis dit que je pouvais enfin jouir d’une vieillesse heureuse et tranquille. Quant à la retraite politique, n’en parlons pas. C’est fini avec la politique, même si les gens à ce sujet également se sont posés beaucoup de questions au départ. Mais tout le monde sait aujourd’hui que je n’ai aucune envie de revenir à la politique. Je me suis alors reposé jusqu’au Lacné Futbalove Dresy moment où on m’a demandé de venir occuper cette fonction, dans des circonstances sur lesquelles il ne serait pas très élégant d’insister. Alors j’ai accepté. J’étais fermement décidé à faire un mandat et à m’en aller.

Q : Alors pourquoi un second mandat ?

R : Justement, c’est parce qu’on m’a fait comprendre que je devrais rester au motif que j’ai commencé des réformes qu’il fallait consolider. J’ai donc accepté de faire un second mandat.

Q : Y a-t-il une grande différence entre votre fonction actuelle et celle de président ?

R : Même si vous avez l’impression que je suis plus jeune dans cette fonction que lorsque j’étais Président ou Premier ministre du Sénégal, moi je ne vois pas une grande différence. Mais, ce sont des fonctions qui sont différentes. Seulement, lorsque vous avez en charge un pays vous travaillez beaucoup, tout comme je le fais ici. Ceci n’est pas le problème.

La grande différence est que lorsque vous dirigez un pays, il y a une angoisse permanente qui ne vous quitte pas, même lorsque vous dormez. Vous avez toujours l’impression que le ciel peut tomber sur votre tête à tout moment. Ici je ne ressens pas cette angoisse même si les charges sont difficiles et lourdes à porter.

Q : On a eu l’impression à Bucarest, précisément lors de la conférence de presse de clôture, que la francophonie devient bilingue.

R : Disons que c’est une exception. La règle est que le forum est francophone.

Q: Au cours de ce second mandat, peut-on savoir vos priorités ?

R : Ecoutez. Un fonctionnaire international n’a pas de priorité. Ses priorités sont celles que lui fixent les Etats membres. Vous savez que les chefs d’Etat ont adopté un cadre stratégique décennal pour l’OIF depuis le Sommet de Ouagadougou. Nos missions sont définies dans ce cadre stratégique, et moi je l’applique. Disons qu’au sortir du sommet de

Bucarest, je mettrai un accent encore plus important sur les problèmes d’éducation et des nouvelles technologies. Sinon tanie koszulki piłkarskie toutes les missions sont importantes à mes yeux et je ne ferai pas d’impasse.

Q : Face à l’hégémonie de l’anglais, quelle est aujourd’hui la place du français dans le monde ?

R : Les valeurs de la francophonie sont des valeurs de solidarité et de diversité. Nous avons vocation à lutter contre toute hégémonie. Donc, nous ne pouvons pas nous placer en conquérant en essayant de remplacer une hégémonie par une autre hégémonie. Nous essayons de nous placer dans ce créneau de la diversité culturelle et linguistique. Aussi, nous essayons de faire en sorte que toutes ces langues qui font partie du patrimoine de l’humanité puissent vivre ensemble.

La langue française a de beaux jours devant elle. Vous avez vu que nous avons adopté un vade-mecum sur le français dans la vie internationale, nous continuons à former des fonctionnaires, des diplomates, et des experts dans nos pays. Nous avons aussi adopté un plan pour le développement du français en Asie du Sud-est, nous continuons d’avoir un regard sur toutes les autres régions de la francophonie.

Je le dis, et c’est la vérité : le français est très demandé dans le monde. Mon problème, c’est d’avoir les moyens de répondre à cette demande. J’espère que nous aurons les moyens pour cela.

Q : A propos de l’éducation, il existe de sérieux problèmes notamment

Dans les pays du sud. Pensez-vous, en quatre ans, parvenir à des résultats ?

R : Je ne vous garantis pas que nous aurons atteint tous nos objectifs, en tout cas nous allons accomplir des avancées significatives. Avec nos institutions, nous allons mettre en place une sorte d’institution basée sur les nouvelles technologies en vue de la formation des enseignants du primaire, parce que c’est par là qu’on peut atteindre les objectifs du millénaire. Nous allons essayer de développer davantage les campus numériques de l’AUF, développer les équipements numériques, faire en sorte que le fonds francophones des inforoutes adoptent de plus en plus des programmes consacrés à l’éducation et à la formation. En outre, nous comptons créer une synergie plus forte entre l’OIF, l’AUF, TV5, l’AMF.

Dans ce sens, nous allons mettre en place un pôle de collaboration entre les opérateurs de la francophonie et d’autres acteurs. Nous avons espoir aussi que le fonds de solidarité numérique (qui a vu le jour à Genève et qui n’est pas seulement un projet francophone) promis par le Président Wade ira de l’avant et pourra réduire la fracture numérique.

Q : A propos des crises en Afrique, le sommet de Bucarest a longuement discuté de celle de la Côte d’Ivoire. En définitive qu’est-ce qui a été décidé ?

R : Dans notre déclaration, comme vous l’avez constaté nous avons renouvelé notre engagement pour accompagner la transition en Côte d’Ivoire. J’ai un envoyé spécial en Côte d’Ivoire qui fait un travail remarquable, nous participons également au GTI. Dans ce pays, nous avons inscrit nos actions dans celles de la communauté internationale. Nous attendons de bonnes nouvelles de la réunion de la CEDEAO (Ndlr : tenue la semaine dernière à Abuja), qui sera suivie de celle du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, ensuite de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU.

