Sécurité intérieure : Les policiers sur pied de guerre

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Les policiers seraient sur le point de mener des actions énergiques pour protester contre le comportement peu orthodoxe de certains représentants des Institutions de la République. Ils ne supportent plus d’être le souffre-douleur de certains élus de la Nation qui se croient tout permis.  Demain, les policiers de la circulation routière projettent un sit-in de plusieurs heures. Ils se réserveraient le droit ensuite de mener d’autres actions dont, entre autres, des marches de protestation et des arrêts de travail.

Bamako, le 29 août 2011. Au rond-point du «Grand Hôtel», vers quinze heures, un policier, dans l’exercice de ses fonctions, c’est-à-dire réguler la circulation, se fait agresser. Son tort? Avoir arrêté une file de véhicules pour permettre à une autre de passer, comme il a coutume de le faire selon le système d’alternance. Seulement ce jour, cette pratique équitable n’est pas du goût de tout le monde. En particulier d’un individu répondant au nom de Yaya Sangaré, que des témoins auraient reconnu comme Député élu à l’Assemblée Nationale du Mali. S’en suit un incident digne d’un Etat de non droit et de privilèges.

Le prétendu Député, selon les explications de la police, se trouvait à bord d’un véhicule Mercedes de couleur blanche, immatriculé R 5911 MD, en deuxième position derrière une voiture Peugeot 406, quand sa file a été arrêtée par le sergent de police Sadio Kanouté. Cette mesure provoque illico la colère du Député, qui, toujours selon le rapport de police, donne l’ordre à son chauffeur de contourner la tête de file et de foncer droit sur le policier. Ce dernier sera heurté violemment, mais, apparemment, cela n’a pas suffi au Député. Il débarque de son véhicule, prend le policier au collet et lui déclare ceci : «Pourquoi tu m’arrêtes, tu ne vois pas le macaron des Députés sur le pare-brise de ma voiture, tu ne sais pas qu’en tant que Député, un policier ne doit pas arrêter mon véhicule au cours de la régulation ?». Il remonte ensuite dans sa voiture et ordonne encore à son chauffeur, très embarrassé, de «continuer sa progression, au mépris des injonctions des agents». L’incident se serait passé devant un officier civil de l’armée, le Lieutenant-colonel Lassana Diakité, chef de division Défense et Sécurité.

Bien entendu et fort légitimement, les policiers ont décidé de prendre des mesures adéquates pour rentrer dans leurs droits qui sont, entre autres, qu’on les laisse exercer librement leurs fonctions. Et pour cela, des sit-in, marches et grève seraient prévu.

Au-delà du caractère faits divers de cet incident anecdotique, il convient de dénoncer certaines pratiques déplorables et lamentables dans lesquelles se distinguent, de plus en plus, certains représentants des plus hautes Institutions de la République.

Il est vrai que les policiers, pris dans un grand ensemble, sont loin d’être des saints. Ils se distinguent eux-mêmes, couramment, par des actes qui sont très loin d’honorer des représentants de l’ordre. Mais, ils constituent un mal nécessaire et, avant tout, ils portent cet uniforme qui est un véritable symbole républicain et national. Un objet à respecter, voire, à vénérer par tous les citoyens. Et les Députés ne font pas exception. Il est donc hautement déplorable et regrettable que des représentants des plus hautes institutions en fassent des souffres douleurs.

Il n’y a pas longtemps, c’est un membre du Gouvernement qu’on accusait de pires vilenies à l’endroit de policiers qui ne relèvent nullement de sa tutelle, à l’Aéroport international de Bamako-Sénou. Il s’en est expliqué, sans pour autant présenter ses excuses à un corps qui s’est senti offensé par ses actes et propos. Avant cela, c’est un autre Député qui, en plus d’une tentative d’étranglement sur la personne d’un journaliste, lui aussi dans l’exercice de ses fonctions, s’en est pris violemment, vulgairement et toujours lamentablement à des policiers du même. Un autre Député serait sur le point de faire l’objet d’une instruction judiciaire avec peut-être, à la clé, une mise en examen pour une forte implication présumée dans un trafic international de drogues dures dans le nord du pays.

Si les Députés sont couverts du parapluie de l’immunité parlementaire, sont-ils pour autant au-dessus de la loi? Non, même si beaucoup d’entre eux, parce qu’incultes et ignorants, ne le savent pas et se croient, par conséquent, tout permis. Alors, des Ministres rouspéteurs, des Députés étrangleurs et des élus arrogants, on n’en a pas besoin. Qu’ils restent, juste, dans leur rôle. C’est-à-dire élaborer, proposer et voter des lois, et, surtout, être les premiers à les respecter. Histoire de donner le bon exemple.

En l’occurrence, un Député doit savoir que son fameux macaron ou écusson ne lui donne aucun autre droit que celui de se faire distinguer comme un élu d’un peuple sur lequel il n’a aucune autre prérogative que celle de se faire entretenir gracieusement par les autres.

Mais, ce macaron qu’on leur permet d’arborer, que vaut-il réellement aujourd’hui ? Cette question a largement droit de cité, quand on sait que certains élus distribuent cet objet à des parents, proches et amis afin que ceux-ci l’accrochent au pare-brise de leurs voitures. Le but est évidemment frauduleux, voire criminel, puisque par ce stratagème, ces parents, proches et amis se soustraient aux contrôles de la police et de la Douane, la plupart de ces véhicules étant non dédouanés. Si on ajoute à tout cela le fait que des badges, écussons, drapeaux et macarons sont vendus comme des petits pains sur les différents marchés de la capitale, on peut se faire aisément une idée du manque à gagner pour l’Etat, en termes de non recouvrement de taxes douanières et du trafic d’influence qui se pratiquent sous son couvert. Il revient à ce même Etat de prendre son courage à deux mains en veillant à l’utilisation correcte des couleurs de la Nation.
Cheick TANDINA

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