Ils étaient environ 400 policiers à manifester le vendredi dernier à Bamako après l’arrestation de 4 Commissaires dans la journée du jeudi. Une manière pour le Syndicat de la Police nationale (SPN) de signifier au Ministre de la Sécurité Intérieure et de la Protection civile qu’il est de bonne foi pour une sortie de crise à la Police.
Mais dans le fonds, c’est tout autre chose car pendant que le Syndicat réclame de meilleures conditions de travail, les responsables du bureau, eux, sont décidés à porter leurs nouveaux grades qui ont pourtant été annulés après des nominations à titre exceptionnel au sein des différents corps de la Police. C’est ce qui a d’ailleurs entraîné cette marche du vendredi dernier par le SPN pour entraver celle du Syndicat national des Commissaires de police (SYNACOMPOL). Une manière pour le SPN de sauver les apparences et faire croire que tout va bien dans le meilleur des mondes au sein de la Police. « Nous ne voulons plus payer les cotisations de l’assurance maladie et nous réclamons un matériel adéquat pour combattre le banditisme », a déclaré le Secrétaire général du SPN, l’Adjudant-chef Simon Keita.
A l’issue de la marche (qui s’est déroulée dans le calme), les policiers ont remis une déclaration au Général Tiéfing Konaté, Ministre de la Sécurité intérieure et de la Protection civile. Cette manifestation s’est déroulée au lendemain de l’enlèvement de quatre Commissaires par des hommes encagoulés en uniforme qui circulaient dans deux véhicules de la Police. Mais ils ont été libérés le vendredi. Toutefois, des policiers accusent les responsables syndicaux de la Police qui ont organisé cette manifestation du vendredi d’avoir planifié ces rapts. Ils ont également affirmé que les Commissaires enlevés ont été « torturés ». Les geôliers leur reprochaient leur refus consécutif à l’adoption du projet de statut de la police nationale, une nouvelle disposition visant à créer une passerelle permettant aux sous-officiers d’accéder aux grades d’officiers, donc d’Inspecteurs et de Commissaires.
La Police malienne traverse une crise sans précédent liée à des promotions controversées en son sein. De sources proches du SPN, c’est le refus des Commissaires, nonobstant leur accord préalable d’adopter le document, qui a été à l’origine de ce bond d’humeur du SPN. L’histoire remonte au mois d’octobre dernier lorsque le Syndicat national des Commissaires de police (SYNACOMPOL) s’est vivement opposé à l’application des Décrets et Arrêtés de nomination à titre exceptionnelle d’éléments de la Police présumés proches de l’ex-junte. Evoquant alors une violation des textes, en l’occurrence, le statut de la Police nationale, le SYNACOMPOL parvient à obtenir l’annulation des décisions, mais non sans susciter des rancœurs au sein du SPN. Il a donc fallu un méchoui bien arrosé et très médiatisé pour sceller la paix des braves. Par la suite, il a été décidé de relire les textes, en l’occurrence le fameux statut à l’origine de la discorde. Les deux camps seraient parvenus à un accord sur la question, du moins, jusqu’au moment de son adoption par les autorités de transition.
C’est alors que le SYNACOMPO opposa un niet catégorique qui suscita du coup la colère des hommes de Siméon Keïta qui se mirent à la recherche de ceux qu’ils considèrent désormais comme des «traîtres». Et de soutenir qu’immédiatement après la sortie de leur promotion en 2005, ces mêmes Commissaires ont bénéficié du bonus d’un échelon sans susciter la moindre opposition de leurs aînés. Du côté du SYNCOMPOL, on soutient mordicus qu’aucun accord n’est intervenu sur la question.« Il est indécent de récompenser des putschistes surtout en ce moment de crise où les priorités se trouvent ailleurs »,confie un Commissaire syndicaliste. Comme on le voit, les deux camps restent cantonnés dans leurs positions respectives. C’est donc dans un climat délétère et plein de suspicions qu’est intervenue l’arrestation des Commissaires dans la nuit du jeudi dernier. Le vendredi matin donc, les deux camps ont décidé de manifester chacun de son côté : les Commissaires auprès du département de tutelle pour protester contre l’arrestation des leurs, et les sous-officiers pour exiger une amélioration de leurs conditions de travail. En attendant, les promotions accordées à des policiers considérés proches de l’ex-junte sont annulées. Mais les incidents qui se poursuivent attestent que les forces armées et de sécurité du Mali restent aujourd’hui profondément divisées, surtout à un moment où des forces étrangères sont invitées sur le théâtre des opérations au Nord du pays.
Jean Pierre James