La francophonie est déjà prête à jouer son rôle d’expertise pour renforcer les capacités à tous les niveaux en Côte d’Ivoire.

Q : Le continent africain traverse une crise à tous les niveaux. En temps qu’ancien président, avez-vous une explication à cette situation ?

R : A mon avis, dans beaucoup de domaines, l’Afrique a quand même fait des progrès, notamment en matière de démocratisation, d’Etat de droit.

Je pense que c’est surtout sur le plan économique auquel vous faites allusion. Personnellement, j’ai eu une grande frustration.

L’Afrique comme le savez a subi l’esclavage, la colonisation. A mon avis, ce qui a achevé de nous affaiblir, c’est la balkanisation. Le problème, ce sont les conditions dans lesquelles nous avons accédé à l’indépendance.

Cette balkanisation a été désastreuse à tous points de vue. Quand j’étais élève à l’école primaire à Saint-Louis et que nous recevions le Président Vincent Auriol, un ministre ou un gouverneur français, nous avions l’habitude de brandir des drapeaux français en scandant "France… AOF".

J’ai donc grandi avec à l’esprit que nos Etats accéderons à l’indépendance dans le cadre d’ensembles qui existaient déjà sur le continent. Pour mieux gouverner nos pays, le colonisateur avait jugé utile de les fédérer.

Mais voilà qu’on nous donne l’indépendance dans le cadre de nos petits territoires pauvres. Et chacun s’est replié sur sa petite souveraineté.

Chacun a essayé de faire une politique d’industrialisation sans une Vision globale.

On a ensuite tenté d’aller vers l’intégration d’une manière vraiment lente. Et personne n’a voulu faire d’abandon de souveraineté. En tant que Président du Sénégal, je suis allé le plus loin possible. Je disais que j’étais prêt à toute sorte d’abandon pour que nous puissions aller vers l’intégration et la création de grands ensembles, de grands marchés et un cadre incitatif. Mais nous avons pêché pour la réalisation de ces ensembles. Voilà à mon avis, entre autres explications à la situation actuelle du continent.

Voilà qu’après 46 ans d’indépendance, nous courons après une hypothétique intégration de nos économies à laquelle nous n’y arriverons jamais.

Nous avons malheureusement échoué. J’en ai pleuré, quand j’ai compris comment les choses se dessinaient. Je crois qu’on a plutôt joué sur des égoïsmes nationaux au lieu de voir large.

Q : La Déclaration de Bamako interdit les putschs. Cependant sur le continent des coups d’Etat ont eu lieu. Les auteurs se sont légitimés ensuite par des élections. N’est-ce pas là trop facile ?

R : L’OIF reste fidèle à la Déclaration de Bamako. Nous n’acceptons pas la prise du pouvoir par la force. En même temps, nous essayons de penser aux peuples. Chaque fois qu’un coup d’Etat se produit nous condamnons, nous sanctionnons et accompagnons pour le retour à une vie constitutionnelle normale. Et nous faisons pression pour que ceux qui ont pris le pouvoir par les armes ne puissent pas se présenter aux élections. Vous avez vu qu’en Mauritanie nous avons pris des décisions très claires dans ce sens. Au-delà, à propos des coups d’Etat, nous avons toujours eu une attitude constante.

Q : Et en RDC ?

R : Nous sommes effectivement présents en RDC. Nous avons organisé à

Kinshasa l’un des plus grands séminaires de la francophonie pour réfléchir sur les problèmes politiques. Ensuite nous avons formé des acteurs sur les contentieux électoraux, parce qu’en Afrique la plupart des conflits sont liés aux contentieux électoraux.

Nous avons également envoyé une mission d’observation [Ndrl : qui était dirigée par Tiébilé Dramé], lors des élections. Cette mission a fait un travail remarquable. Et nous nous apprêtons à envoyer une autre mission pour le second tour du scrutin.

Propos recueillis par C.H Sylla

Abdou Diouf : une riche carrière

Né le 7 septembre 1935 à Louga, Abdou Diouf a fait ses études primaires et secondaires à Saint-Louis (Sénégal). Il débute des études de droit à la

Faculté de Dakar et les poursuit à Paris, précisément à l’Ecole

Nationale de la France Outre-mer (Enfom).

A 25 ans, il a entamé une longue et riche carrière de haut fonctionnaire en assumant successivement les postes de Directeur de la Coopération technique internationale du Sénégal, secrétaire général du ministère de la Défense et gouverneur de la région du Sine Saloum. Directeur de cabinet du Président Léopold Sédar Senghor en 1963, il est nommé en 1964 secrétaire général de la présidence de la République.

Ensuite, il devient ministre du Plan et de l’Industrie de 1968 à 1970 avant d’occuper la fonction de Premier ministre du Sénégal.

Abdou Diouf devient président de la République le 1er janvier 1981 Suite au départ de Senghor. Il est reconduit dans ses fonctions lors des élections de 1983, 1988 et 1993. Il quitte ses fonctions suite aux élections remportées en mars 2000 par Abdoulaye Wade.

Le 20 octobre 2002, Abdou Diouf est élu secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Il succédait ainsi à l’Egyptien Boutros Ghaly.

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