Au cours d’un point presse tenu à son siège, la Section syndicale de la police se mêle à l’agitation qui menace le front social en exigeant la démission du ministre de la Sécurité intérieure, Sadio Gassama.
Le 10 décembre, Siméon Kéita, secrétaire général de la Section syndicale de la police, entouré de plusieurs de ses camarades, a animé un point presse au cours duquel il a expliqué les nouvelles revendications de son corps, dont la principale est le départ du gouvernement de Sadio Gassama, ministre de la Sécurité intérieure et de la protection civile. Les griefs que nourrissent les policiers contre le ministre de tutelle sont multiples et remontent à très longtemps. Essentiellement, les policiers reprochent à Gassama de poser des actes qui empêchent leur corporation de faire face à ses missions régaliennes, de saboter leur statut avec la complicité de quelques policiers «achetés », de violer les textes, de contourner la loi quand cela l’arrange, de prendre arbitrairement contre eux des sanctions (suspension et radiation) sans passer par le Conseil de discipline, etc. La situation, qui n’a fait que s’empirer, a atteint un point de non-retour.
«Carton rouge à Sadio Gassama, tu nous a assez divisés et brimés, il est temps de t’en aller», pouvait-on lire sur les banderoles lors d’une première marche organisée par les syndicalistes. A l’époque déjà, nombreux avaient cru que le divorce était consommé entre les policiers et leur chef. Mais la situation a paru se décanter quand le ministre avait demandé aux syndicalistes, lors d’une rencontre tenue le 23 février, de lui faire des propositions allant dans le sens de l’apaisement. Mais peu après, la tension se serait plutôt exacerbée, aux dires des policiers. Le ministre a continué son immixtion dans la gestion des affaires syndicales. «En complicité avec Siaka Diakité, il a autorisé, le 1er mai, des élèves policiers à défiler avec armes, ce qui est contraire au règlement», explique Siméon Kéita. Le ministre n’aurait pas fait que cela : à partir d’une décision de justice non encore rendue, il aurait sanctionné et radié des fonctionnaires de police. Trente-quatre policiers auraient alors été sélectionnés, sans aucun véritable motif, dans le bureau d’un haut fonctionnaire pour être entendus par la gendarmerie, pour leur faire porter le chapeau en les sanctionnant ou, peut-être, en les radiant pour des fautes qu’ils n’ont pas commises.
Par ailleurs, le ministre n’aurait aucune considération pour le corps de la police et ferait tout pour saper le moral des troupes. Pour preuve, selon les policiers : avec un budget de 800 millions de FCFA par an, pour la dotation, depuis la célébration du Cinquantenaire, ils n’auraient pas encore reçu le moindre matériel. Pour un intervenant, depuis 2005, la police n’a pas reçu de dotation.
Comment peut-on s’employer à diviser un corps comme la police et à saper le moral de ceux-là mêmes qui sont chargés de la sécurité des personnes et des biens et rester encore ministre ? S’interrogent les policiers. «Pour sécuriser la population, il faut être soi-même en sécurité », estiment-ils. Or, aujourd’hui, le pays traverse des zones de turbulence avec l’insécurité qui règne partout, au nord comme au sud, à l’est comme à l’ouest. Et même dans les camps puisque, récemment, selon les syndicalistes, un des protégés de Gassama aurait tiré six coups de feu sur des gens sans être pour autant inquiété. D’après eux, l’insécurité se serait accrue parce que les hommes ont baissé les bras, n’ayant plus la foi, ni le cœur à la tâche. En plus, ils n’entendent plus rester passifs face à un groupuscule de policiers que le ministre financerait pour qu’ils sabotent les actions syndicales.
Comme on le constate, la situation est explosive et pourrait vite dégénérer. Cependant, les syndicalistes affirment qu’auparavant, ils useront de tous les moyens légaux et syndicaux pour obtenir gain de cause, c’est-à-dire le départ de Gassama ; «Tant qu’il reste à son poste, les citoyens sont en danger, il a atteint le seuil de l’incompétence », assènent-ils. Déjà au cours de cette semaine, ils comptent planifier un certain nombre d’activités, mais dans le plus grand respect de la loi. S’ils échouent alors à obtenir le limogeage de leur ministre, ils passeront à la vitesse supérieure. Laquelle ? Ils ne le disent pas, mais le pire est à craindre.
Cheick TANDINA