60 ans après son éclatement, la Fédération du Mali continue à faire jaser et à alimenter les fantasmes. Toute la vérité a-t-elle été dite à propos? Un fragment de vérité veut qu’après un refus absolu d’accepter la sécession du Sénégal comme un fait accompli, le Président Modibo KEITA expliquera par la suite que la scission du Mali était une conséquence du divorce profond qui existe entre le Sénégal et le Soudan sur les plans économique, politique et social. Le Jeudi 22 septembre 1960, le congrès extraordinaire de l’Union soudanaise a proclamé jeudi que la République soudanaise s’appelait désormais « République du Mali «. Le 26 septembre 1960, prenant acte que la République soudanaise avait pris le nom de République du Mali, le gouvernement français a décidé de reconnaître cette République comme État indépendant et souverain. Le 28 septembre 1960, le Conseil de sécurité se réunit dans l’après-midi à 15 h. 30 (heure française) pour examiner les demandes d’admission à l’O.N.U. de la République du Mali et de la République du Sénégal. Le 28 septembre 1960, c’est par acclamation que l’Assemblée générale a adopté mercredi après-midi 28 septembre 1960 les résolutions franco-tunisienne et franco-tuniso-sénégalaise en faveur de l’admission du Sénégal et du Mali. Telle est la vérité sur le 22 Septembre telle qu’elle nous a été rapportée. Retour sur l’histoire.
26 septembre 1960
Prenant acte que la République soudanaise avait pris le nom de République du Mali, le gouvernement français a décidé de reconnaître cette République comme État indépendant et souverain.
26 août 1960
A propos de la déclaration du président Modibo KEITA, selon laquelle la sortie d’un territoire de la Fédération du Mali est constitutionnellement impossible, Abdoulaye MAIGA, haut représentant du Mali à Paris, a tenu à faire la mise au point suivante : «Les journaux, a-t-il dit en substance, ont pris comme référence dans leurs commentaires un texte de Constitution qui n’est plus en vigueur. Ce texte, adopté au début de l’année 1959 et qui créait la Fédération du Mali au sein de la Communauté, contenait bien des dispositions prévoyant la sortie d’un État membre, à condition qu’elle soit décidée par un vote de l’Assemblée législative confirmé par un référendum’’.
«Or il existe un second texte de Constitution du Mali en tant qu’État indépendant, voté en juin dernier par l’Assemblée fédérale, et qui est seul valable. Les dispositions de l’ancien texte relatives à la sortie d’un territoire de la Fédération en ont disparu sur la proposition même de Léopold Sédar Senghor «, a précisé M. MAIGA.
Selon le haut représentant du Mali à Paris, toute modification de la forme de la Fédération est de la compétence de l’Assemblée fédérale.
Le chef du gouvernement soudanais, qui s’est confirmé comme un excellent débateur dans ses réponses aux journalistes qui le harcelaient, a montré, malgré une ironie souriante, qu’il restait irréductible sur les positions arrêtées avec ses amis du bureau politique de l’Union soudanaise, qui étaient à ses côtés lorsqu’il prit la parole dans la grande salle du conseil des ministres de Bamako : refus absolu d’accepter la sécession du Sénégal comme un fait accompli, volonté de recourir à tous les moyens quels qu’ils soient pour préserver l’unité du Mali, détermination de régler au Soudan même les problèmes intérieurs urgents avant de répondre positivement à l’offre du général de Gaulle de venir à Paris.
Les dirigeants soudanais ne paraissent même pas exclure le recours à la force pour empêcher la sécession du Sénégal. Interrogé sur la conséquence d’une reconnaissance éventuelle de l’indépendance du Sénégal, le Président Modibo KEITA a répondu: «nous adopterions une attitude analogue à celle des puissances occidentales à l’égard de la Chine communiste. «
25 août 1960
Pas de crise du ravitaillement à Bamako.
