MALI : L''Etat doit cesser d''être la propriété d''une coterie…

0

Le Mali, aujourd”hui, on peut l”affirmer péremptoirement, se porte mal. Il va très mal même et à n”en pas douter, si jamais rien n”est fait, la loi de la jungle deviendra l”ordre suprême. L”Etat, comme organisation sociale au Mali, est mort.rn

Il est fort probable que l’agonie du Mali ait commencé depuis qu”en ce mois de mai 2002, la Cour constitutionnelle a, par ses considérants, "créé" un président de la République. Ici, ce n”est ni une boutade ni un dénigrement gratuit.

rn

René Capitant a donné les caractéristiques d”un Etat sérieux, tourné vers le développement en ces mots : "L”Etat repose aussi et plus encore sur la volonté des citoyens, sur leur conscience politique, sur le sentiment de leurs droits et de leurs devoirs à l”égard de la communauté, sur leur résolution à les défendre et à l”accomplir".

rn

Or, à voir l”image de ce pays, l”Etat est absent. Certains optimistes trouvent qu”il a démissionné. A regarder autour de soi, il existe une telle déliquescence de toutes les structures de l”Etat, qu”il faut bien en convenir, un ressort décidément s”est cassé, et cette panne est mortelle si on n”y remédie pas.

rn

Cheick Oumar Diarrah, dans son livre consacré à la gestion du général Moussa Traoré (Bilan d”une gestion désastreuse) a écrit ces mots : "L”Etat doit cesser d”être la propriété d”une coterie, car c”est la captation de l”appareil d”Etat par une classe politique illégitime qui explique bon nombre de déboires du pays. Si l”Etat n”est pas l”instrument de la promotion des aspirations de la société civile, il n”est manifestement qu”un appareil de contrainte".

rn

Le même constat est de mise sous le règne d’ATT. Je voudrais inviter chaque Malien à analyser objectivement la situation de ce pays, sans a priori. C”est contre pareille situation que le peuple s”est révolté en mars 1991. Aujourd”hui, l”Etat n”est plus au service de la nation. Toutes ses articulations sont mises au service de la réélection d’ATT, et pour ce faire, rien n”est épargné. La loi est foulée au pied, l”argent public comme les moyens de l”Etat, tout est au service de la coterie.

rn

Le pouvoir au Mali d’ATT est revenu à sa pratique et à son essence archaïque d”avant 1990, celui que Maurice Gléglé a éloquemment décrit ainsi dans l”Encyclopédie juridique d”Afrique : "L”exécutif est le pouvoir souverain. Il est l”Etat. Il peut tout faire. Il ne peut craindre que la force brutale des armes. Son pouvoir est conforté par le parti unique institutionnalisé". Plus grave, l”administration est en sommeil. Un sommeil ponctué par l”absentéisme, la corruption, le népotisme, la gabegie, et on pourrait citer à la pelle les maux qui la minent. La corruption est si prenante, si présente, qu”un nouveau jargon a fait son apparition pour masquer les dessous de tables : les taxes sauvages, les tracasseries, etc. Ainsi complaisamment qualifié, tout peut passer.

rn

Le policier devient juste quelqu”un qui fait du zèle. Il ne se corrompt pas, il tracasse seulement le pauvre citoyen. Le juge n”est pas corrompu, seulement il tombe un peu dans l”excès. Les agents des finances, chargés du recouvrement, ne font que dans les taxes sauvages, ils ne sont pas corrompus, etc. Ainsi considéré, le vice n”est plus le vice, c”est juste un égarement, une farce que la victime n”a pas comprise. A ce rythme, c”est à se demander si le Malien ne s”est pas trompé d”époque. Quand la morale et la vertu ensemble ne se conjuguent pas au même temps, alors on se pose une vraie question existentielle.

rn

Après plus d”une décennie d”apprentissage démocratique, il y a des comportements que l”on ne devrait plus voir au Mali. Le règne tout puisant de la République et de ses lois devrait être une exigence. Or aujourd”hui, en violation de la loi, une association apolitique, la nébuleuse du Mouvement citoyen, sert de parti dominant au général-président. Lui-même s”autorise tout. Tout lui est permis, même les violations du texte fondamental. Oui, quand les institutions de la République servent à un système, il y a de graves incertitudes pour l”avenir. Le Pr. Roger-Gérard Schwartzenberg, dans un de ses ouvrages majeurs consacré à la sociologie politique, a fait des démonstrations qui font encore autorité, tant la pertinence de l”analyse est d”une réalité crue.

