Une pratique, très dangereuse et stressante est en train de se développer entre les Départements ministériels et le Cabinet de la présidence de la République. Les chargés de communication des Ministères et de certaines institutions de la République seraient soumis à de véritables chantages et trafics d’influence de la part de certains collaborateurs du président de la République à propos d’insertions dans des revues, journaux et magazines étrangers.
Dans les Départements ministériels et les institutions de la République, le poste de chargé de mission (de communication) est très important, car il permet au Gouvernement et aux institutions de la République d’assurer une bonne communication institutionnelle. La possibilité de multiplier ces postes dans un seul Département, afin de donner une meilleure visibilité et une bonne traçabilité de l’action gouvernementale, avait même été évoquée et fait son chemin. D’ailleurs, la présidence de la République et la Primature disposent chacune, depuis des années, d’une véritable cellule de communication composée de plusieurs éléments, en général d’anciens journalistes et communicateurs. Mais, malgré leur importance avérée pour les Ministres, les chargés de mission de communication vivraient, depuis un certain temps, un véritable calvaire. Ceux d’entre eux que le Prétoire a rencontrés ont avoué être soumis à de multiples pressions dont le chantage et le trafic d’influence. De la part de qui ? De certains «travailleurs» tapis dans l’ombre du président. Ils seraient de proches collaborateurs d’ATT ou, en tout cas, auraient de larges entrées à Koulouba. Comment opèrent-ils ?
Selon nos interlocuteurs, ces collaborateurs du président sollicitent et obtiennent de certains journaux et magazines étrangers de venir couvrir des événements au Mali ou d’y effectuer des reportages. Pour ce faire, ces «journalistes», à leur tour, exigent de bénéficier d’insertions dans leurs journaux. Les collaborateurs du président ne trouvent alors aucune autre solution que de se rabattre sur les chargés de communication auxquels ils envoient leurs «journalistes». Très souvent, ils les accompagnent eux-mêmes. La «mission» du chargé de communication est simple : «Vous devez obligatoirement convaincre votre Ministre de produire et d’insérer une communication dans le journal de ce monsieur. Son journal a une grande audience et est international, donc vous devez collaborer avec lui». Auparavant, l’intermédiaire qui est connu pour être effectivement un collaborateur du chef de l’Etat commence son discours par ceci : «c’est sur instruction du président de la République en personne». Ce qui n’est ni plus ni moins qu’une intimidation doublée d’un trafic d’influence et accompagné de chantage : «le président entend que vous donniez toute la diligence nécessaire à cette affaire. Vous savez, si vous ne pouvez pas faire cela, quelqu’un d’autre pourrait le faire à votre place. On vous a fait nommer à ce poste pour que vous collaboriez, sinon il y a beaucoup d’autres candidats au même poste».
Aux dires de nos interlocuteurs, ces collaborateurs du président ont tous leurs numéros de téléphone (y compris ceux des portables), ce qui fait qu’ils les harcèlent à longueur de temps et les pressent de s’exécuter, sinon,…
C’est ce que ne comprennent pas les chargés de communication soumis à toutes ces pressions: pourquoi ces collaborateurs, qui se disent si proches du président de la République ou du Premier Ministre ne s’adressent pas directement aux Ministres en personne ? Pourquoi doivent-ils par eux, simples chargés de communication qui ne décident rien et n’ordonnent rien ? Pourquoi, si ce sont effectivement des instructions du président ou du Premier Ministre, il n’y a jamais d’écrits ou d’officiel ?
En réalité, estiment-ils, ces collaborateurs n’agissent que pour leurs comptes personnels et ne sont mandatés par personne d’autre que leurs intérêts personnels.
Ils se sont constitués des réseaux de trafics en complicité avec des journaux étrangers qui réalisent des numéros hors série ou des éditions spéciales. Avec un substantiel bénéfice, la page est vendue entre 3 et 5 millions de FCFA. Il reste entendu que les Ministères, loin de se douter de la visite de prédateurs, fussent-ils de l’entourage présidentiel ou «primatorial», n’ont pas inscrit de telles dépenses dans leur budget.
Ce qu’ils prévoient en général, ce sont les insertions dans les médias nationaux, insertions dont le coût est loin de valoir ceux exigés par la presse étrangère. Le risque : indiscipline budgétaire, double emploi, allocation fantaisiste.
En plus, ces chargés de communication estiment que leur cible pour la communication institutionnelle est et demeure le public national, et trouvent donc qu’on leur impose des dépenses coûteuses et inutiles, la presse étrangère se révélant moins communicative que les médias locaux, lesquels sont les seuls à leur permettre d’atteindre leur cible nationale.
A la suite de tout ce qui précède, ils demandent donc au président de la République et au Premier Ministre de mettre bon ordre à tout cela, et de remettre la communication institutionnelle dans son bon droit. Mais surtout de mettre un terme définitif aux agissements et pratiques mafieux de leurs collaborateurs prédateurs.
Cheick TANDINA