Dans la rubrique des faits divers que nous traitons, on est rarement tombé sur des députés. Cette fois-ci, les faits incriminés sont si graves que certains se demandent encore quelle mouche a pu piquer notre confrère et député Yaya Sangaré élu sous les couleurs de l’Adema dans la circonscription électorale de Yanfolila.
En effet, selon plusieurs témoignages concordants dont celui de la victime elle-même, lorsque le Sergent de police Sadio Kanouté, en service commandé, a stoppé la file dans laquelle se trouvait l’honorable Yaya Sangaré, ce dernier n’a trouvé mieux que de demander à son chauffeur de ne pas obtempérer. Comme si cela ne suffisait pas, furieux, le député de Yanfolila est sorti de sa voiture, une Mercedes 190 de couleur blanche immatriculée R 5911 MD, pour prendre le jeune policier par ses collets avant de lui donner un coup de poing au visage.
En signe de protestation, le Secrétaire général de la section syndicale de la police nationale, Siméon Kéïta, après une assemblée générale tenue dans la cour du Groupement mobile de sécurité (GMS) le vendredi 2 août, a adressé au Pr Dioncounda Traoré, Président de l’Assemblée nationale du Mali, la lettre N° 000092 SPN du 2 septembre demandant la levée de l’immunité parlementaire du député Yaya Sangaré.
La Primature, le ministère de la Sécurité intérieure et de la protection civile, la Cour suprême et la Direction générale de la police nationale sont ampliataires de cette correspondance.
Nos multiples tentatives d’entrer en contact avec l’honorable Yaya Sangaré sont restées vaines mais nous restons toujours disponibles pour avoir sa version des faits. Toutefois, un officier supérieur de l’Armée dont nous taisons le nom sur sa demande, que nous avons joint au téléphone, est resté très amer : "J’ai effectivement assisté à toute la scène sans savoir que l’occupant de la Mercedes est un député. J’avoue que je suis très indigné de voir un civil s’en prendre ainsi à un porteur d’uniforme. Cependant, j’ai bien apprécié le comportement du jeune policier qui n’a pas répliqué. C’est très regrettable".
Joint également par nos soins au téléphone pour avoir sa version, la victime n’est pas allée avec le dos de la cuillère : "Je jure sur l’honneur que le véhicule du député m’a touché et lorsque des gens sont intervenus pour qu’il laisse mes collets, en les lâchant il m’a envoyé au coup de poing au visage. Je précise aussi que je ne subis aucune pression pour mettre fin à cette affaire que j’entends conduire jusqu’au bout".
D’autres témoignages obtenus auprès d’anciens collaborateurs de l’honorable Yaya Sangaré ne lui sont pas favorables. Tous ont mis l’accent sur sa brutalité et son impulsivité. D’ailleurs, un d’eux nous a même conseillé de faire extrêmement attention car l’homme reste, selon lui, imprévisible.
Dans tous les cas, l’acte de Yaya Sangaré reste gravissime à plusieurs niveaux. D’abord, le député Yaya Sangaré est un journaliste, ancien Secrétaire général de l’Union des radios et télévisions libres du Mali (URTEL). A ce titre, il aurait pu se contenir pour s’épargner ce lynchage. Ensuite, en tant que frère d’un Général, Siaka Sangaré, le social malien exige qu’il respecte tous les autres porteurs d’uniforme. Sans compter que dans aucun code de la route du monde, il n’est dit qu’un député bénéficie d’un privilège particulier.
Nous enregistrons à ce jour trois demandes de levée de l’immunité parlementaire de député. La première concerne Mahamadou Hawa Gassama, député URD élu à Yélimané, pour tentative d’assassinat sur la personne de Mme le maire de la Commune I du District de Bamako. La deuxième met en cause un député PDES de Kidal souillé par un trafic de drogues sur le territoire algérien et enfin le cas Yaya Sangaré.
Diakaridia YOSSI