Les autorités sont particulièrement irritées par les rumeurs qui courent sur un manque de vivres. En fait, seules les denrées d’importation ont été stockées par une fraction de la population européenne redoutant que la fermeture éventuelle de la frontière entre le Sénégal et le Soudan n’entraîne une raréfaction du sucre et de la farine, des conserves ou des pommes de terre. Mais, contrairement au Sénégal qu’il alimente traditionnellement en produits agricoles, le Soudan peut vivre en autarcie alimentaire. Le tonnage de denrées vivrières qu’il produit annuellement est en effet vingt fois plus élevé que celui du Sénégal pour une population deux fois plus nombreuse. Le déséquilibre entre les cultures d’exportation et les cultures vivrières n’existe pas au Soudan, ce qui constituait d’ailleurs un des éléments de la «complémentarité « économique entre les deux États fédérés.
25 août 1960
Le Président Modibo KEITA, chef du gouvernement soudanais, a tenu jeudi, à Bamako, une conférence de presse, dont on attendait qu’elle clarifie l’attitude du principal protagoniste de la crise du Mali.
Le président Modibo Keita a confirmé sa demande d’intervention des Nations unies – démarche entourée de quelque mystère et dont on déclare n’avoir pas connaissance à l’O.N.U., – renouvelé ses attaques contre certains militaires et gendarmes français et rejeté sur les dirigeants sénégalais toutes les responsabilités de la crise. Il n’a par contre apporté que deux éléments neufs à une attitude déjà fermement prise. C’est d’abord l’indication qu’il ira à Paris «quand l’émotion se sera apaisée au Soudan «. C’est ensuite l’affirmation selon laquelle son pays ne veut plus être un simple «marché» du Sénégal et qu’il cherchera d’autres débouchés. Le président Modibo acte-t-il lui aussi la rupture ?
En tout réalisme, le président Modibo Keita semble sinon prendre son parti de la rupture du moins tirer les premières conséquences et amorcer une «reconversion» du Mali, dont «Bamako est maintenant la capitale», a-t-il souligné.
25 août 1960
Le président Modibo KEITA a tenu jeudi 25 août 1960, en tant que chef du gouvernement fédéral du Mali et président du conseil soudanais, une conférence de presse au cours de laquelle il a notamment souligné que la scission du Mali était une conséquence du divorce profond qui existe entre le Sénégal et le Soudan sur les plans économique, politique et social. Il a notamment reproché à Senghor et à ses amis de ne pas vouloir réformer les structures dans le sens d’un véritable socialisme africain, d’» africaniser « les Blancs alors que le Sénégal a des cadres nantis de toutes les références, cadres qui demeurent inemployés ou sous-employés, et de ne pas chercher de débouchés aux produits maliens en dehors de la zone franc afin de rechercher des devises.
Abordant les problèmes économiques, il a affirmé que dans les semaines à venir la preuve serait faite que la pauvreté du Soudan n’est qu’un mythe. « Jusqu’à ce jour, le Soudan était un marché et le Sénégal un relais. Maintenant nous nous refusons à être seulement un marché et nous chercherons ailleurs un autre relais.»
24 août 1960
Le Sénégal avait proposé dans les dernières heures de la crise la reprise des échanges commerciaux avec le Soudan. Lors de sa conférence de presse du jeudi 25 août 1960, le président Modibo Keïta révèlera que le directeur adjoint du chemin de fer Dakar-Niger était arrivé mercredi 24 août 1960 à Bamako pour étudier le rétablissement de la liaison ferroviaire entre le Sénégal et le Soudan. Le président Modibo Keita a également indiqué qu’il n’envisageait pas la création d’une zone monétaire, «sauf, dit-il, si les événements m’y contraignent «.
25 août 1960
Message aux Nations unies
A propos de l’envol de « Casques bleus « au Mali, le Président Modibo KEITA a souligné lors de sa conférence de presse que : « Il n’y a rien que nous ne puissions envisager pour maintenir l’intégrité territoriale du Mali. « Le leader soudanais a révélé que le message qu’il avait adressé à Dag Hammarskjœld, secrétaire général de l’ONU, avait été transmis par son émetteur personnel, installé chez lui à Dakar, alors qu’il était en résidence surveillée. Ce message avait été répercuté à New-York par Bamako. Il a ajouté qu’il n’avait pas reçu de réponse de l’O.N.U. au sujet de sa demande d’assistance.
