« C’est, en voulant empêcher un boucher de mettre la vie des populations en danger, en leur vendant de la viande pourrie, que le Commissaire Divisionnaire, Mamoudou Baka Sissoko, a été grièvement blessé. Cet incident remet au goût du jour, la sécurité sociale des Forces de Sécurité, chargées de veiller sur la quiétude de nos concitoyens.
Tout a débuté, dans la matinée du 31 octobre dernier. Arrêté devant le commissariat, en attendant l’heure du briefing, le Commissaire est surpris de voir passer sous son nez – et de surcroît devant le commissariat de police – un boucher transportant de la viande, exposée aux intempéries. Sans emballage, aucun, cette viande présente, à vue d’œil, tous les symptômes d’une viande impropre à la consommation. Plus grave, le boucher avait les deux pieds posés dessus, il roulait, à vive allure, en direction du marché de Banconi.
Tiqué par l’état de la viande, le commissaire fait signe au boucher de s’arrêter. Réalisant qu’il avait affaire à un flic, le boucher tente d’accélérer. Mais le commissaire, décidé à préserver la santé des populations, saisit le porte -bagage de la moto. Le boucher l’entraîne dans sa fuite. Le commissaire perd son équilibre. Pour éviter de tomber sur sa tête, il s’appuie sur sa main droite.
Traîné, sur plusieurs mètres, par le marchant de mort, le commissaire, qui ne voulait pas lâcher prise -même au péril de sa vie – se retrouve avec des blessures graves. Sa main droit – en particulier son pouce droit- est hors d’usage pour un mois. Il a été fendu jusqu’à l’os. Sa tête n’a pas été, non plus, épargnée. Elle arbore, encore, les cicatrices de multiples contusions.
Le boucher, lui, se fonds dans la nature. Transporté au Centre de santé de la Commune I où, il reçoit les premiers soins, le Commissaire ordonne à ses Agents de retrouver le marchand de mort. Retrouvé peu après, il est placé en garde à vue.
Pendant ce temps, le Commissaire est transporté chez lui. Trois jours après, sa main s’infecte et dégage une odeur nauséabonde. Le Commissaire montre, alors, sa main à un de ses amis, médecin militaire qui s’écrie, face à sa blessure.
Depuis les ordonnances pleuvent. Sans discontinuer. En l’absence d’une couverture sociale pour les Forces de Sécurité, le Commissaire s’est vu obligé de prendre ses soins en charge.
La couverture sociale des Agents de sécurité en question
Cet incident remet sur le tapis la couverture sociale des Agents des Forces de sécurité. Pourquoi un policier, blessé dans l’exercice de ses fonctions, n’est pas pris en charge par l’Etat ?
Ceci explique, souvent, la réticence de certains Agents de police d’aller au charbon. S’il se blesse ou s’il meurt en mission, qui prendra sa famille en charge ? Ceci explique, aussi, la modicité des moyens mis à la disposition de nos forces de sécurité, surtout dans un contexte marqué par le grand banditisme. Un exemple : pour les rafles nocturnes, les commissariats de police ne disposent, chacun, que d’un véhicule et dix litres d’essence. A tout cela s’ajoute, l’insuffisance des effectifs.
Si dans les normes internationales, il est prévu un policier pour 300 habitants, au Mali, le quota est de 30.000 habitants pour un policier. Un autre exemple qui donne froid dans le dos : les deux commissariats de la Commune I (celui de Korofina et de Boulkassoumbougou) ne totalisent pas plus de 100 Agents.
Pendant ce temps, les bandits, armés jusqu’aux dents, s’attaquent aux populations qui, à leur tour, accusent la police de dormir sous ses lauriers. Si rien n’est fait pour inverser cette tendance, nos concitoyens courent un grand danger.
En attendant, le Commissaire Divisionnaire, Mamoudou Baka Sissoko, garde le lit pour un mois, sur conseil de son médecin. A défaut de prendre ses soins en charge, l’homme, blessé dans l’exercice de son métier, mérite bien une médaille. Une grosse médaille. Car, en interpellant ce marchant de la mort, il a sauvé des vies. Même si, au tribunal, il a pardonné au boucher. « Pourquoi ne pas pardonner à ce pauvre type, comme le pape l’a fait avec le jeune homme, qui a tenté de l’assassiner », a-t-il déclaré au tribunal de la Commune I, devant une cour médusée.
Le Mollah Omar
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