15è sommet de la francophonie à Dakar : Désignation de la Canadienne Michäelle Jean pour succéder à Adboul Diouf Un signal fort adressé aux chefs d’État africains

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Le 15è sommet de la francophonie s’est tenu à Dakar les 29 et 30 novembre 2014 et avait pour thème principal “femmes et jeunes : vecteurs de paix et de développement”. Ainsi, Dakar a abrité pour la deuxième fois un sommet de la francophonie après celui de 1989. Ce 15è sommet de la francophonie a été aussi une occasion pour rendre un hommage mérité à Abdoul Diouf, qui  a tenu les rênes de cette organisation pendant une douzaine d’années (de 2002 à 2014) après avoir succédé à l’égyptien Boutros Boutros Ghali.

  Au cours de ce sommet qui a rassemblé une trentaine de chefs d’États et de Gouvernement, majoritairement des africains, il était surtout question de désigner un successeur à Abdoul Diouf au poste de secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie (Oif). Il y avait cinq candidats en lice : le burundais Pierre Buyoya ; le congolais Henri Lopès ; le mauricien Jean Claude de l’Estrac ; l’équato-guinéen Agustin Nze NFumu et la canadienne (d’origine haïtienne) Michäelle Jean.

Pour la désignation du nouveau secrétaire général de l’Oif, la France n’a pas caché sa préférence pour Michäelle Jean, alors que les chefs d’États africains se prévalaient d’une règle non écrite qui voudrait que ledit poste échoit toujours à un citoyen d’un pays africain.

Pour bon nombre d’observateurs avertis, les préférences de la France pour la désignation de la canadienne à la tête de l’Oif tiennent en deux raisons principales. D’abord, compte tenu du thème même de ce sommet-ci, la France a préféré faire de la place à une femme pour diriger l’organisation. Or Michäelle Jean était la seule femme parmi les postulants. Mais en réalité, cette raison estt ce qu’il y avait à la surface. La vraie raison du penchant de la France pour la désignation de la canadienne tiendrait plutôt du profil des autres postulants.

Le président français, François Hollande, semble faire de la bonne gouvernance et de l’exercice du jeu démocratique des critères déterminant dans la désignation du secrétaire général de l’Oif. “La francophonie est soucieuse des règles en démocratie, de la liberté du vote, du respect des lois libres”, a précisé François Hollande avant de citer en exemple “le printemps arabe” qui a eu raison du pouvoir tunisien et “la révolution burkinabé” qui a fait chuter Blaise Compaoré. “Ces mouvements populaires doivent servir de leçons là où les règles constitutionnelles sont malmenées et où l’alternance est empêchée” , a dit François Hollande.

A l’analyse de ces propos du président français, on comprend aisément que trois des candidats, en l’occurrence Pierre Buyoya, Henri Lopes et Agustin Nze NFumu, étaient éliminés d’office (en tout cas pour la France). Le premier ayant un passé de putshiste dans son pays, le second dont l’âge (77 ans) et son statut d’ambassadeur de son pays, le congo-Brazza, s’avèrent être des obstacles et, enfin, le troisième qui est un candidat proposé par un président qui dirige son pays en faisant fi de toute orthodoxie démocratique.

Quant à Jean-Claude de l’Estrac, ex-Premier ministre mauricien, il est pratiquement inconnu dans le giron de la diplomatie internationale.

En effet, Pierre Buyoya est devenu président de la République du Burundi à la suite d’un coup d’Etat contre Jean-Baptiste Bagaza en 1987. C’est cette étiquette qui lui reste collée à la peau, même si par la suite il a bien oeuvré pour l’instauration de la démocratie dans son pays.

Henri Lopes, quant à lui, c’est son grand âge et son statut d’ambassadeur de la République du Congo qui ont joué en sa défaveur. Ambassadeur d’un pays qui ne respecte pas les règles de bonne gouvernance et de démocratie, comme l’aurait souhaité la France. Pourtant, Henri Lopes était pressenti par bon nombre de chefs d’État et de Gouvernement africains pour succéder à Abdoul Diouf. D’aucuns l’avaient même désigné comme étant le “candidat de la logique africaine”.

Concernant Agustin Nze NFumu, non seulement il n’est pas assez connu dans les milieux diplomatiques, mais aussi et surtout sa candidature émane d’un pouvoir dictatorial, à savoir la présidence de la Guinée ÉEquatoriale. En tout cas, quoi qu’il en soit, la désignation de Michäelle Jean à la tête de l’Organisation Internationale de la Francophonie (Oif) n’a pas été du goût de tout le monde. Particulièrement de certains dirigeants africains qui ont denoncé l’attitude de la France et qui ont même qualifié la position de la France de “diktat” pur et simple. Ce qui amenera d’ailleurs la Ministre des Affaires Etrangères du Rwanda, Luise Mushikiwado, à critiquer le ton paternaliste et directif qu’aurait adopté François Hollande lors de ce sommet de la francophonie à Dakar.

“Je trouve ça gênant, qu’un président qui est avec ses pairs, ici, au sommet de la francophonie, ne vienne pas discuter avec eux, mais leur dicte ce qui devrait se passer dans leurs pays” ,a déploré la Ministre Rwandaise des Affaires Étrangères. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’au cours de ce 15è sommet de la francophonie, le président français et ses pairs africains n’étaient pas du tout sur la même longueur d’onde. Le premier voyant en l’Organisation Internationale de la Francophonie (Oif) un espace de consolidation de la démocratie et de la bonne gouvernance dans les pays ayant en commun la langue française, alors que les seconds, peut-être, se font une tout autre conception de cette organisation. Si de telles divergences d’opinions venaient à persister et à faire des frustrés à chaque rencontre, on peut être sûr et certain que l’Organisation Internationale de la Francophonie (Oif) ne survivra pas aussi longtemps que le Commonwealth.

Mamadou GABA

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