Lettre d’ATT aux Maliens : Les vanités d’un mandat au crible d’un citoyen

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Pour un Mali qui gagne et non qui quémande, refuser Amadou Toumani Touré, c”est faire acte de salubrité publique.

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« A l”heure présente, je découvre médusé que vous avez osé. Osé briguer contre toute logique, le suffrage des Maliennes et des Maliens. Non seulement, vous l”avez fait, mais outrancièrement, en publiant cette lettre sensée atteindre chaque citoyen, afin de justifier votre choix. La démagogique attitude, consistant à vous incliner à tout vent devant tout et rien, s”apparente à du fétichisme, un fétichisme qui, cinq ans durant, a nourri le peuple malien de misère et de honte.

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Ce peuple, le vrai, et non vos courtisans zélés, qui obstruent votre vue de tant de louanges dithyrambiques, ce peuple, dis-je, a mal et c”est pour cela, M. Amadou Toumani Touré, il vous lance à la figure ces mots : « La vérité… suscite au  plus timide front que son front visite, une sereine audace à l”épreuve de tout. Cette vérité, est que nous avons eu mal, un peuple qui a mal et qui le ressent est un peuple en voie de salut, car, seul ce qui fait mal, très mal, saisit l”homme tout entier et accélère le processus d”irruption de l”esprit en lui ».

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Comme vous vous méprenez sur votre bilan, une catastrophe dans l”histoire de ce pays, et comme je suis aussi – et à mon corps défendant – destinataire de votre papier, permettez-moi, mon cher compatriote, de vous répondre, au nom des miens, car « ma bouche sera la bouche des malheurs qui n”ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s”affaissent au cachot du désespoir ». Nous sommes debout, général, contre vous, car comme le déclarait notre père Ki-Zerbo, « nan lara an sara » (si nous nous couchons, nous mourons). Nous serons vie pour ce Mali.

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Vous avez parcouru dans tous les sens ce pays depuis le 26 mars 1991, oubliant les 23 ans où derrière votre maître, cet autre général, vous aviez les yeux dans un sac. C”est bien que l”aveugle ait recouvré la vue par la baraka du 26 mars et que vous ayez alors et alors seulement découvert la misère du peuple, la désolation de la mère et de l”enfant.

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Vous ne saurez faire de ces derniers vos amis. Vous ne saurez les aimer mieux que nous. Epargnez donc à nos épouses et à nos enfants, la douce et fétide étreinte du bourreau. Mû par l”hypocrite amour que vous leur vouez, pourrez-vous vous rappeler mon cher compatriote, que tous ces enfants, euphoriques en 1991 et leurs cadets sont ceux-là mêmes qui n”ont ni salle de classes, ni travail et qui, sans perspective d”avenir dans leur pays, sont les victimes des passeurs.

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Ce sont ces pauvres hères qui, vous prenant chaque jour en flagrant délit de mensonge et autant déçus que fous de rage, préfèrent la mort dans le désert ou sur des rafiots, plutôt que de vivre dans votre Mali. Vous les avez trahis et je vous défends de vouloir, en leur nom, vous présenter à leur suffrage, pour continuer votre entreprise de destruction et de mort. Ceux qui ont pu franchir les frontières, à quel titre voulez-vous solliciter leur clémence ?

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La Bible, le Livre saint des chrétiens, nous apprend que Judas, pris de remords après avoir livré Jésus, s”est pendu. Je ne vous souhaite pas le même sort, mais laissez en paix ceux que votre politique relègue en citoyen de seconde zone.

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Le Programme de développement économique et social que vous nous annoncez, n”est-il pas le frère cadet de celui que vous avez proposé en 2002 ? Pour n”avoir tenu aucune promesse en cinq ans, pourquoi voulez-vous que l”on vous fasse confiance à nouveau ? A ce propos, écoutez Alain Etchegoyen qui dans un ouvrage que je vous recommande (La démocratie malade du mensonge) écrivait : « Il serait faux d”affirmer brutalement que le pouvoir use toujours; seul le décalage entre le discours et la réalité, entre le programme et les actes, comme entre les promesses et les réalisations, fait perdre confiance. Cela s”appelle la déception ». Vous avez déçu ceux qui encore croyaient en vous, et c”est pour cela que j”ai été surpris par votre démarche consistant à solliciter un second mandat.

