26 mars, 24 ans après : L’impératif du réarmement moral

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Monument des Martyrs
Monument des Martyrs

Le bilan est plutôt contrasté, pour ne pas dire décevant. Certes, s’agissant du premier point, on dénombre à ce jour près de 200 partis politiques et des milliers d’associations. Là, il faut noter que l’inflation, pour ne pas dire l’hyperflation, des formations politiques, est inversement proportionnelle à leur qualité.

Certaines sont même carrément des PUARL – Parti Unipersonnel à Responsabilité Limitée – des formations lilliputiennes, dont le siège se trouve le plus souvent au domicile du père fondateur. Dans le paysage politique, les mœurs sont marquées par des pratiques qui jurent avec la morale et la décence, à l’image du nomadisme et de la transhumance politiques. L’incivisme, l’affairisme et l’impunité ont pris le pas sur la rectitude, le patriotisme et l’amour du travail bien fait.

Quant aux libertés collectives et individuelles, elles ont tout simplement tourné à la licence collective. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil à la circulation routière pour s’en rendre compte. «Dis-moi comment tu circules, je te dirai quelle sorte de peuple tu es».

Le plus grave crime que nos démocrates aient pu commettre sous ce chapitre, c’est la politisation de l’espace au scolaire, en vue d’assouvir leurs ambitions politiciennes. A ce petit jeu malsain, ils ont fini par prendre en otage l’école, et l’avenir du pays avec.

Quid du mieux-être pour le maximum de Maliens? La révolution de Mars a incontestablement entrainé la libération des énergies et, sur le chantier du développement, des actes ont été posés, des routes et des infrastructures socio-économiques ont été construites. Bamako a véritablement changé de visage, comparée avec la période Moussa Traoré. Mais force est de constater que la démocratie a amplifié les tares sociopolitiques.

La corruption a pris une dimension jamais observée auparavant. On a assisté, impuissant, à l’émergence des «milliardaires de la démocratie». Ces nouveaux riches qui ont vite fait de narguer le bon peuple du haut de leur fortune mal acquise. «Sous Moussa Traoré, on ne mangeait que d’une seule main. Mais, sous la démocratie, on mange avec les deux mains, voire avec les coudes», confie un confrère, avec une pointe d’humour.

De toute évidence, la révolution de Mars 1991 a été dévoyée par une camarilla de pseudo-révolutionnaires, d’opportunistes assoiffés de pouvoir et d’argent, qui ont trahi les idéaux des pères de l’indépendance et pris la République en otage.

La grave crise dont nous peinons encore à nous relever, il est vrai, est la résultante d’une conjonction de plusieurs facteurs, dont des facteurs exogènes, des causes lointaines et des causes immédiates, mais ayons le courage d’avouer que les facteurs endogènes, notamment la mal gouvernance, symbolisée par la corruption, l’incurie des cadres au plus niveau, n’ont pas peu pesé dans l’effondrement de l’Etat, précédé par celui de sa colonne vertébrale, l’armée, en 2012.

Dans un environnement international caractérisé par la propension de plus en plus marquée des grandes puissances à défendre, vaille que vaille, les fameux intérêts géostratégiques, en foulant allègrement aux pieds les principes de la morale et du droit international, la résolution définitive de la crise du Septentrion malien sera une œuvre de longue haleine.

Il s’agit de tenir bon dans la tempête, inspirés par l’héroïsme de nos devanciers. Et d’être prêts au sacrifice suprême, s’il le faut. N’est-ce pas là le sens de notre hymne national? Les titanesques défis auxquels nous faisons face doivent être l’occasion d’un sursaut national et d’un réarmement moral.

Cela passe aussi par une lutte implacable contre les tares sociopolitiques, après un travail d’introspection et d’autocritique chez chaque Malienne et chaque Malien, un immense travail de pédagogie de l’élite, qui doit, elle-même, donner le bon exemple. Afin que les valeurs du patriotisme, du travail bien fait, du civisme et du respect du bien public puissent, enfin, triompher au Mali. Le choix est simple: se remettre en cause ou périr.

Yaya Sidibé  

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