rn

 

rn

Surpouvoir

rn

Il fait le lien entre sous-développement et "surpouvoir", un concept qui en Afrique est porteur de toutes les hypothèques, quant à l”avenir. Et c”est bien là le cas du Mali, qui connaît une exacerbation de l”ego du président et de son entourage. Le Mali est tombé dans le système de la personnalisation du pouvoir, par laquelle, un "personnage symbolise, incarne la nation, l”Etat, le parti". C”est si vrai que cette analyse rejoint celle de Jouvenel qui écrit : "Les phénomènes de disharmonie sociale et morale favorisent la floraison du pouvoir absolu : incohérence sociale, conduites an-harmoniques, inconduites, phénomènes de dépaysement et de dérèglement… des hommes déracinés arrivant dans la condition nouvelle n”y trouvent pas d”images de comportement qui gouvernent leur nouveau personnage", d”où l”émergence de montreur de conduite.

rn

Le leader, ce montreur de conduite, devient à la fois le lieu géométrique et l”étalonnage du groupe. C”est cela qui conduit à l”ivresse du pouvoir. Il suffit de se rappeler qu”au Mali, ATT est le référentiel absolu dans tous les discours. On le cite à tort et à travers, à n”importe quelle occasion. Et lui-même, absorbé par ses fonctions de représentation, d”incarnation collective (discours, meetings, visites à l”étranger, participation à des congrès internationaux), il se décharge sur son entourage de l”exercice du pouvoir. Ainsi, il n”est responsable de rien, tout est de la faute de ses ouvriers. Amalgame de tendances, d”ambitions et de chapelles, cette cour se trouve souvent paralysée par des rivalités de clans. D”où la déformation ou le blocage des décisions du leader.

rn

Le chef, versant de la personnalisation dans le pouvoir personnel, est souvent privé de toute instance de débat ou de contrôle, qui pourrait lui signaler ses erreurs. Dès lors, l”inefficacité devient, fatalement, la rançon de l”autoritarisme. La politique devient dès lors par la pratique de certains de ses acteurs, une chose abominable. Il suffit d”un rien pour transformer la plus belle chose en un vil objet. Le Christ ne disait-il pas « il ne faut pas jeter l”or aux pourceaux ? » Entre mensonge, trahison et flagornerie, il n”y a plus de place pour la vertu. Or, sans vertu, que peut-on construire de durable et de stable ? La gestion familiale ou clanique de l”Etat est réapparue.

rn

Entre copinage et coterie, les institutions se transforment progressivement en chapelle. Au rythme où vont les choses, c”est la confiscation des libertés qui se dessine. Il se passe de plus en plus un glissement dangereux vers la dictature, car les espaces de liberté se réduisent de jour en jour. Pour s”en convaincre, il suffit seulement de se rappeler qu”au Mali d”ATT, il faut ou avoir les bras longs, ou être riche. Bras longs se conjuguent avec appartenance à la nébuleuse du Mouvement citoyen. L”animateur Diarra dit Dragon vous dira bien quel est l”état de santé de la liberté de la presse. Il suffit de se référer à la soumission quasi-griotique de la station nationale de télévision au régime de pouvoir personnel du Sieur Généralissime ATT. Le Pr. Roger-Gérard Schwartzenberg déclare justement : "Toute dictature sécrète rapidement une classe sociologique de soutien, un appareil bureaucratique qui a intérêt à son maintien. Cette pesanteur sociologique explique la permanence de fait qui au lieu de se libéraliser, de s”épanouir en démocratie, se dégrade en bureaucraties". C”est cela la réalité du Mali. Un appareil d”Etat au service d”un homme. Les moyens de l”Etat servant à un usage privatif. Quand même des véhicules de l”armée servent de transport pour des meetings politiques, ou quand contre la loi des agents de l”Etat, au mépris de l”obligation d”impartialité qui leur incombe, se muent en commis voyageurs du chef, c”est assurément là, une métastase cancéreuse pour les acquis du 26 mars, un attentat contre la démocratie.