Concernant son départ éventuel pour Paris, le président Modibo Keita a affirmé qu’en arrivant à Bamako dans la nuit de lundi 22 août à mardi 23 août 1960 son vœu était de répondre dans les meilleurs délais à l’invitation que lui avait adressée, à Dakar, le général de Gaulle. «Mais, a-t-il dit, la situation intérieure au Soudan exige encore ma présence, d’où le retard apporté à ce projet ».
25 août 1960
A propos de la situation intérieure soudanaise, le président Modibo Keita déclaré : «elle est provoquée par scission du Mali et par l’action d’activistes de l’armée française. J’ai été désagréablement surpris d’apprendre, à mon arrivée, que les gendarmes maliens avaient été désarmés, que le stock de munitions mis à leur disposition avait été déménagé, et que tous les soldats maliens avaient été relevés et remplacés par des militaires français. D’autre part des avions ont survolé en rase-mottes certains villages de la brousse, provoquant une vive émotion dans la population. «
25 août 1960
Le Président Modibo KEITA a déclaré lors de sa conférence de presse que son gouvernement romprait les relations diplomatiques avec tout gouvernement qui reconnaîtrait l’État du Sénégal.
A la question de savoir s’il avait – le 19 août au soir – souligné au haut représentant de la France à Dakar que, aux termes des accords franco-maliens, il avait le droit de réclamer l’intervention des forces de la Communauté, et quelle avait été la réponse du haut représentant, la président du conseil soudanais a déclaré : «Il est resté muet. «
Le président Modibo Keita a conclu : « Le Mali est juridiquement indissoluble. Nous considérons comme éphémère une initiative de quelques dirigeants sénégalais qui ont trahi le serment du 17 janvier 1959. Ce serment, qui est celui des Maliens du Soudan et du Sénégal, le voici : «Pour la Fédération du Mali, pour» l’unité africaine, si je dois accepter l’ultime sacrifice je n’hésiterai pas, je ne reculerai pas, je le « jure. «
25 août 1960
Ahmadou Ahidjo, président de la République du Cameroun, est arrivé jeudi 25 août 1960 à Abidjan, venant de Bamako, afin de s’entretenir avec Houphouët-Boigny de la crise du Mali. Le chef de l’État camerounais devait repartir vendredi pour Yaoundé.
26 août 1960
Selon le secrétariat de Dag Hammarskjœld une communication du président Modibo Keita, président de la Fédération du Mali, a été reçue vendredi matin. On indique toutefois qu’un pays qui n’est pas membre de l’O.N.U. ne peut demander la convocation du Conseil de sécurité que s’il s’agit d’une affaire internationale et s’il accepte par avance les obligations de règlement pacifique prévues par la charte de l’O.N.U. Le secrétaire général n’a donc pas demandé la réunion du Conseil, mais s’est contenté de communiquer « pour information « aux membres du Conseil de sécurité la note du président Modibo Keita.
Voici le texte des télégrammes échangés, ainsi que ceux envoyés par Mamadou Dia.
- MAMADOU DIA (le 20 août) : le Sénégal demande son admission à l’O.N.U.
«Honneur vous informer qu’à l’instigation du président du gouvernement fédéral du Mali et de certains ministres fédéraux véritable complot a été ourdi contre ! Sécurité intérieure de l’État du Sénégal. En conséquence l’Assemblée législative du Sénégal sur initiative gouvernement a voté ce i jour 20 août 1960 loi abrogeant transfert de compétences à Fédération du Mali, déclarant République du Sénégal se retirer de la Fédération du Mali et proclamant indépendance de la République du Sénégal. République du Sénégal demande son admission à l’O.N.U. Vous prie agréer assurance de ma ! Très haute considération.»
- HAMACIRE DOUR (le 20 août) : transmet le premier message de Keita.
