Au début de l’année 1991 « un vent nouveau » a soufflé au Mali. En effet rien ne marchait dans le pays gangréné par la corruption, le népotisme, le clientélisme, la gabegie, l’arbitraire, le détournement des biens publiques, etc. Fatigué de la cherté de la vie, assoiffé de liberté, aspirant au multipartisme, le peuple malien tous les âges confondus, s’est levé comme un seul homme pour faire des revendications. En première ligne nous avons le mouvement démocratique composé des associations ADEMA, CNID, UNTM, AEEM, AJDP, AMDH, le Barreau, etc. Partout au Mali, et en particulier à Bamako, ce sont des manifestations de rues, des casses accompagnées d’incendies parfois. Les élèves, à la demande de l’AEEM dirigée à l’époque par un certain Oumar Mariko, ne fréquentaient plus. Malgré tout, le régime en place du Général Moussa Traoré reste sourd aux aspirations légitimes de son peuple. Au contraire il durcit le ton en tirant à balles réelles sur les manifestants. Que de jeunes fauchés à la fleur de l’âge par les balles sur le pont de badalabougou baptisé « pont des martyrs, d’autres se sont noyés en se jetés dans le fleuve espérant échapper aux balles. Dans les rues, dans les maisons, dans les lieux de culte, dans les marchés, partout c’est la chasse aux manifestants. Et que dire de ce que l’on a appelé « le vendredi noir ». Ce jour-là un commando équipé de lance flamme a brulé vif des manifestants et de simples passants venus se refugier dans les locaux de l’immeuble « sahel vert ». Le Président avait promis de « faire descendre l’enfer » sur la tête des manifestants, alors c’est chose faite ce « vendredi noir ». Et que dire des élèves et étudiants et autres manifestants fauchés sur la route du palais présidentiel au niveau de l’ENA.
Face à l’entêtement du pouvoir et face à tous ces massacres, les femmes sont sorties soutenir leurs enfants et se sont mises nues pour maudire le Général Président Moussa Traoré et son régime. A son tour l’UNTM appelle à une grève générale illimitée jusqu’à la démission du régime en place. Le mouvement démocratique, à sa tête feu Me Demba Diallo, est allé jusqu’à remettre une lettre au Président lui demandant sa démission. A cette démarche il répond « niet » car selon lui seul le peuple pourrait le faire partir démocratiquement. Comme si son régime était démocratique. Le peuple malien n’a dû son salut qu’à un groupe d’officiers rassemblés sous la bannière du Conseil de Réconciliation Nationale (CRN) dirigé par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré qui arrêtât le Général Président Moussa Traoré dans la nuit du 25 au 26 mars 1991. Après 23 ans de pouvoir sans partage, le règne du Général Président vient de prendre fin. Lui-même ayant pris le pouvoir après son coup d’état contre le tout premier Président du Mali indépendant Modibo Keïta mort en détention en 1977. Nous étions le 19 novembre 1968. Le cours de l’histoire vient à jamais d’être modifié. Les acteurs de cette révolution de palais se regroupèrent et mettent en lieu et place du CRN le Comité de Transition pour le Salut du Peuple (CTSP) donnant ainsi naissance à la IIIe République. Une nouvelle Constitution verra le jour. Dans une interview accordée au journal « jeune Afrique » ATT disait : « C’est le vendredi 22 mars que nous avons compris que Moussa avait atteint le point de non-retour et que nous devions intervenir ». En souvenir de ce jour mémorable, des monuments sont construits à la mémoire de nos martyrs : le Carré des Martyrs dans le cimetière de Niaréla sert de mausolée aux victimes de la répression des événements de 1991, sur des tablettes sont inscrits les noms des martyrs qui y reposent ; la Pyramide du Souvenir située en face du « pont des martyrs »
a été érigée également en hommage aux martyrs. Tous les maliens épris de justice, de paix et animés de la flamme de démocratie doivent s’incliner devant la mémoire des martyrs qui ont sacrifié leur vie pour les uns et leur intégrité physique pour d’autres. Saluons la mémoire des pionniers de la lutte pour un mieux être de la population en général et des élèves et étudiants en particulier comme Abdoul Karim Camara le Secrétaire général de l’Union Nationale des Élèves et Étudiants du Mali (UNEM), arrêté, torturé puis assassiné le 17 mars 1980. Son seul tort a été de réclamer de meilleures conditions d’étude pour les élèves et étudiants de son pays. Vingt quatre ans après ces évènements tragiques, fondamentalement rien n’a changé dans le quotidien des maliens.
Nous assistons à une généralisation de la corruption, du clientélisme, la baisse du pouvoir d’achat, et surtout l’impunité des membres des différents partis au pouvoir. Témoin les surfacturations suite à l’achat d’équipements militaires, et que dire de l’achat du Boeing présidentiel à un moment où le pays a besoin de liquidité pour faire face entre autres à la rébellion qui sévit au nord du pays. Nous attendons toujours que les auteurs présumés de ces magouilles répondent de leurs actes devant la justice. La vie est de plus en plus chère, et pourtant les salaires ne suivent pas. L’UNTM et le gouvernement sont en négociations à cet effet. Et que dire de la baisse du niveau des élèves et des enseignants, des effectifs pléthoriques dans les classes malgré la multiplication des écoles privées et la construction d’universités. Le chômage des jeunes est aussi une plaie de notre jeune démocratie. La santé est une denrée rare, les centres de santé sont de véritables mouroirs. Et que dire des différents soulèvements armés au nord du pays. Malgré tout, des signes encourageants sont visibles. C’est le cas de la multiplication des logements sociaux, le désenclavement des régions et du pays par la construction de nombreuses routes, la tendance à la liberté de la presse avec la multiplication de journaux (parlés et écrits), les partis politiques se multiplient. L’accès aux réseaux sociaux n’est pas contrarié. Les terres agricoles sont entrain d’être mises en valeur pour assurer l’autosuffisance alimentaire, etc. Malgré tout la vigilance est de mise.
En attendant l’acteur principal de l’avènement de la démocratie au Mali, l’ancien Président ATT, prend du bon temps sur la corniche à Dakar.
Mr Séran SACKO