20 ans après sa création Que vaut l’ADEMA ?

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Après vingt longues et pénibles années, l’ADEMA-PASJ souffle sur ses joies et ses peines, ses succès et ses défaites, ses abondances et ses crevasses. Bref en vingt ans, trop d’eau ont coulé sous les ponts. Regard critique sur un bilan mitigé.

C’est en 1990 que l’ADEMA-PASJ est rentrée dans l’histoire en prenant le pouvoir à l’issue des élections jugées transparentes et crédibles par la Communauté internationale. Un certain Alpha Oumar Konaré est élu président de la République. Il restera au pouvoir 10 ans durant. C’est dire donc que l’ADEMA a gouverné pendant dix ans avec les pleins pouvoirs législatif et exécutif. Le parti, alors animé par des dinosaures de la politique comme Feu Abdrahamane Baba Touré, Mamadou Lamine Traoré, Ibrahim Boubacar Kéïta, Ali Nouhoum Diallo, respire la santé pendant les premières années de son accession au pouvoir, avant de tomber précocement dans des conflits de personnes qui l’ont laminé et qui continuent de le trimballer aux abîmes.

En effet, à peine arrivé au pouvoir, le président Alpha fait face à des crises qui ne s’expliquaient pas facilement. Deux Premiers Ministres vont être délogés par les étudiants, très excités, qui avaient envahi les rues. D’abord, Abdoulaye Sékou Sow et ensuite, Younoussi Touré. La vérité historique voudrait qu’on reconnaisse qu’ils ont tous été victimes de complots ourdis au sein de la direction du parti qui les avait portés au pouvoir. Du haut de son piédestal, le parti tombe dans une crise d’euphorie. Ses cadres estimaient chacun qu’il était plus méritant que l’autre. Trop pressés d’avoir leur part de gâteau, certains responsables ne cachaient plus leur aversion pour Alpha qui a été longtemps accusé d’avoir entretenu les réseaux de déstabilisation. Lui-même finira par faire les frais lorsqu’il s’est finalement retrouvé seul face à la contestation qui ne s’expliquait pas.

De 1992 à 1994, l’ADEMA pataugeait dans les problèmes de toute nature, avant d’être confronté aux premiers défis de la gouvernance démocratique. Une première vague de cadres dirigée par le Pr Mamadou Lamine Traoré, Mohamedoun Dicko, Tiémogo Sangaré, Salif Berthé, Mamadou Kassa Traoré, claque la porte de la Ruche suite à des querelles intestines qui ont fini par installer une crise de confiance entre les dirigeants du parti. L’ADEMA connaissait ainsi ses premières fractures.

Le premier mandat s’achève sur un bilan mitigé, mais tolérable à cause de la crise de jeunesse de notre démocratie.

En 1997, le parti se retrouve face à une opposition nerveuse qui s’obstine à boycotter le scrutin présidentiel. Le régime s’installe malgré la très violente contestation dont il a fait l’objet.

Cette fois-ci, l’ADEMA se voit contrainte de retrouver son unité face à l’opposition déterminée à lui rendre la vie difficile. Alpha ne lésine pas sur les réflexions pour faire plier l’opposition à ses quatre volontés. Toutes les initiatives étaient bonnes pour pacifier le pays et faire face au très ambitieux programme de développement.

De main lourde, IBK choisi la méthode forte pour imposer l’autorité de l’Etat, même s’il a été un peu trop «méchant». C’était, quoi qu’on dise, le prix à payer.

Mais entre temps, les coups bas et autres manœuvres iniques et même cyniques continuaient de prospérer au sein du parti.

Vers la fin de son deuxième mandat, Alpha est soupçonné de vouloir tenter un tripatouillage constitutionnel pour s’offrir une prolongation de son mandat. Au sein du parti, certains cadres se jettent hasardeusement dans une ridicule campagne d’intoxication. Ils réussissent à créer des problèmes entre Alpha et son Premier Ministre IBK. On fait croire au premier que le second est auteur de plusieurs manipulations visant à compromettre ses velléités suspectes et contester son ambition pour un autre mandat. Le divorce ne tardera pas à être consommé entre les deux. IBK est débarqué de la Primature, avec à la clé, une campagne visant à le discréditer au sein de l’opinion nationale et internationale. Des rapports de contrôle l’accusent d’avoir détourné plusieurs millions à la Primature. Il est menacé de poursuites judiciaires. IBK s’exile un peu, puis revient prendre la tête d’un parti (l’histoire voudrait qu’on retienne cela) que ses mains ont créé pendant qu’il était au Burkina Faso. Le RPM est lancé et ses cadres ne ratent plus aucune occasion pour mettre sous projecteurs les défaillances de la gouvernance d’Alpha et de ce qui restait de l’ADEMA. Le divorce est poussé trop loin pour que les deux personnes se parlent en public ou en privé. Alpha et ses amis combattent IBK et les siens jusqu’à la veille des élections de 2002 où surgira une nouvelle guerre au sein du parti.

Après Mamadou Lamine Traoré, Ibrahim Boubacar Kéïta, il ne restait plus que Soumaïla Clissé qui fait preuve «d’insubordination». Malgré les pressions du président Alpha et de ses amis, Soumaïla refuse de croire qu’il ne pouvait pas se présenter aux élections présidentielles avec le soutien de son parti ADEMA. Il s’obstine à défier la tendance qui voulait à tout prix qu’Amadou Toumani Touré devienne le futur président élu.

Le parti éclate, petit à petit, en de minuscules groupes de vulgaires opportunistes. Pendant cinq ans, le parti perd presque tous ses moyens.

De plus grande formation politique, l’ADEMA est réduite à négocier des strapontins pour ne pas mourir. Le retour de l’ascenseur attendu du président ATT n’arrive jamais.

Pourtant, l’ADEMA demeure. Toujours avec ses contradictions, ses crocs-en-jambes. Même essoufflés, ses responsables font l’effort de survivre à la tempête du régime d’ATT qui a réussi à anéantir quelques barons du parti. Ousmane Sy et Moustapha Dicko, par exemple, qui ont dû se contenter chacun d’un strapontin inventé par leur président Dioncounda à l’Assemblée Nationale pour se trouver occupation et pitance.

En clair, l’ADEMA a perdu de sa prestance et de son pouvoir.

Mais malgré tout, on peut le citer comme le seul parti politique au Mali qui a une représentativité nationale et internationale.

A l’Assemblée Nationale, au Haut Conseil des Collectivités territoriales, le parti peut se targuer d’avoir le plus grand nombre d’élus. Dotée d’une véritable machine électorale, l’ADEMA a toujours les moyens de récupérer le pouvoir central et de le conserver pendant encore plusieurs mandats. A la seule condition que ses dirigeants cessent enfin de se dévorer entre eux pour des raisons politiquement incorrectes.

Ce message vaut son pesant d’or à la veille des primaires qui s’ouvrent déjà.

Il est légitime pour tout responsable politique d’avoir des ambitions, certes. Mais, il serait démesuré de vouloir tordre le coup aux lois de la logique politique et de prétendre à un destin qui n’arrive pas, même en rêve. C’est bien le cas de certaines candidatures qui ne tarderont pas à semer de nouvelles zizanies.

Les compétitions électorales qui pointent ainsi à l’horizon constituent pour le parti de l’Abeille solitaire, l’occasion de confirmer sa maturité politique et de reprendre comme il l’a donné, le pouvoir. C’est à ce seul prix que survivront les derniers lambeaux de la Ruche.

Abdoulaye NIANGALY

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