Le président du conseil par intérim du Soudan transmettait, le 20 août également, l’appel du président Keita, dont Radio-Moscou avait seul fait état ;
« Honneur vous transmettre citation messages reçus Président Modibo KEITA Dakar. Gouvernement Fédération Mali a décidé état urgence pour faire face à coup de force du gouvernement sénégalais compromettant gravement ordre public et paix du monde. Gouvernement Mali en application accord défense entre République! Française et Fédération du Mali a demandé représentant gouvernement français mettre sa disposition troupes françaises stationnées Dakar pour assurer maintien ordre public et permettre fonctionnement régulier institutions. Mais pas reçu gouvernement français suite favorable. Demande réunion immédiate Conseil de sécurité et assistance immédiate Organisation Nations unies. Colonel SOUMARE, chef état-major général armée Mali, arrêté et séquestré par gouvernement Sénégal. Haute considération. Le Président Modibo KEITA, président gouvernement fédéral Mali, Dakar.
«Ce télégramme arrive Soudan parce que n’a pu vous être transmis de Dakar par suite investissement tous bureaux transmission. «
- MAMADOU DIA (le 23 août) : réitère demande admission du Sénégal à l’O.N.U.
«J’ai l’honneur de vous confirmer par le présent mon télégramme du 20 août et de préciser que, la République du Sénégal ayant accédé le 20 août 1960 à la pleine indépendance et désireuse d’assumer intégralement les nouvelles responsabilités qui lui incombent sur le plan international et d’apporter sa coopération aux activités de la communauté des Nations unies, le gouvernement du Sénégal a donc décidé de solliciter sans tarder l’admission de la République comme membre des Nations unies. Aussi ai-je l’honneur de vous réitérer ici la prière faite au nom de mon gouvernement de bien vouloir, conformément à l’article 4 de la charte, soumettre la candidature de la République du Sénégal aux délibérations du Conseil de sécurité en vue d’obtenir la recommandation nécessaire à son inscription à l’ordre du jour de la prochaine Assemblée générale. Le gouvernement de la République du Sénégal déclare par la présente lettre accepter les obligations que comporte la charte des Nations unies et être en mesure de les remplir. Il s’engage solennellement a s’y conformer en toute loyauté et conscience. «
- «H» A MODIBO KEITA (le 25 août) : nous savons que vous examinez la proposition de pourparlers du président de la République française.
«J’ai l’honneur d’accuser réception du message signé par Harnache Dour en date 20 août que Dour indique comme étant envoyé par vous de Dakar. A titre officieux j’ai informé membres du Conseil de sécurité du fait que ce message a été reçu : avant de les informer de la réception du message, nous avons reçu des renseignements sur l’initiative de pourparlers proposés par le président de la République française, ainsi que votre réponse à cette initiative, indiquant que vous êtes en train de l’examiner. Très haute considération. «
- MODIBO KEITA : renouvelle demande de convocation du Conseil de sécurité (message parvenu le 26 août à l’O.N.U.)
« Honneur vous donner relation des événements survenus Dakar nuit 19 au 20 août. Pour permettre fonctionnement des institutions fédérales menacées investissement par gouvernement sénégalais, gouvernement Mali a décrété état urgence et ordonné colonel SOUMARE protéger chef état-major général armée malienne, immeubles, installations et ministres fédéraux, à exclusion ceux du Sénégal. Colonel SOUMARE mettait en place dispositifs arrêtés, lorsque fut invité avec instance par colonel français Pierre à venir extrême urgence siège gendarmerie. Colonel SOUMARE répondant appel, son collaborateur fut mis en état d’arrestation. Colonels Pierre et FALL tous deux de l’armée malienne, relevèrent soldats maliens et les remplacèrent par gendarmes du gouvernement du Mali et gardes républicains du gouvernement du Sénégal, consignant ainsi chez eux ministres fédéraux soudanais, Boubacar GEYE, ministre fédéral sénégalais, et tous dirigeants soudanais présents Dakar.
