Depuis quelque temps, la scène politique n’a cessé d’être secouée par des événements, comme pour sortir de la torpeur où l’avait plongée le consensus et cet unanimisme soporifique consécutif aux présidentielles de 2002. Après le Manifeste pour la démocratie et les Accords d’Alger, toutes les attentions étaient tournées vers la deuxième Conférence Nationale du RPM.
Le soutien de ce parti au Manifeste pour la démocratie contre le consensus, la déclaration de son BPN à propos des Accords d’Alger contre la politique du Chef de l’Etat, et l’attitude du groupe parlementaire RPM-RDT en ce qui concerne les Accords et la résolution qui en a été votée par l’Assemblée Nationale, laissaient entrevoir sa rupture avec la gestion consensuelle à cette conférence. Mais la rupture n’a pas lieu. Plutôt que de proclamer haut et fort son opposition au pouvoir pour emboîter le pas au BARA tant loué ces derniers temps, le RPM a préféré ravaler cette opposition à une misérable rivalité avec le Président de la République, derrière des phrases pédantes et obscures, aussi lourdes qu’ennuyeuses, et qui, tout au plus, ont seulement troublé la tranquillité consensuelle.
D’ailleurs tout observateur moyen, même sans avoir suivi pas à pas le cheminement du RPM, devait se douter que ce parti allait à une régression inouïe. Si l’on récapitule dans leurs grandes lignes, les phases parcourues par le RPM, on en distingue trois principales : La période de l’opposition responsable et conséquente, la période de la gestion consensuelle (ou repas collectif ?) et enfin la période de l’opposition fâchée.
La première période s’étend de la gestion avec Alternative 2002 aux législatives de 2002 qui fût un succès pour le RPM qui finira par disposer d’une majorité relative dans ce groupe. Ce qui la caractérise, c’est l’opposition dynamique d’un parti qui était vivant, fort et respecté.
Le RPM d’alors était animé par des hommes réellement debout, droits, convaincus et déterminés. Jouant pleinement et sans passion son rôle de contrôle du pouvoir, ce parti avait donné au Mali l’occasion de vivre l’une des époques les plus brillantes de la prospérité démocratique en Afrique.
La deuxième période allant d’octobre 2002 à décembre 2005 est celle de la gestion consensuelle. Elle commence par l’élection du leader du RPM à la présidence de l’Assemblée Nationale. Jubilant, ce dernier a laissé échapper à propos de son élection, “Je sais que le président ATT est pour quelque chose” ! Ainsi, l’acte de profanation de la souveraineté du peuple RPM venait d’être commis par le chef du parti lui-même. Ce fût le péché originel qui fit chasser le RPM du confort majoritaire pour lui faire souffrir les avatars du consensus.
Il renonçait ainsi à l’honneur et aux responsabilités d’être majoritaire dans une démocratie pour se laisser entraîner tel un somnambule qui se laisse diriger. Il se condamne lui-même à l’inaction par ses criailleries en faveur de la tranquillité consensuelle. Cette position équivoque finit de consumer, d’émietter l’ardeur de la jeunesse et des militants les plus engagés. Certains d’entre eux n’avaient d’autre choix que de rompre avec le parti. On ne pardonne pas à un chef de quitter le champ de bataille pas plus qu’une femme, le moment de faiblesse qui l’éloigne du foyer conjugal. Cette période annonçait déjà la décrépitude du parti.
La troisième période qui est encore en cours pourrait être appelée la période de l’opposition factice. Elle débute avec la mise en place du dernier bureau de l’Assemblée Nationale en décembre 2005. L’événement surprit les députés du RPM comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Déconcertés par une stratégie qui consistait à les mettre en minorité dans la composition du bureau, ils durent finalement renoncer à y participer au regard des places de vaincus qui leur furent proposées. Cette défaite va rejeter à l’arrière-plan de la scène parlementaire un RPM qui s’efforcera de reprendre sa place en avant sur la scène politique à chaque événement, mais chaque fois avec une énergie diminuée et un résultat plus faible. Ceux qui s’attendaient à un grand exploit du RPM à sa deuxième Conférence Nationale furent déçus dans leur attente.
La conférence se terminait avec le discours d’ouverture du président du parti qui déclara : “Notre démission de nos fonctions actuelles ne serait pas compréhensible”. Cette déclaration non seulement mettait fin à toute attente de la Conférence Nationale, mais aussi elle était suffisamment révélatrice de l’absence d’exercice démocratique au sein de ce parti et surtout du manque de débat réel en ce qui concerne les prises de décisions importantes. En toute logique démocratique, on s’attendait à voir la conférence débattre des démissions. Elle devrait débattre d’abord de la démission du Président de l’Assemblée Nationale qui est désormais solitaire, impuissant, sans autorité et très à l’étroit dans ses petits souliers. Ce qui est plutôt incompréhensible, c’est que dans une démocratie représentative, que ce soit le représentant de la minorité qui préside à l’Assemblée Nationale.
Ce qui est encore incompréhensible, c’est que le RPM n’arrive pas à s’appliquer une certaine rigueur et qu’il exige pourtant du gouvernement.
D’ailleurs puisque le leader du RPM est candidat à la candidature de la présidentielle de 2007, une élection qui aura lieu dans moins d’une année, il aurait tout intérêt à anticiper sa démission pour mieux organiser son parti en vue de ces consultations qui ne seront pas un gâteau et pour lesquelles il n’aura pas à tout le moins l’appui de ATT “qui n’y sera pour rien” dans la mesure où c’est avec lui qu’il aura à croiser le fer. Mais de nos jours, les leaders politiques perdent toujours de vue l’intérêt de leur parti pour un bien-être passager, et celui du RPM est loin de constituer une exception.
C’est donc seulement après le débat sur la démission du Président de l’Assemblée Nationale, qu’il aurait fallu envisager celui des ministres du RPM du gouvernement. Mais pour couper court à tout débat, l’incontestable Président se précipite pour annoncer dans son discours d’ouverture : “Le portefeuille ou le poste quel qu’il soit, n’a pas d’intérêt pour nous qu’autant qu’il permettra, non de nous servir, mais de servir le peuple du Mali”. Comme si l’on ne pouvait pas servir le peuple en étant dans l’opposition. Et comme si l’opposition n’était pas responsable de l’Etat.
La tempête qu’annonçait la deuxième Conférence Nationale du RPM se fit donc dans un verre d’eau, à la dimension miniature de ses acteurs. Tel l’âne de Buridan (Il s’agit de cet âne affamé et assoiffé, mais qui n’arrive pas à choisir entre le foin et l’eau. Il se laisse finalement mourir, de faim et de soif…), le RPM aujourd’hui, a choisi de succomber sur-le-champ de bataille de la démocratie, avec les honneurs de son passé, de son héroïque lutte pour laquelle ATT fût sans conteste pour quelque chose. Pas vrai IBRIM?
Amadou Yanda, militant URD Commune VI, Bamako
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