« Ca, ce n’est plus une question d’Assurance Maladie Obligatoire ni de syndicat. C’est autre chose ! ». Les propos viennent du chef d’Etat en personne, lors d’une réunion pas comme les autres tenue dimanche dernier à Koulouba. Ils font suite à l’affrontement lors du défilé du 1er Mai opposant éléments proches de la Direction Nationale de la Police et membres du syndicat affilié à l’UNTM. En somme, les plus hautes autorités craignent désormais une volonté délibérée de déstabilisation du pays. Elles n’ont peut-être pas tort.
C’est un véritable coup de force que des policiers ont opéré le dimanche dernier lors des festivités du 1er Mai.
Après avoir insisté pour prendre part au défilé du 1er Mai aux côtés de l’UNTM, des membres de la dissidence de la Section Syndicale de la police Nationale (SPN) ont finalement gagné leur pari. Mais de triste manière.
Après avoir échangé des coups de poings avec leurs homologues de la SPN à même dans l’enceinte de la Bourse du Travail, les dissidents se sont rabattus sur les autres participants de l’événement. On déplore cinq blessés dont le secrétaire administratif de l’UNTM ainsi que deux femmes protes-étendards de la SPN. Elles ont été littéralement déshabillées et physiquement agressées. Il a fallu l’intervention des gens biens pour couvrir leur nudité.
Les dissidents, en tenue correcte, ont également défilé en professant des injures grossières devant plus d’une dizaine de ministres du gouvernement présents dans les tribunes. Parmi lesquels, les Généraux Sadio Gassama, Kafougouna Koné, le ministre de la justice Maharafa Traoré, entre autres.
La question de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) était le prétexte tout trouvé. Prétexte, dans la mesure où le conseil des ministres a décidé de rendre son adhésion libre et volontaire. Il n’y avait donc pas lieu d’en faire un cheval de bataille à ce stade.
D’où cette remarque du président de la République lors de la réunion d’urgence tenue dimanche dernier, quelques heures après les événements. La rencontre a pris fin tard dans la nuit.
Auparavant, le ministre de la sécurité Intérieure et de la protection civile, avait réuni son staff au tour de lui. En plus des membres de son cabinet, le directeur Général de la Police et le commandant du Groupement Mobile de Sécurité étaient également présents.
Ces rencontres des plus hautes autorités en disent long sur les risques de troubles et de déstabilisation du pays. Et comme pour corroborer cette thèse d’un complot au plus haut niveau, il nous revient que certains des manifestants parmi les policiers dissidents étaient armés.
La riposte de l’UNTM
Le secrétaire Général de l’UNTM n’a pas apprécié le comportement des éléments perturbateurs. A la suite du gouvernement, la centrale syndicale s’est, elle aussi réunie, lundi dernier. Elle a pris d’importantes décisions.
Il s’agit d’adresser, dès ce mardi, une lettre au président de la République, demandant des sanctions disciplinaires, jusqu’à la radiation des éléments fautifs. Le Bureau Exécutif porte également plainte, ce mardi, pour agression verbale et physique. Ce n’est pas tout.
Jeudi 05 mai, le bureau syndical organise une marche générale avec sit-in, de la bourse du travail au ministère de la sécurité Intérieure.
Le même jour, un préavis de grève de protestation, pour 24 H sera déposé sur la table du gouvernement; un autre préavis de 24 H concernera toutes les autres revendications catégorielles restées jusque là-bas en stand-by.
Afin de contenir les velléités de la centrale Syndicale, le gouvernement a d’ores et déjà réclamé la liste des éléments ayant pris part aux événements.
B. Diarrassouba
Au delà de l’AMO et de la lutte syndicale
Pour le chef de l’Etat, les événements du 1er mai dernier vont au delà de l’AMO et d’une simple lutte syndicale. Peut-être bien ! Les indices annonciateurs des tristes étaient pourtant perceptibles depuis maintenant plusieurs mois.
