Après l’arrestation du Commandant de la force spéciale (FORSAT police), le Commissaire Divisionnaire Oumar Samaké, le vendredi dernier, pour le rôle présumé qu’il a joué dans la répression sanglante des manifestations des 10, 11,12 juillet 2020, un groupe de policiers, fortement armés, s’est réuni devant la Maison d’arrêts de Bamako pour exiger sa libération. Au bout de quelques heures, sous la pression des policiers en colère, il a été finalement relâché. Cette action perpétrée par des policiers suscite aujourd’hui beaucoup de réactions dans le pays.
En effet, le Chef de la FORSAT (police) a été placé en détention vendredi dernier dans le cadre de l’enquête sur la répression sanglante des manifestations du M5-rfp des 10,11, 12 juillet 2020 sous le Régime d’Ibrahim Boubacar Kéïta. Mais Oumar Samaké n’a finalement passé que quelques heures en prison après la mobilisation de ses collègues furieux de son placement sous mandat de dépôt.
Aussi, certains membres de la police en armes et uniformes ont manifesté devant la prison centrale de Bamako-coura où avait été transféré le Commandant Samaké. Et, après plusieurs heures de vives tensions, il a été finalement relâché. Les versions divergent sur sa libération. Pour les uns il aurait été « exfiltré » par ses collègues policiers. Pour d’autres, il aurait été libéré par les Autorités politiques dans un souci d’apaisement. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’a pas été libéré suite à une décision judiciaire.
En tout état de cause, ce mouvement d’humeur d’une partie de la police est un acte très grave posé contre l’Etat de Droit. Cet acte des policiers ne plaide pas à leurs faveurs.
En effet, comment comprendre ou justifier un tel comportement de la part de ceux qui sont censés garantir l’ordre et la loi. Quelques soient leurs griefs face aux décisions en leur encontre, ils doivent laisser la justice faire son travail. Les policiers « Rebelles » doivent comprendre que tous les citoyens sont égaux devant la loi, leur acte de défiance est susceptible de créer un précèdent fâcheux en cette période où la majeure partie du Peuple malien aspire à une justice équitable.
Cette « démonstration de force » des policiers montre aussi à quel point on assiste à une déliquescence de l’Etat. C’est paradoxal et très inquiétant de voir les hommes censés nous garantir la sécurité violer, troubler eux même l’ordre public.
Vagues de condamnations
Face à ce comportement déplorable, plusieurs organisations et de défense des Droits humains sont montées au créneau pour dénoncer cet acte.
Aussi, l’Association malienne de Défense des Droits de l’Homme est monté a fustigé l’attitude des policiers dans un communiqué : « l’obstruction au travail de la Justice par des Agents chargés de l’application de la loi ». Et l’Organisation de Défense des Droits de l’Homme invite les Autorités « à prendre des mesures à la hauteur de la situation en restaurant la décision de Justice et en prenant des sanctions exemplaires contre les personnes impliquées… ».
Pour sa part, les syndicats de la magistrature (SAM ET SYLIMA) dénoncent dans un communiqué un « Moment sombre pour la République ». A cet effet, ils condamnent : « les agissements illégaux et intolérable des policiers »
En outre, les Magistrats réaffirment leurs engagements à lutter contre l’impunité : « le Pouvoir judiciaire est prêt, engagé et déterminé à combattre le crime sous toutes ses multiformes formes, ne cèdera ni au chantage, ni à l’intimidation encore moins à une quelconque forme de manipulations. Il exige que ses décisions soient exécutées par le Gouvernement et que force demeure à la loi et elle seule». Et le syndicat des magistrats de prévenir : « Faute d’actions vigoureuses et vérifiables dans les meilleurs délais contre les auteurs et les complices de cette rébellion, les syndicats des magistrats en tireront les conséquences par des actions syndicales dissuasives pour vaincre toute forme d’atteinte à l’autorité et à l’indépendance du Pouvoir judiciaire … ».
Quant à la synergie des sections syndicales des Surveillants de prisons, elle interpelle les Autorités en ces termes: « Nous interpelons toutes les Autorités en charge de cette question de prendre leurs responsabilités pour éviter une situation regrettable ».
Le M5-rfp, tout en se réjouissant de : « l’effectivité des poursuites judiciaires engagées, s’inquiète de la remise en cause récurrente de la discipline au sein de nos forces de sécurité et de défense et invite les autorités de la Transirions à mette promptement et définitivement fin ».
Et, pour soutenir la Justice, le Comité stratégique du M5-rfp invite : « les organisations de Défense des Droits humains, la société civile, la classe politique, les syndicats… à l’organisation prochaine d’un grand rassemblement de soutien à la justice au monument de l’Indépendance ».
Pour rappel, le 10 juillet 2020, après des semaines de mobilisation contre le Président IBK, une manifestation à l’appel du M5-rfp opposé au Régime avait dégénéré en plusieurs jours de troubles en Bamako. Le M5-rfp avait fait état de 23 morts et l’ONU de 14 morts. Des journalistes et témoins ont rapporté avoir vu lors de ces évènements des Hommes encagoulés vêtus de noir, armes automatiques à la main ; à l’arrière de véhicules sans marques distinctives. Ils avaient été communément identifiés comme membres de la FORSAT. Cette implication des forces spéciales pour la lutte contre le terrorisme dans le maintien d’ordre qui avait suscité l’indignation est aujourd’hui au cœur de l’instruction judiciaire dans laquelle le Commissaire Oumar Samaké a été inculpé pour « meurtres et coups et blessures volontaires aggravés ».
Mémé Sanogo