Gestion désastreuse, tâtonnement, népotisme, clientélisme, corruption, surfacturation, détérioration du tissu social, chômage, insécurité, pauvreté, grogne sociale, érigés en mode de gouvernance, meublent le décor du troisième anniversaire de celui que le peuple malien avait plébiscité lors de la présidentielle de 2013 pour une véritable rupture avec les anciennes pratiques qui ont plongé notre pays dans une crise politico-sécuritaire depuis 2012.
Elu au second tour de la présidentielle de 2013 contre Soumaïla Cissé, le chef de file l’opposition malienne, avec 77,66% des suffrages exprimés et ayant prêté serment, le 4 septembre de la même année, le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) avait toutes les cartes en mains pour donner du sang neuf à la gestion qu’il a héritée de ses prédécesseurs et remettre le pays au travail. Mais hélas !
En un laps de temps, le président Keïta a dilapidé le capital de confiance que le peuple lui avait accordé. Il a trahi cette confiance dès la formation de son premier gouvernement, composé pour la plupart des hommes honnis par le peuple malien. Et sur les chantiers sur lesquels il était attendu pour redonner confiance à ses concitoyens, le chef de l’Etat malien a montré ses limites.
Pire, au lieu de répondre aux attentes des Maliens dont la majorité vit dans la misère grasse, il a tourné le dos aux préoccupations du peuple pour s’enfermer dans une tour d’ivoire avec comme conséquences la délégation de fait du pouvoir à sa famille. Celle-ci, ayant pris goût aux délices du pouvoir et animée par la volonté de fabriquer ses milliardaires à l’image des présidents Alpha Oumar Konaré (21 milliardaires dont 16 fonctionnaires et ATT (48) et ses opérateurs économiques, a pris le pays en otage en s’accaparant de tous les leviers économiques du Mali.
La suite est connue. Les trois années du président IBK ont été émaillées de scandales liés à l’affaire de l’achat de l’avion présidentiel, de l’équipement militaire et de la rénovation du palais présidentiel, de 1.000 tracteurs et de l’affaire des engrais ‘’frelatés’’.
Cette gestion des affaires de la cité à l’entame du premier mandat de cinq ans du président de la République a sérieusement entamé la cote de popularité de celui qui était annoncé comme un sauveur, un homme animé de la seule volonté de rompre avec les anciennes méthodes mafieuses et de réhabiliter l’homme malien dans sa dignité et dans son honneur bafoués au cours de ces dernières années. Elle a aussi montré que le président IBK est arrivé au pouvoir pour les honneurs, les dépenses pharaoniques pour son entretien et non pour satisfaire les besoins de ses compatriotes qui continuent de tirer le diable par la queue.
Instabilité gouvernementale : 3 Premiers ministres et 6 réaménagements en trois ans
Depuis qu’il a pris les rênes du pouvoir, le 4 septembre 2013, il s’est distingué par l’instabilité gouvernementale. En trois (03) ans de gestion clanique et oligarchique, il est à son troisième Premier ministre (Oumar Tatam Ly, Moussa Mara, Modibo Keïta). Cela dénote que le président Keïta n’était pas bien préparé pour assumer cette fonction oh combien stratégique pour un pays en crise.
La preuve : son premier gouvernement. La composition de ce gouvernement a donné le ton aux Maliens que leur président était en déphasage de son mot d’ordre qui n’était autre que le changement. Il s’est entouré des femmes et des hommes qui, durant leur parcours dans la gestion des affaires, ont fait de leur sport favori la corruption, les détournements de deniers publics, l’accaparement des terres des pauvres. Le verdict n’a pas tardé à tombé. Ces hommes de confiance de IBK, détestés par le peuple, ont été pris la main dans le sac : l’affaire de l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires.
Et sous la pression du Fonds monétaire international (FMI), IBK a viré du gouvernement les ministres dont les noms étaient cités dans cette affaire : Soumeylou Boubèye Maïga, ministre de la Défense et des Anciens combattants ; Madame Bouaré Fily Sissoko, ministre de l’Economie et des Finances; Mahamadou Camara, ministre de la Communication et Moustapha Ben Barka, ministre des Investissements.
Un président extraverti : 99 voyages à l’extérieur en 3 ans
Jamais de mémoire de Maliens, un président de la République n’a au tant effectué de voyages à l’extérieur en trois ans qu’IBK. Il a suffi qu’il ait gravi les marches de Koulouba pour que l’homme prenne son bâton de pèlerin. Il vient d’effectuer son 99e voyage à Nairobi au Kenya, où il avait pris part à la 6ème TICAD.
