C’est le conseil des Ministres du 04 octobre dernier qui a brisé le tabou par l’adoption d’un projet de loi portant militarisation de la Police nationale et de la Protection Civile. L’argument sécuritaire ainsi que les recommandations des Assises Nationales de la Refondation sont passés par là. Et si les policiers deviennent des militaires à part entière, leur mission principale, aux termes dudit projet, sera de sécuriser chaque zone libérée par l’armée. L’esprit de la militarisation est donc un appui aux efforts de sécurisation des personnes et de leurs biens dans les zones de conflits, puis une contribution de la police au retour de l’administration et des services essentiels en vue d’amorcer la stabilisation et le développement. Quant aux modalités d’application de la nouvelle loi, elles sont attendues avec beaucoup d’intérêt et beaucoup sont curieux de savoir si les titres et grades de Commissaire, Inspecteur, et Commandant laisseront place aux galons de l’armée sans compter les traitements et avantages y afférents. Toutes choses qui nécessiteront une manne financière supplémentaire et grèveront par conséquent les charges de l’Etat.
En attendant son passage pour approbation devant le Conseil National de Transition, l’organe législatif de la transition, ledit projet alimente les débats depuis sa publication et chacun y va de ses commentaires et jugements. Et pour d’aucuns, le dessein inavoué est de mettre un frein à la prolifération du nombre de syndicats (14 syndicats actifs) avec à la clé des revendications presque intenables, du moins dans l’état actuel du pays. Du côté des populations souvent victimes d’arnaques de certains policiers, qui ont transformé la police d’un corps de sécurité en un corps de spoliation et de rançonnement, sur la circulation routière notamment, la nouvelle loi a été accueillie avec beaucoup de joie. Sauf qu’il n’a jamais été question de retirer les policiers de la circulation, une éventualité qui implique l’avènement d’une police territoriale. De quoi conforter là position des groupes séparatistes qui réclament bec et ongles la gestion autonome de leur propre sécurité au nouveau régional. Quoi qu’il en soit, la manche est loin d’être gagnée par les initiateurs de la nouvelle loin, qui ne manqueront pas de croiser le fer avec un front syndical qui perçoit la démilitarisation de la police comme un acquis historique. Au fait, une remilitarisation du corps – au détour des recommandations des Assises nationales – relègue aux calendes de l’histoire la démilitarisation acquise lors de la Conférence nationale de 1991 au nom des libertés publiques.
Amidou Keita