«Demande assistance militaire française formulée en application accords militaires franco-maliens reçut aucune suite. Renouvelle ma demande réunion immédiate du Conseil de sécurité et d’assistance militaire Organisation Nations unies. Vous informe que gendarmerie fait partie intégrante armée du Mali et ne dépend nullement des Etats fédéraux. D’autre part capitale Fédération Mali provisoirement fixée Bamako. Haute considération. Le président Modibo Keita, président gouvernement fédéral Mali et gouvernement République soudanaise. «
- MAMADOU DIA le 26 août) : voici la description réelle des événements.
«Faisant référence à mes télégrammes des 20 et 23 août, j’estime utile, en face des relations inexactes des événements que présentent certaines personnes et le président Modibo Keita lui-même, de vous donner ici des précisions sur le déroulement des faits du 18 au 20 août :
« 1°) 18 août : appel aux troupes stationnées en points éloignés de l’intérieur fut fait par le colonel SOUMARE irrégulièrement, à l’insu du ministre de la défense responsable ;
« 2°) 19 août : à 21 h. 30, destitution du ministre fédéral de la défense et de la sécurité par le président Modibo Keita en conseil des ministres restreint, contrairement aux dispositions de la Constitution fédérale, art. 12, quatrième alinéa ;
« 3°) 19 août, même heure, ordre de réquisition générale émis par le président Modibo Keita. Cet acte était illégal parce que contraire à la Constitution fédérale, qui prévoyait que seule la sécurité extérieure était de la compétence de la Fédération ;
« 4°) Déclaration d’état d’urgence et investissement d’immeubles en territoire sénégalais effectué par l’armée malienne sur ordre du président Modibo Keita, avec déploiement d’armes automatiques.
« Cet acte, décidé sans que l’ordre ait été troublé, créa situation de violence qui justifia les plus graves inquiétudes et la réaction du gouvernement du Sénégal A la suite de ces irrégularités et mesures de force, le gouvernement sénégalais a très régulièrement requis la gendarmerie qui était à sa disposition de maintenir l’ordre. Il a arrêté le colonel SOUMARE pour faire échec au coup d’État préparé par le Président Modibo KEITA. Il a réuni l’Assemblée législative de la République qui, à l’unanimité, a décidé le retrait de la Fédération et proclamé l’indépendance du Sénégal, Ces actes, qui étaient de sa compétence, furent librement et, je le répète, unanimement décidés par l’Assemblée et approuvés par le peuple. Depuis ces événements Tordre règne parfaitement sur toute l’étendue du territoire de la République. Les populations sont calmes i et rassurées. Le gouvernement du Sénégal a assuré dans les conditions de sécurité les plus parfaites le retour de Modibo KEITA et des ex-ministres soudanais à Bamako. Cette situation est aisément vérifiable, et mon gouvernement accueillerait volontiers des envoyés de l’O.N.U. qui voudraient s’en assurer de visu. Elle rend ridicules les bruits d’une demande quelconque d’intervention. Au reste, Fédération ayant cessé d’exister du fait du retrait du Sénégal, elle ne saurait accomplir un acte international valable. Je réitère les assurances données par mon gouvernement quant à sa volonté et sa capacité d’assumer toutes les obligations intérieures et internationales d’un État policé prêt à entrer dans le concert des nations. Haute considération. «
29 août 1960
Une nouvelle phase de la crise du Mali s’est ouverte lundi 29 août 1960 avec l’arrivée simultanée à Bamako et à Dakar de deux délégations guinéennes : au Soudan ce sont Keita Fodeba, considéré comme le chef de l’aile gauche du bureau politique du parti démocratique guinéen, et Conte Seydou, ambassadeur de ce pays à Moscou, qui viennent s’entretenir avec le président Modibo Keita ; au Sénégal c’est Camara Damantang, personnalité de tendance plus modérée, qui est l’hôte de Mamadou DIA.
On a relevé que dans sa déclaration de lundi devant l’Assemblée de Bamako, le Président Modibo KEITA – qui semble prendre progressivement son parti d’une rupture durable avec Dakar – a déclaré que dorénavant deux débouchés s’offraient au Soudan, «les ports de Conakry et d’Abidjan «.
