Dans cette 2e partie de son intervention dans l’émission « Politik » d’Africable télévision du dimanche 8 avril 2018, Dr. Choguel Kokala Maïga, le président du Mouvement Patriotique pour le Renouveau (Mpr) aborde des sujets comme les exactions et le bilan du régime Moussa Traoré, l’état de santé du Mpr, les compagnonnages du Mpr avec Mountaga Tall et IBK, etc.
Sur l’héritage du bilan (passif et actif) de Moussa Traoré, ses exactions de janvier à mars 1991 surtout le vendredi noir, la mort d’Abdoul Karim Camara dit « Cabral », les événements de la Constitution de 1974, Choguel Kokala Maïga reconnaîtra qu’il y a eu des abus sous le régime militaire et de l’Udpm de Moussa Traoré. « Il y a eu des Maliens qui ont été victimes du régime de Moussa Traoré. Il ne faut pas le nier et leurs mémoires doivent être respectées. Cela est très clair. Mais là où je ne suis pas d’accord, c’est simplement la présentation qu’on a faite du régime après le 26 mars 1991, c’est-à-dire dire que le régime de Moussa Traoré était un régime d’assassins, qu’il n’a rien fait pour notre pays. Si on s’était limité à identifier ceux qui ont été victimes du régime d’une façon ou d’une autre, trouver les voies et moyens de les réhabiliter, qu’on se donne la main, qu’on se donne le pardon et on avance, il n’y aura pas tout ça. Ce qui s’est passé, c’est que des gens ont instrumentalisé systématiquement les douleurs des uns et des autres. C’est le cas de Cabral. Depuis 1991, chaque année des gens se retrouvent pour pleurer sur le monument de Cabral. On n’est pas arrivé à dire où est enterré Cabral, le réhabiliter, s’occuper de sa famille. Les gens font du nom de Cabral un fonds de commerce. J’ai expliqué que les mouvements qui étaient contre Moussa Traoré et qui ont abouti à l’insurrection de 1991, il y en a beaucoup qui ne peuvent pas dire qu’ils se réclament de la démocratie. Le Parti malien du travail (Pmt) est un parti communiste clandestin d’extrême gauche qui était interdit sous le régime de l’Us-Rda. Ils ne peuvent pas me dire qu’ils se battent pour la démocratie. Le Pmrd est un parti de gauche, un parti communiste. Il ne peut pas dire qu’il se bat pour le pluralisme politique. Il y a des composantes du Cnid qui sont de l’extrême gauche. Ils ne peuvent pas dire qu’ils sont depuis 1973 pour la démocratie. Cela n’est pas vrai. Il y a eu des conjonctions qui ont fait qu’ils se retrouvent contre le régime de Moussa Traoré pour le renverser », a-t-il raconté.
« Le bilan de Moussa Traoré n’est pas négatif et je ne suis pas lié à lui », précise Choguel Kokala Maïga
Parlant du bilan de Moussa Traoré, il dira que tout n’est pas négatif. « Dire que le bilan de Moussa Traoré est négatif est une erreur », a-t-il ajouté. Et pourquoi, dans l’histoire du Mali, le nouveau président ne fait-il pas table rase du passé, du bilan de son prédécesseur ? Choguel Kokala Maïga répondra que la construction et l’avancement d’une nation ne se fait pas sur une table rase. « Ce qui aurait été bien pour le Mali, c’est qu’il faut faire chaque fois qu’un président quitte le pouvoir que ce soit à la suite d’un coup d’Etat, d’une insurrection, d’une élection, c’est de faire le point de ce qu’il a pu construire pour notre pays. Parce que le président ne s’assoit pas au Palais pour régenter le pays. Il a des ministres, des directeurs, des administrateurs et lorsqu’il quitte le pouvoir, on doit faire le point. A l’occasion du cinquantenaire, un journaliste m’a interrogé sur ce que je pensais d’Alpha Oumar Konaré. Ce journaliste croyait que j’allais me mettre à le critiquer parce que tout le monde savait que nous étions opposés à lui. Alpha n’était plus au pouvoir et ça ne servait à rien de le critiquer. Il a fait ce qu’il pouvait faire, il faut qu’on fasse son bilan. Mais j’ai dit qu’au moment où il quittait le Mali, on ne se tirait pas dessus. Dans mon parti je ne critique pas » a-t-il précisé.