Ces multiples visites à l’extérieur du Mali sont aussi une façon pour les membres de «Ma famille d’abord» d’ouvrir un autre robinet d’enrichissement du clan présidentiel en puisant l’argent du Trésor public au détriment de la réalisation d’infrastructures sociales de base. Elles n’ont pour le moment rien donné de bon.
On se rappelle de son voyage en Chine en 2015 au cours duquel il aurait récolté 500 milliards de F CFA. En tout cas jusqu’à cet instant, sans être dans le secret des dieux, notre peuple n’a rien vu de tout cela dans son vécu quotidien. En lieu et place, il continue à vivre les affres de la misère et de l’humiliation. Par ces voyages, IBK témoigne qu’il n’a cure des problèmes auxquels le pays profond reste confronté.
En trois (03) ans de gestion des affaires, IBK n’a effectué que deux petites tournées à l’intérieur du pays (les régions de Sikasso et de Ségou).
Edem Kodjo, ancien Premier ministre du Togo, avait averti : «Oui, à force d’avoir regardé vers l’extérieur, de s’être organisé vers l’extérieur et pour l’extérieur, à force d’avoir accepté tout de l’extérieur, concepts comme produits…, l’Afrique subit plus que tout autre les effets pervers de la crise venue d’ailleurs.»
Scandales politico-financiers à répétition
Personne n’avait imaginé que la gestion du président IBK allait être en trois ans d’exercice du pouvoir l’une des plus scandaleuses de l’histoire de notre pays. Comme l’attestent quelques faits parlants : à peine installé dans le fauteuil de président de la République, IBK a surpris plus d’un.
L’avion présidentiel, semble-t-il, qui a été acheté à 6 milliards de FCFA, a été facturé à 19 milliards soit 13 milliards de francs non justifiés. Dieu seul sait combien l’avion présidentiel a coûté à l’Etat malien tant les prix sont contradictoires d’une source à une autre. Peut-on ici parler de transparence ? Absolument, non ! En tout cas jusqu’ici, le peuple malien n’en sait rien !
Malgré le départ de certains ministres du gouvernement dont les noms ont été cités dans l’affaire de l’avion présidentiel, un autre scandale éclate au grand jour. Il s’agit de l’attribution du marché de gré à gré de l’achat d’équipements militaires à 90 milliards de FCFA.
L’affaire des engrais ‘’frelatés’’ a défrayé la chronique en 2015. Selon l’opposition, le coût de ces engrais serait estimé à 70 milliards. Mais contre toute attente, ces engrains étaient de mauvaise qualité et donc préjudiciable à l’agriculture de notre pays, sans oublier l’obscure affaire des 1.000 tracteurs. N’y a-t-i pas eu surfacturation là aussi ? Allez en savoir !
L’insécurité à son comble : près de 400 morts après la signature de l’accord d’Alger
Depuis la signature de l’accord de paix, notre pays a connu un regain de violence notamment dans son septentrion. Selon des sources concordantes, ces violences auraient causé la mort de près de 400 personnes. Ces morts se comptent aussi bien dans les rangs de l’armée que dans le milieu civil.
Aussi, l’accord de paix, a-t-il exacerbé les tensions entre les différentes communautés qui vivaient en parfaite symbiose. Les affrontements à Ténenkou entre Peuls et Bamabara ont enregistré 27 personnes tuées et 7 blessées. A Djenné, un litige foncier a dégénéré en affrontement sanglant. Le bilan fait état de quatorze (14) morts.
Il faut noter que les militaires ont le plus payé les frais de cette insécurité. On se souvient du carnage de Nampala, le 19 juillet 2016 qui avait fait 17 morts et plus d’une trentaine de blessés.
Il faut rappeler que s’il y avait un terrain sur lequel IBK était le plus attendu, c’était certainement celui de l’insécurité et de la gestion de la crise du Nord. Hélas ! Cet espoir de tout un peuple s’est effondré dans les méandres de la spéculation politicienne sans queue ni tête aux dépens du peuple malien.
Après trois ans de gestion chaotique du pays par l’homme qui était censé apporter des solutions aux préoccupations profondes du peuple a plongé notre pays dans l’amertume et la désolation.
Aujourd’hui, IBK cristallise toutes les frustrations pour avoir déçu tous les espoirs nés de son élection à la magistrature suprême du pays.
Lâché par bien de ses alliés politiques et détesté par le peuple, le président se trouve de plus en plus sur une pente glissante. Tout n’est pas perdu pour lui. Il peut être sauvé par l’organisation de concertations nationales souveraines. Mais à condition qu’il soit à l’écoute de son peuple qui réclame à cor et à cri cette rencontre décisive pour l’avenir de la nation malienne.
Hélas ! L’élection d’IBK répond bien à cet adage de chez nous : «On a acheté le cheval à l’empreinte de ses sabots».
Yoro SOW