Comme Sékou TOURE, entre Dakar et Bamako on voit le président Modibo Keita vouloir tenir la balance égale entre ses deux possibles associés : Côte-d’Ivoire et Guinée. Une mission de la chambre de commerce de Bamako part en tout cas pour Abidjan.
29 août 1960
L’assemblée malienne réunie lundi à Bamako a adopté une résolution spécifiant notamment que les représentants de la Fédération « regrettent vivement :
1°) que le haut représentant de la France au Mali n’ait pu respecter les clauses des accords de coopération en ce qui concerne la défense intérieure du Mali ;
2°) les termes du télégramme du président de Gaulle au président du gouvernement du Mali, laissant croire à l’éclatement du Mali alors que la sécession n’est constitutionnellement pas possible ;
3°) certaines manifestations inamicales des troupes françaises stationnées sur le territoire de la République soudanaise, au lendemain des événements des 19 et 20 août «.
Le Président Modibo KEITA a lu pour sa part une communication dans laquelle il a demandé aux Maliens du Soudan « de se considérer comme mobilisables à tout moment « et a réaffirmé que la République soudanaise ne serait pas le prolongement du marché du Sénégal et qu’elle cherche ailleurs des voies d’accès à la mer. « Les ports de Conakry et d’Abidjan sont tout indiquées «, a-t-il dit. vivement applaudi par l’assemblée.
Soudan-Sénégal : le désavantage des chiffres
Le Soudan, situé à l’intérieur des terres, est moins accessible. Bamako, sa capitale, située à plus de 1 000 kilomètres de la mer, n’est reliée directement par voie ferrée qu’aux seuls ports sénégalais. Les expéditions vers la Guinée se font par le Niger jusqu’à la gare de Kankan, terminus d’un chemin de fer allant vers Conakry. Les exportations sur la Côte-d’Ivoire sont dirigées par la route jusqu’à la gare de Bobo-Dioulasso, en Haute-Volta.
Le Soudan, six fois plus étendu que le Sénégal, a une population plus nombreuse – la différence est de 40 % – mais ne compte que trois habitants au kilomètre carré au lieu de 12.
Le total des comptes courants existant dans les banques à la fin de 1959 s’élevait à 6 milliards 325 millions de francs C.F.A. au Sénégal et à 765 millions au Soudan ; celui des comptes de dépôts à 2 982 millions au Sénégal et à 451 millions au Soudan. L’écart était moins considérable pour les comptes de chèques postaux, dont le total s’élevait à 4 milliards 633 millions au Sénégal et à 3 281 millions de francs C.F.A. au Soudan.
Le Soudan a pourtant, avec l’élevage, une ressource importante. Le cheptel est évalué à 2 900 000 bovins, à 6 900 000 ovins ou caprins, et le chiffre des abattages contrôlés, qui peuvent n’être pas les seuls, paraissent montrer que ces évaluations ne sont pas exagérées. Il existe aussi des cultures vivrières, riz, mil et sorgho. Mais la culture des arachides, qui fournit la principale monnaie d’échange des deux pays, est moins développée au Soudan qu’au Sénégal. La différence est grande : la récolte commercialisée d’arachides pendant la campagne 1958-1959 a été évaluée par l’Institut national de la statistique à 675 123 tonnes pour le Sénégal et à 85 897 tonnes pour le Soudan, soit une proportion de 8 à 1.
Subventions indirectes de la France
On a une idée de l’importance pratique de cette inégalité si l’on sait le rôle joué par les arachides dans les exportations des trois pays contigus : Sénégal, Soudan et Mauritanie. Dans le total de ces exportations, qui en 1958 ont atteint 28 778 millions de francs C.F.A., les produits de l’arachide – arachides décortiquées, huiles et tourteaux – ont été compris pour 25 682 millions de francs C.F.A.