Et il poursuit ainsi : « Quand Moussa Traoré a quitté le pouvoir, on a dit qu’il n’a rien fait. Quand Moussa Traoré quittait le pouvoir, j’ai été à Gao en 1996 pour demander aux gens de Gao ce qu’ils voulaient que je réalise si je suis président ? Ils m’ont répondu que leur rêve est de faire la route Gao-Labzanga qui fait 240 Km. Je leur ai demandé la distance que fait Sévaré-Gao qui fait plus de 500 Km. Avant que cette route soit construite par Moussa Traoré, les gens faisaient deux semaines, un mois entre Sévaré et Gao. Des gens mouraient de soif dans le désert. Je ne peux pas accepter que les gens disent que Moussa Traoré n’a rien fait. A Diré les légumes et le blé coûtent deux fois moins chères qu’à Bamako grâce à l’initiative de la politique de Moussa Traoré. Des années après la chute de Moussa Traoré, les 80 % de l’énergie consommée au Mali, c’est Manantali et Sélingué qui le produisent. Les salles dans lesquelles les gens se réunissent à Bamako, Palais de la culture, le Centre international de conférence de Bamako (CICB) sont faits sous Moussa. L’armée que Moussa Traoré a construite, c’était l’armée la plus forte de l’Afrique francophone au Sud du Sahara. On pouvait prendre ces acquis pour avancer. Le projet d’université qu’ils ont trouvé sur place avec des grandes écoles décentralisées à Sikasso avec la Faculté d’agronomie à Ségou, la Faculté d’agriculture à Mopti qui devait s’occuper de l’élevage et de la pêche, à Tombouctou la Faculté des lettres, à Gao la Faculté d’architecture, à Kayes la Faculté de mécanique. Ces facultés allaient favoriser le brassage des étudiants. Ce projet a été mis de côté. Le projet de la décentralisation avec la création de plus de 300 communes a été mis de côté. Cela a été une erreur » a-t-il relevé.
Il avertit ensuite : « Et demain, quand IBK va quitter le pouvoir, ceux qui vont s’asseoir pour dire qu’IBK n’a fait que du mal, je serai parmi ceux qui vont les contester. Parce que dans le bilan d’un président, il y a toujours quelque chose. C’est bout à bout et des générations et des générations se consacrent pour construire une nation stable. Voilà notre vision et c’est ce qui justifie notre combat. J’ai été clair avec tout le monde, je ne suis pas lié à Moussa Traoré. Notre parti se bat pour une façon de concevoir la politique. Donc j’aimerai bien que tout le monde le comprenne. On n’est contre personne. Ceux qui ont été victimes du régime à différentes étapes, je m’incline devant les mémoires de ceux qui sont morts. Je demande pardon à ceux qui ont été blessés », s’est-il expliqué.
Il a ajouté qu’il a passé 3 heures dans les locaux de la Sécurité d’Etat une semaine avant la chute de Moussa Traoré et qu’il devait être pris pour un 2e interrogatoire le vendredi 22 mars 1991 à 10 heures. Les événements ont commencé et il n’a plus été interrogé. « Je pouvais me retrouver dans le camp des adversaires pour dire que je suis contre Moussa Traoré. Je savais que le pouvoir cherchait à s’informer sur nous parce que nous étions en avance dans les débats sur le multipartisme. Et je veux que les Maliens le comprennent définitivement. Il faut qu’on se tourne vers l’avenir. Nous n’accepterons pas que certains remuent chaque année le couteau dans la plaie et faire du sujet un fonds de commerce, parce que c’est du faux», a-t-il prévenu.
Choguel Kokala Maïga : « Le Mpr est un parti de militants qui ne siège dans aucune institution »
Concernant l’état de santé du Mouvement patriotique pour le renouveau (Mpr), Choguel Kokala Maïga, le président du parti du Tigre debout, affirmera que son parti se porte bien et qu’ils sont en train de s’organiser, de se préparer pour ne pas prendre beaucoup de temps pour se donner rendez-vous pour les élections. Le Tigre a-t-il perdu sa Tigritude ? Choguel Kokala Maïga répondra qu’un parti de l’opposition et un acteur de la majorité présidentielle n’ont pas les mêmes réactions. « Certains s’attendaient toujours à nous voir comme dans les années 1994 quand nous étions dans l’opposition. Nous sommes dans les jeux institutionnels et notre attitude doit forcément changer. Comme on le dit, en politique, seuls les imbéciles ne changent pas. L’attitude dans l’opposition n’est pas la même chose que celle dans la majorité présidentielle. C’est ce qui explique ce qui semble ressembler à une passivité de notre part», a-t-il réagi. Quel est le poids réel du Mpr sur l’échiquier politique ? La longévité du Mpr (qui a plus de 20 ans) est-elle proportionnelle à son poids sur l’échiquier national ? Choguel Kokala Maïga soulignera que le Mpr a été le parti le plus ostracisé depuis 1991. « Rien ne nous a été