Cette levée du couvre-feu annoncée par le Premier ministre à la suite d’un Conseil National de Défense extraordinaire tenu le vendredi dernier est venue à point nommé. Ladite décision a été obtenue par la rue à la suite de plusieurs manifestations avec à la clé des affrontements entre contestataire et forces de l’ordre. Les premières manifestations étaient l’œuvre des contestataires des résultats des élections législatives du 19 avril 2020, proclamés sur fond d’arrangement avec le parti majoritaire afin de le maintenir dans cette position. Cette catégorie de manifestants, était très déterminée à en découdre avec les forces de l’ordre, même au prix de leur vie étant donné que les membres de la Cour Constitutionnels n’étaient pas à leur première tentative.
Au même moment, le quotidien l’Indépendant dans sa parution n°4964 du lundi 11 mai 2020 a constaté que des jeunes de presque tous les quartiers de la capitale et de certaines régions ont envahi les rues pour protester contre le couvre-feu devenu insupportable pour eux. En effet, la difficulté de supporter la situation a été amplifiée par les coupures intempestives d’électricité et les bavures policières récurrentes.
La multiplication des manifestations interpellait depuis quelques jours déjà dans la capitale du Kénédougou (Sikasso) à Bougouni, à Kati, à Yanfolila les populations en colère contre les résultats du second tour des élections. Ces populations sont sorties massivement pour protester en érigeant des barricades dans presque toutes les entrées et sorties de ces villes. Ces manifestations interpellaient alors les plus hautes autorités contraintes d’agir d’autant plus que la situation avait pris des proportions inquiétantes dans certaines localités comme Bamako et Sikasso où l’on aurait enregistré des cas de perte en vie humaine suite à des tirs à balles réelles. La situation a dégénéré lorsque les forces de l’ordre ont tiré sur des civils. Plusieurs vidéos circulant sur les réseaux sociaux ont relaté les exactions commises : blessures par balles, coup de feu, partout. La jeunesse s’estlevée et a protesté contre la situation politique et sociale, de plus en plus anxiogène. Les forces de l’ordre ont utilisé les gaz lacrymogènes pour atteindre leurs objectifs, libérer les voies et ramener le calme et la quiétude. Selon des confrères joints au téléphone, dans cette manœuvre des forces de l’ordre, on déplore beaucoup de dégâts matériels, des motos détruites. Même des voitures ont été incendiées. Si les raisons ont divergé à Kayes, à Bamako, notamment en commune I, Commune V, Commune VI, elles ont convergé finalement vers le même objectif la levée du couvre-feu. C’est dans cette atmosphère délétère qu’une session extraordinaire du Conseil Supérieur de la Défense a été convoquée le vendredi 8 mai, pour faire le bilan du couvre-feu. Finalement, le chef de l’État et son gouvernement ont décidé de sa levée. Une décision reçue comme une bouffée d’oxygène par les populations satisfaites d’avoir retrouvé la liberté de circuler nuitamment malgré que cette mesure soit une entorse importante à la lutte contre la propagation du Covid-19 dont le nombre de cas confirmés aujourd’hui a dépassé au Mali 700. Il est aujourd’hui indéniable que la présence de la pandémie est une réalité irréfutable et qu’elle a franchi les bornes de la capitale et de la région de Kayes pour s’étendre à presque tout le pays.
Il faut rappeler surtout que les périodes du mois de carême sont des moments propices pour faire tomber les régimes politiques au Mali. C’est donc la raison qui a certainement poussé le Président IBK à bloquer les conséquences d’une révolte généralisée contre son régime. Cependant, il faut reconnaitre qu’avec la levée du couvre-feu, le président IBK et son gouvernement ont montré les limites de leur action à faire face au fléau. Elle est venue s’ajouter à d’autres échecs, notamment leur incapacité à fermer les mosquées, la non-application de la mesure de fermeture des marchés à partir de 16 heures, etc. À cela s’ajoute la tenue des législatives en pleine pandémie. Bref, le régime IBK, par ses actions improductives, semble perdre le contrôle de la guerre contre Covid-19. La levée du couvre-feu sera certainement accompagnée de la réouverture des lieux de rassemblement nocturne contribuant à l’amplification de la pandémie. Aujourd’hui, le risque est grand que notre pays devienne un foyer important du Covid-19 dans la sous-région.
Badou S KOBA