rn

Nécessaire sursaut

rn

Dans sa contribution sur l”inflation législative dans les formations sous développées, Youssef Ben Achour écrivait : "Le plus grand nombre des sociétés en voie de développement, n”a pas réellement une doctrine vigoureuse et prospective de développement, ces sociétés sont certainement investies par le discours dans lequel le verbe n”a d”égal que la théâtralité politique, tous deux destinés à la mobilisation maximum au service d”un gouvernement, d”un parti ou plus fréquemment d”un homme. Il manque à nos sociétés une planification méthodique et rigoureuse, mais surtout un régime politique fondé sur la transparence". Il est d”évidence certaine, que toutes les analyses qui précèdent, s”appuient sur des faits pertinents, têtus, qui dictent aux Maliens, de quelque bord qu”ils soient, de se donner la main pour barrer la route à cet homme, qui atteint depuis belle lurette son seuil d”incompétence.

rn

En bambara on dit "a sera a kari-kari bè ma" (Il a vraiment atteint son maximum). Avec lui, ce pays, le Mali, est descendu dans les abysses, si profondément qu”il y a à désespérer de son avenir, si les choses ne sont pas reprises en main. Il faut réhabiliter la politique, ont dit les évêques ! Belle espérance. Il est important de le redire encore, ce qu”il faudra, aujourd”hui, c”est une coalition de tous ceux qui se sentent exclus du jeu politique, de la vie publique, tous ces millions de Maliens, marginalisés, car refusant de s”acoquiner avec le Mouvement citoyen ou qui ont fait le deuil du choix irresponsable et antidémocratique de leur formation politique.

rn

L”émergence sur la scène politique malienne de l”ADP, cet hybride regroupement contre-nature du bourreau et des ayants droits de la victime, trouble et demande que toutes les personnes qui sont conscientes de ce qu”a coûté au pays cette gouvernance d”ATT qui dure depuis cinq longues et laborieuses années, se mobilisent pour faire front et obtenir, par les urnes, ce que les prétoires leur ont volé en 2002. Il s”agit des parents de tous ces enfants, qu”on abrutis, par une école qui ne distille plus le savoir, mais au nom de laquelle le gouvernement se donne bonne conscience à travers des chiffres qui maquillent son incapacité.

rn

Il s”agit de tous ces paysans, rançonnés, exploités et spoliés de leur terre et dont les rares ressources servent aux dépenses de prestige d”un système. Il s”agit des étudiants maliens auxquels on refuse le savoir et qui, comble de tout, sont forcés d”accepter la dure loi du chômage…, au mépris des dispositions pertinentes de la Constitution du Mali : Article 17 : "L”éducation, l”instruction, la formation, le travail, le logement, les loisirs, la santé, et la protection sociale constituent des droits reconnus". Article 18 : "Tout citoyen a droit à l”instruction. L”enseignement public est obligatoire, gratuit et laïc. L”enseignement privé est reconnu et s”exerce dans les conditions définies par la loi". Or, au lieu de respecter son serment, ATT et compagnie font dans le divertissement. Il faut dès lors que chacun, de son bulletin de vote, fasse une arme de destruction du système ATT.

rn

Je voudrais ici proposer aux forces démocratiques, qui se battent contre la mainmise de la nébuleuse du Mouvement citoyen, de se mobiliser et de conquérir également l”Hémicycle. C”est là que se jouera une autre partition incontournable de la vie politique de ces cinq prochaines années. Il faut avoir la majorité pour : gérer le gouvernement. En effet, avec la majorité, le président nomme un Premier ministre issu du camp des forces démocratiques ou les députés lui refusent leur confiance, auquel cas, il ne peut être investi.

rn

Le Premier ministre est issu du camp démocratique et de l”espoir, alors, il nomme des ministres patriotes et le président, si par malheur c”est ATT, est obligé de subir une cohabitation qui le met hors-jeu dans ses velléités de faire du pays sa chose. C”est la meilleure chose qui puisse arriver à ce pays, meurtri par la gestion d”un homme, peut -être de bonne foi, (j”en doute) mais d”une incompétence proverbiale et dont l”entourage ne vaut pas mieux.

rnDocteur Panghalê

Commentaires via Facebook :