Après les sanctions prononcées dimanche par la Cédéao, les militaires maliens au pouvoir répliquent… « La junte au pouvoir au Mali n’entend pas se laisser dicter la conduite à tenir par la CEDEAO ou par une quelconque puissance étrangère, relève Maliweb. Affirmant avoir appris ‘avec stupéfaction’ les sanctions, le Colonel Assimi Goïta et ses hommes condamnent ‘énergiquement ces sanctions illégales et illégitimes’. En tout état de cause, la junte a décidé d’appliquer la loi du talion face à ce qu’elle considère comme une décision sans fondement communautaire. ‘Sur la base de la réciprocité, le Mali a décidé de rappeler ses ambassadeurs dans les pays de la CEDEAO et de la fermeture de ses frontières’. Bamako pourrait même aller plus loin en quittant carrément l’organisation ouest-africaine et l’union monétaire. »
Ouvert au dialogue ?
Hier soir, le colonel Assimi Goïta s’est exprimé à la télévision, rapporte notamment le site Sahel Tribune . « Le président de la transition a condamné le ‘caractère illégitime, illégal et inhumain’ des sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA, qu’il exhorte à un examen minutieux de la situation malienne. (…) Malgré tout, a rassuré le colonel Goïta, ‘le Mali reste ouvert au dialogue avec la CEDEAO pour trouver un consensus entre les intérêts supérieurs du peuple malien et le respect des principes de l’organisation’. Car, a-t-il précisé, ‘l’engagement des autorités de la transition pour un retour à un ordre constitutionnel sécurisé et apaisé n’a jamais failli’. »
La main de la France ?
Reste que le ton monte dans la presse malienne… Certains médias locaux emboîtent le pas des militaires et évoquent la main de puissances extra-régionales derrière les sanctions de la Cédéao. Et en particulier celle de la France.
Ainsi, écrit Malijet, « la France de Macron, horripilée par le braconnage audacieux de Poutine au Sahel, désarçonnée par l’exil ou l’emprisonnement de ses amis (Boubèye Maïga, Boubou Cissé et autre Tiéman Hubert Coulibaly), ébranlée par le sentiment anti-français et, in fine, coincée par une sensible période électorale dans l’Hexagone, la France de Macron (discrète et active à Accra) a mobilisé ses mousquetaires qui, dans ce dossier, font figure de moutons de Panurge et… de Paris. »
Maïga plus utile au front ?
Halte au feu, halte à la paranoïa, lance L’Observateur Paalga à Ouagadougou qui ne mâche pas ses mots à l’encontre du colonel Assimi Goïta : « plutôt que de croire qu’il s’agit d’un acharnement international avec les dirigeants ouest-africains dans le rôle de valets locaux, celui qui est perché sur la Colline du pouvoir de Koulouba ferait œuvre patriotique en proposant un calendrier raisonnable afin d’alléger les souffrances de son peuple qui se profilent à l’horizon.
Car, poursuit L’Observateur Paalga, ce n’est ni lui ni sa chouette dévote, le Premier ministre Choguel Maïga, ni les autres pontes du régime qui vont manger de la vache enragée mais c’est bien ‘le grand et souverain peuple malien’ qu’il prétend conduire sur une quelconque terre promise. (…) L’urgence ici devrait être d’aplanir les sentiers qui mènent aux votes, par exemple la relecture du Code électoral, la révision du fichier électoral, la mise en place de la structure en charge de l’organisation des scrutins. Et il n’y a rien dans tout ça qui ne puisse pas être fait en douze mois. Afin de libérer le vaillant colonel pour qu’il rejoigne fissa le front où il sera plus utile à ses compatriotes que sous les dorures de Koulouba. »
Examen de conscience pour la Cédéao ?
La presse burkinabé n’épargne pas non plus la Cédéao… « Au-delà des pronunciamientos des hommes en kaki, la CEDEAO doit avoir le courage de s’attaquer désormais aux coups d’Etat constitutionnels, affirme ainsi Le Pays. Cela, dans l’intérêt même de la gouvernance et du respect des règles d’éthique de la démocratie. C’est en cela qu’elle pourrait rebâtir sa crédibilité et redorer son blason aux yeux des populations. D’autant que, de la Guinée à la Côte d’Ivoire en passant par le Burkina Faso, le Togo et la Gambie, tout le monde est témoin des dégâts causés par la maladie du troisième mandat qui s’est parfois révélé beaucoup plus sanglant que certains coups d’Etat militaires, en plus de la fracture sociale et de la forte détérioration du climat sociopolitique que cela a engendré. C’est dire, conclut Le Pays, qu’en sévissant aussi durement contre les militaires maliens, c’est à une thérapie pleine et entière que doit s’engager désormais la CEDEAO dans sa croisade contre les changements anticonstitutionnels. C’est à ce prix qu’elle pourrait se mettre véritablement au service des peuples et c’est aussi à ce prix qu’elle pourra avoir leur sympathie. »