épargné. La seule période où on a soufflé un tout petit peu, c’est pendant les 5 premières années d’ATT. Mais aujourd’hui, après les élections communales passées, les partis qui sont en tête sont l’Adéma-Pasj et ses excroissances : Adéma-Pasj, Rpm, Urd, Codem. Le Mpr est le 5e parti qui ne siège dans aucune institution. Cela montre que le Mpr est un parti de militants. Cela compte beaucoup pour nous », a-t-il indiqué. Qu’en est-il des compagnonnages du Mpr avec Me Mountaga Tall, IBK ? Choguel Kokala Maïga racontera que son compagnonnage avec Me Mountaga Tall date de 1996, lorsque l’opposition a commencé à s’organiser face au pouvoir d’Alpha Oumar Konaré. Il s’est retrouvé dans une alliance de l’opposition (le Coppo) face au pouvoir en place lorsque les élections ont été bâclées. « Après le Coppo, nous avons créé Espoir 2002 avec Mountaga Tall, le représentant du Mpr était le Pr. Sall (paix à son âme), IBK était à l’extérieur. Et quand il est revenu, son action était inscrite dans une opposition par rapport au pouvoir Adéma en place. Et donc naturellement, nos intérêts ont convergé. Nous nous sommes retrouvés, nous nous sommes donné la main et nous sommes allés aux élections. Notre regroupement avait le plus de voix. Mais quand on l’éclatait, on ne venait pas premier. Nous nous sommes donné la main pour soutenir ATT. Lorsque nous sommes allés aux législatives, nous sommes sortis des élections avec une majorité relative. Le Rpm avait 46 députés, le Cnid avait 13, le MPR avait 4. Le tout réuni faisait 63 députés. Nous étions donc le premier regroupement. L’Adéma avait 53 députés à elle seule. Le chef naturel de notre groupe était IBK par son score et son âge. Et nous l’avons soutenu pour qu’il soit président de l’Assemblée nationale. Voilà comment les choses se sont passées », a déclaré Choguel Kokala Maïga.
« L’aspiration légitime du peuple malien au changement a été utilisé, instrumentalisé par les hommes politiques pour appréhender le pouvoir de Moussa Traoré », dixit Choguel Kokala Maïga
Comment l’alliance des contraires, Mountaga Tall (du mouvement démocratique) et Choguel Kokala Maïga émanant d’un parti qui se réclamait de l’Udpm a pu se réaliser ? Le président du Mpr répondra qu’il a été très simple. Son explication : « Mountaga Tall est sorti très tôt de la bipolarisation. C’est quelqu’un qui avait bien analysé la situation politique même si nous n’étions pas d’accord sur un certain nombre de choses. Avant Me Mountaga Tall, j’avais des relations avec feu Pr. Mohamed Lamine Traoré. Nous avons commencé à nous rencontrer et échanger parce qu’en définitive, on ne va pas passer le temps à regarder dans le rétroviseur. Nous avions simplement dit de faire le bilan du régime Udpm et d’avancer. Mais on voulait nous empêcher d’exister. On m’a même interdit d’utiliser le sigle Udpm. Quand vous dites que vous vous battez pour la démocratie pluraliste, vous ne pouvez pas interdire à des gens d’être présents. Il y avait des acteurs du « mouvement démocratique » qui ont dit que Moussa Traoré voulait leur donner le multipartisme sur un plateau d’argent et qu’ils n’en voulaient pas. Les étudiants ont assisté aux négociations avec le gouvernement qui avait tout accepté. C’est à la dernière minute que les étudiants ont dit non et ont commencé à casser. Le syndicat a demandé 200 % d’augmentation de salaire en sachant que l’Etat ne peut pas le donner. Je savais qu’il y avait une manipulation. Il y avait l’aspiration légitime du peuple malien au changement qui a été utilisé, instrumentalisé par les hommes politiques pour appréhender le pouvoir de Moussa Traoré. Le reste de la campagne, c’est Moussa a tué, Moussa a fait ceci, Moussa a fait cela. Il a été jugé et condamné sur la base des choses qui n’étaient pas justes. Mais on tourne la page. Je pense que les Mountaga, les Ibrahim Boubacar Kéita, les Mohamed Lamine Traoré, ceux avec qui nous avons travaillé avaient décidé en son temps de regarder vers l’avenir parce que tout le monde avait compris que quand on continue de regarder dans le rétroviseur, non seulement c’est faux, mais ce n’est pas à leur avantage. Et nous aussi, nous avons pensé qu’il faut aller de l’avant. Je pense qu’on a dépassé cette étape aujourd’hui. ATT a fait beaucoup pour souder les Maliens, pour souder les uns et les autres avant de partir. Je crois que ce processus continue. Aujourd’hui, le président Moussa Traoré, quand il sort dans la rue et qu’on le met avec un autre ancien, on verra celui que le peuple va applaudir le plus, malgré tout ce qu’on a dit sur lui », a-t-il développé.
A suivre dans nos prochaines parutions.
Siaka DOUMBIA