Papa Mamby Kéita est un inspecteur de police qui mérite les lauriers de la nation.
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C’est par la presse malienne que j’ai découvert, pour la première fois, les exploits de l’inspecteur principal Papa Mamby Kéita, chef de la Brigade de recherche du commissariat du 3e arrondissement de Bamako. Au début, je n’y prêtais qu’une vague attention, parce que j’ai toujours eu une méfiance naturelle envers les forces de l’ordre. Dans ma courte vie, j’en ai vu des ripoux, des violents et des incompétents dans ce corps, que ce soit au Mali ou ailleurs dans le monde. Je pensais donc que les informations le concernant étaient savamment coulées par les chefs à des fins de communication.
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Mais, le doute s’est vite estompé avec la constance dans l’action de celui qui a abondamment mérité le surnom Epervier du Mandé. Avec la régularité du métronome, il alpague des bandits de grand chemin, des escrocs internationaux, des criminels de la pire espèce. Pratiquement sans moyens. La méfiance s’est peu à peu muée en admiration. Et, au mois d’avril dernier, profitant d’un séjour au Mali, j’ai suggéré à un ami d’aller voir en personne Papa Mamby Kéita. Non pas pour lui apporter l’or d’Ali Baba, mais simplement pour lui dire un gros « merci ».
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Nous avons été le voir dans ce commissariat. Je m’attendais à trouver un colosse bâti comme un Rambo, fier et arrogant qui exhibe ses muscles. Eh bien, non ! J’ai découvert un homme tout à fait normal, quasiment mince, humble, presque effacé et carrément gêné de faire l’objet d’une telle sollicitude. Il s’est contenté de murmurer : « Ça fait plaisir d’apprendre que des Maliens, jusqu’au Canada, ont une idée positive de notre commissariat et apprécient notre travail. Nous sommes fiers des Maliens de l’étranger qui n’oublient pas leur pays ». Puis, comme pour éclipser sa personne, il nous a présenté ses collaborateurs de la BR un à un. Tous aussi sympathiques les uns que les autres. Le commissaire était absent. Nous avons pris quelques photos avant de partir.
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Cette rencontre n’a fait que renforcer mon admiration envers cet homme tout comme envers tous les gros travailleurs, des gens qui, sans moyens, travaillent au lieu de passer leur vie à se lamenter. Quand nous avons parlé de moyens, il a simplement dit : « Nous faisons avec ce que nous avons sur place ». Cet homme est vraiment exceptionnel.
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Alors, j’ai voulu en savoir plus sur lui. J’ai interrogé un ami d’enfance, maintenant commissaire de police. Il y a près de 30 ans, à l’Ecole primaire de Quinzambougou, nous avons découvert le 3e arrondissement ensemble quand Djibril Sylla, fils de Youssouf Balla Sylla, était notre camarade de classe. Cet ami qui connaît bien l’Epervier du Mandé m’a ainsi parlé de l’homme : « La première chose à savoir sur PMK, c’est que l’homme est un policier dans l’âme. Il n’est pas entré dans ce corps pour éviter le chômage ou parce que ses parents ont payé l’examen à gros prix. Il est devenu policier parce que c’est le seul métier qu’il aime. Ensuite, PMK est un travailleur d’équipe. Il n’est pas infatué de sa personne et fait entièrement confiance à ses hommes. Non seulement il leur fait confiance, mais il les met en valeur et écoute leurs conseils. Puis, PMK a eu la chance de tomber sur le commissaire Sissoko. Comme chef, Sissoko n’est ni un patron jaloux et mesquin ni un assoiffé de gloriole. Il sait que les exploits de ses hommes rejaillissent automatiquement sur tout le commissariat qui est sous sa responsabilité. Le 3e arrondissement est un commissariat à part tant l’esprit de corps y est développé. Ils ont une tradition et une réputation qu’ils tiennent à sauver. Je pense que PMK est servi par Dieu : un policier compétent, des collaborateurs compétents et un chef qui les laisse travailler. Sais-tu que PMK achète lui-même ses cartes de recharge de cellulaire et souvent la BR cotise pour acheter l’essence ? C’est exceptionnel pour le souligner ».
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Travailler dans un tel état de dénuement et démanteler des réseaux très riches et puissants est assurément une gageure. Je n’avais pas idée de l’état de nécessité dans lequel vit la police malienne. Arrêter dans ces conditions un pickpocket simplement mérite des félicitations.
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L’Epervier du Mandé est un policier qui mérite les honneurs, lui, ses hommes et son commissaire. Il est également important que je vous parle de l’inspecteur principal Siaka Traoré du 11e arrondissement qui m’a aidé, pendant ce séjour, à mettre hors d’état de nuire un voleur qualifié. Je l’ai vu à l’œuvre avec son équipe. Démunis mais déterminés. Et je vous raconte une anecdote. Un jour, vers 13 h, l’équipe de la BR du 11e était en train de déjeuner quand un citoyen est venu apporter l’information selon laquelle une bande de voleurs de Jakarta se disputait sous un arbre à propos du partage des motos. Je m’attendais à une réaction de dépit du genre : « Tu vois pas que nous sommes en train de manger ! » ou « Nous n’avons pas les moyens de les cueillir, pardi ! »
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Non, les policiers ont abandonné repas et thé, pris la seule voiture de patrouille, réquisitionné un taxi pour se rendre illico à la place indiquée et attraper les filous en flagrant délit. Rien qu’à voir le large sourire de l’inspecteur Traoré quand il se faisait taquiner par son collègue Attaher Maïga, j’ai compris que là également, c’est une famille au travail. Ce sont des exemples de ce genre qui nous font encore espérer en la qualité des hommes.
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(journaliste, Montréal)
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