Cette production est vendue, grâce aux avantages consentis par la France, à des prix qui dépassent le plus souvent les prix dits « mondiaux «, et en particulier ceux qui sont offerts aux territoires de l’ancienne Afrique britannique ; les mesures de soutien sont particulièrement nécessaires dans l’éventualité de récoltes pléthoriques. Actuellement, bien que l’écart entre les prix britanniques et les prix français ait été réduit à 15 % environ, on peut calculer que les mesures prises en faveur des producteurs d’arachides correspondent, pour le Sénégal, la Mauritanie et le Niger, à un supplément de recettes de 7 milliards et demi environ d’anciens francs,
D’autres subventions indirectes ont été consenties aux entreprises industrielles établies au Sénégal, et le jeu d’une caisse de péréquation est nécessaire pour permettre au Soudan de vendre sa production de riz aux consommateurs sénégalais à un prix égal au prix du riz d’Indochine.
Ces avantages sont, pour les territoires de la côte occidentale d’Afrique comme pour ceux de l’intérieur, une condition de progrès. Ils ont contribué à un retour de prospérité observé après la petite crise, provenant de l’accumulation de stocks excédentaires, qui a obligé un certain nombre de sociétés, en 1956 et en 1957, à réduire ou à suspendre leurs répartitions. En 1958 et en 1959 la situation s’est redressée, des incorporations de réserves ont été décidées, les dividendes se sont faits plus larges, et cette amélioration, en même temps qu’une optique boursière optimiste, a contribué à un certain redressement des cours. Puis l’évolution de la situation politique a entraîné, depuis le début de 1960, un nouveau fléchissement. Le tableau que l’on trouvera ci-dessous montre que la plupart des valeurs africaines – nous donnons sur chacune, dans une notice, les renseignements essentiels – ont un rendement net particulièrement élevé.
27 août 1960
Évoquant l’éclatement du Mali et les événements d’Afrique. Marius Moutet, sénateur S.F.I.O. de la Drôme, ancien ministre de la France d’outre-mer et ancien sénateur du Soudan, dans une interview au Dauphiné libéré, a notamment déclaré :
« Je vois mal comment, même avec sa haute autorité, le général de Gaulle pourra rétablir un accord solide et durable dans une situation que tant de raisons profondes ou personnelles entraînent vers une scission qui ajoutera aux troubles profonds de l’Afrique, et la fera participer au conflit général Est-Ouest. «
29 août 1960
L’Union soudanaise et le Parlement de Bamako se concertent sur l’éventualité du voyage à Paris du président Modibo Keita. Une véritable mobilisation des masses est en cours au Sénégal.
Tandis que les polémiques se poursuivent entre Dakar et Bamako sur les responsabilités de la rupture et sur le rôle qu’auraient joué les militaires et gendarmes français dans les événements, les deux groupes s’affairent à consolider leur situation. A Bamako deux réunions politiques se déroulent lundi 29 août 1960 : la conférence générale des cadres du parti unique, l’Union soudanaise, et une session de l’Assemblée législative du Soudan. Ce n’est qu’à la suite de ces deux réunions que le président Modibo Keita pourrait décider son départ pour Paris.
28 août 1960
Le président Modibo Keita, président du conseil soudanais, a lancé dimanche soir, 28 août 1960, aux Français et aux « non-Maliens « habitant le Soudan, un appel dans lequel il spécifie notamment :
« Les événements dramatiques de Dakar ont pu vous émouvoir au point de craindre, pour vos personnes et vos biens, des représailles de la population soudanaise. Mais cette émotion, si légitime soit-elle, ne saurait justifier les propos haineux et les actes provocateurs de certains Français de Bamako. En aucun moment, dans les heures les plus graves de la vie politique de notre territoire et de la tension avec les représentants du gouvernement français, le peuple soudanais n’a perdu son calme et sa sérénité, et les règles traditionnelles de l’hospitalité n’ont pas été violées.