Attaque du domicile du secrétaire Général de la SPN à l’Ecole Nationale de la Police : au moins trois personnes blessées ; perturbation d’un match de football de La coupe corporative à Kayes; marche de protestation contre l’AMO, de policiers aux côtés de la CSTM, pour une section syndicale se réclamant pourtant de l’UNTM… Et pour finir, une participation aux festivités du 1er mai aux côtés de l’UNTM et accompagnée de scènes de violences et de défiance à l’endroit des plus hautes autorités du pays. Un recul dans le temps permettra sans nul doute de comprendre les faits.
Il existe, à l’heure actuelle, deux camps se réclamant tous de la section Syndicale de la Police Nationale (SPN). Ils sont respectivement conduits par les adjudants de police Siméon Keïta et Tiekouta Kanté. Le premier est très proche de la direction Générale de la Police nationale pendant que le second bénéficie de la légitimité, puisque reconnu par la centrale syndicale, l’UNTM et même par les pouvoirs publics. Ce bicéphalisme est bien courant au sein des structures syndicales. Il s’agit donc d’un moindre mal.
Mais depuis un certain temps, la tendance bénéficiant de la bénédiction de la direction Générale, a entrepris des opérations de sabotage des activités de l’autre camp. Ses éléments sont accusés d’avoir attaqué, au mois de décembre dernier, le domicile de M Tidjane Coulibaly, secrétaire général de la section, lequel se trouve, à l’heure actuelle en formation à l’Ecole Nationale de Police. Son épouse, sa mère et ses enfants ont du recevoir des soins d’urgence à l’hôpital.
Suite à la plainte déposée contre les auteurs de l’attentat, une procédure judiciaire a été engagée. Mais au moment où nous mettions sous presse, les suspects n’ont pas été mis à la disposition de la justice. Toute chose qui suscite en ce moment l’ire du directeur National de la Gendarmerie dont les services sont chargés du dossier.
Plus tard, au mois de février dernier, un groupe se réclamant de la même tendance s’est rendu à Kayes pour perturber le match de football dans le cadre de la coupe corporative organisée par l’UNTM. Il a fallu une sévère mise en garde du chef de l’Exécutif régional afin que l’événement sportif puisse se dérouler dans le calme. Le gouverneur de la région a en effet menacé de sévir contre les fauteurs de troubles venus de Bamako.
Début avril, la même tendance se réclamant de l’UNTM, prend part aux activités organisées par la CSTM dans la lutte contre l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO).
Pour rappel, puisque initiatrice et signataire de l’AMO, l’UNTM soutient vivement le projet au contraire de la CSTM laquelle s’avère être également l’instigatrice du processus. La guerre larvée entre les deux centrales syndicales et la face politique cachée du syndicalisme ont incité la CSTM à opter pour son rejet.
Puisqu’à leur tour, les dissidents de la section syndicale (SPN) se trouvaient en quête de légitimité, ils ont rejoint les rangs de la CSTM.
Le gouvernement, pour sa part et plutôt soucieux de l’adoption de l’AMO par toutes les parties, a commis la maladresse de recevoir ces dissidents au nom de la SPN en présence de la CSTM. Toute chose qui a suscité l’embarras de l’autre tendance qui s’est sentie trahie. En clair, le ministre du développement social, en rencontrant la dissidence au nom de la SPN, leur a offert la légitimité sur un plateau d’argent et poussé l’autre camp ainsi que l’UNTM à la méfiance.
Désormais fort de cette victoire, le clan Siméon Keïta a récemment adressé une correspondance à l’UNTM rappelant son affiliation à cette entité au motif d’être le représentant légitime de la SPN et sa volonté de défiler le 1er Mai, fête du travail au compte de l’UNTM quand bien même, il venait de composer avec la CSTM contre l’AMO. C’est ce défilé qui s’est vite transformé en bataille rangée.
Le coup était bien préparé au regard de la lettre adressée à l’UNTM et dont nous avions reçue copie et des écriteaux déjà disponibles le jour du défilé. Des détails qui font admettre aujourd’hui à de bien pensants, qu’il s’agit véritablement d’une opération de déstabilisation planifiée dans le temps et dans l’espace.
B. Diarrassouba