Une telle attitude de la part d’un peuple qui a su refouler sa rancœur et son indignation pour montrer un visage digne et serein mérite le respect. C’est la règle d’or des peuples forts, des peuples éduqués, des peuples civilisés. «
Rappelant sa déclaration faite lors de la proclamation de l’indépendance du Mali le 20 juin dernier, le président Modibo Keita dira :» Eh bien !, a conclu le président soudanais, nous entendons rester fidèles à cette ligne de conduite Français et non-Maliens, montrez-vous dignes de cette fraternelle et généreuse hospitalité. Ce sera à l’actif du prestige de votre pays. Merci. «
30 août 1960
L’organe de – l’Union nationale des forces populaires Ar Rai Al Am commente « l’éclatement de l’Union du Mali « : « le président Modibo Keita, écrit-il, a proclamé son appui à la lutte du peuple algérien. On peut dire que le jour n’est pas loin où il reconnaîtra le gouvernement de Ferhat Abbas. « La chose pourrait même évoluer vers un accord entre l’Algérie et le Soudan pour exploiter en commun les richesses du Sahara. C’est ce qui entraînerait un changement radical dans la position de Bamako à l’égard de l’organisation mixte des régions sahariennes. «
1er septembre 1960
Deux membres du gouvernement Soudanais, Ahmadou Aw, ministre fédéral des travaux publics et télécommunications, et le docteur Seydou Badjan KOUYATE, ministre de l’économie rurale, sont arrivés mercredi matin à Paris, porteurs d’un message du président Modibo Keita au général de Gaulle, qui devait être remis à l’Élysée au cours de l’après-midi par MAIGA, haut représentant du Mali en France.
Les deux collaborateurs du leader soudanais ont fait savoir d’autre part que Keita se proposait de se rendre vendredi 2 septembre 1960 à l’invitation du président de la Communauté.
Le Président Modibo KEITA sera reçu vendredi après-midi par le général de Gaulle Les deux membres du gouvernement de Bamako arrivés mercredi à Paris, le docteur KOUYATE et Ahmariou AW, se rendront ensuite aux Nations unies pour y exposer le point de vue des milieux dirigeants soudanais sur la crise du Mali.
2 septembre 1960
Le Président Modibo KEITA, chef du gouvernement de Bamako, arrivé vendredi matin 2 septembre 1960 à Paris, est reçu à 17 heures à l’Élysée par le général de Gaulle et s’entretiendra également de la crise de la Fédération du Mali samedi matin 3 septembre avec Michel Debré.
Le président soudanais, interrogé à sa descente d’avion, a notamment réaffirmé la position de son gouvernement, à savoir que le Mali demeure et que le Soudan « ne s’inclinera pas devant la situation de fait créée par certains de nos amis du Sénégal «, et a ajouté : « … Seul l’avenir permettra de dégager les moyens par lesquels la réalité juridique du Mali deviendra une réalité de fait. «
Mais le président Modibo a laissé entendre qu’il n’était pas opposé à un regroupement des États de l’ex-A.O.F., auquel pourrait participer le Soudan, et a ajouté à propos d’une possible médiation de Houphouët-Boigny : « Le Mali ne rejettera aucune médiation. «
Pour ce qui ne le savent pas, la CEDEAO a été créée au Mali donc notre organisation pour nos peuples, et ensuite l’ONU est restée le machin du General De Gaule comme il aimait l’appeler si honnêtement et elle vient de démontrer qu’elle est en effet un ‘machin’
voilà, personne n’a forcé le mali a adhéré à l’onu ou à la cedeao. Donc tous ces cris des a bas l’onu ou a bas la cedeao sont des bruits.
Mere fact Mali is member of United Nations have not stop France plus it’s friends in UN from using UN to facilitate lies about Malian army while ignoring french assisting terrorists at Tessit. We must take our story to Negroid people throughout Africa. France is taking its lies to it’s NATO friends whose also members of UN. Today special from french NATO but delivered by British NATO through its UN buddies plus BBC is that FAMA killed 50 civilians in April including woman plus child. How convenient to classify terrorists dressed in civilian clothes as innocent men. Fight occurred in Douentza in April 2022. You see how NATO work together to make its lies appear truth plus those deceitful plus unjust actions have support of all NATO nations. That is untrustworthy plus clever criminal organization.
Henry Author Price Jr aka Kankan
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