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Où sont les 50 000 hectares promis, quand vous en avez à peine réalisé 12 000 ? Où sont ces milliers d”emplois promis aux jeunes, quand vous vous êtes plus préoccupé de recruter dans l”armée et les forces de sécurité que de donner un emploi stable à ces millions de jeunes, espoir du Mali ? Au nom de quoi prétendez-vous apporter le bonheur au Mali, quand avec vous et votre ministre de l”Education, l”école, votre école apaisée, est devenue une fabrique de vrais faux diplômés tant son niveau est d”une nullité abyssale.

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Et, parlant de cette école, vous avez, comble de l”irrationnel, osé écrire : « Je prêterai comme par le passé, une oreille attentive à notre système éducatif… » Ou vous ne savez pas ce qu”est une école et c”est grave, ou alors vous ne savez pas ce qui se passe au niveau de l”éducation, et là c”est pire.

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Au nom des parents d”élèves soucieux du devenir des enfants, au nom des vrais élèves et étudiants, dois-je vous rappeler que durant ce mandat, aucune année scolaire n”a dépassé 3 à 4 mois. Une année scolaire normale, Amadou, c”est 9 mois. Dans des classes, les élèves se sont retrouvés par centaine, comme encore en 1980. Dans les facultés, dans certains amphithéâtres, la moitié des effectifs se trouve dehors. Elle se fait appeler « les Maliens de l”extérieur ». Ce schéma, vous voulez le reconduire pour cinq autres années ? Cher compatriote, ça suffit comme cela. Quand votre politique éducative est un échec, c”est dire que vous avez joué avec l”avenir de votre pays, et quiconque joue avec cet élément ne mérite pas de gérer. Comment entendez-vous protéger votre culture, quand le tourisme rime avec banalisation du peuple, quand la morale est dissolue et quand le touriste, au nom de quelle permissivité, se permet tout. Les zones de tourisme sont devenues des zones de non éthique et les maladies les plus bizarres s”y développent. Entre appât du gain et défense de la culture, vous n”y comprenez rien. 

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La culture et ses expressions dit José Marti « doivent être au service du peuple et des causes justes. Elles doivent participer à ses luttes et à ses aspirations, poser ses problèmes et n”adopter jamais une fausse et commode attitude lointaine d”expectative. La culture, détachée de la problématique sociale de son temps, sera toujours un froid produit alambiqué, dépourvu de force, d”intérêt et de permanence ». Dites-moi, général candidat, en quoi, vos manifestations prétendument culturelles, ou la dépigmentation de vos cantatrices et de vos aèdes… sont des reflets de notre vécu.

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Le vieux lion Bazoumana Sissoko a parlé de « konon kou » (la queue de l”oiseau). Votre point d”honneur à nous citer les 237 milliards de F CFA du Millenium Challenge Account (MCA) et les 280 milliards du 10e Fed, constitue, Amadou, une honte et un déshonneur. A cause de Dieu, évitez d”en parler, conseil d”un compatriote. Ce sont là des primes à la pauvreté. Mais si malgré tout vous décidez d”en reparler, ayez l”honnêteté intellectuelle, est-ce trop vous demander, de ne pas rougir de la place de bon avant-dernier acquise de haute lutte à l”issue du classement fait par le Pnud.

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Quand un homme se tape la poitrine de vivre de la poche d”autrui, ou il est totalement immature (je ne le pense pas de vous) ou il est inconscient.

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Malheureusement avec vous, et pour paraphraser Aimé Césaire, tout se passe comme si plus d”un siècle après la tragédie du roi Christophe, vous persistez à vous conduire toujours et encore hélas pire comme le Noir hégélien, subissant l”histoire mais ne la faisant pas… malheur à vous si vous croyez que l”on vous tendra la main. Apprenez-le une fois pour toutes, l”amitié cesse là ou commence l”inégalité. Le reste est condescendance ou pitié. Le peuple malien aurait-il tant démérité de ses efforts et de sa dignité pour voir un de ses enfants, postulant à la plus haute fonction de la nation, se glorifier de tendre la sébile ? Comment pouvez-vous évoquer la présence du Mali en Afrique, quand vous avez boudé le sommet de l”Union africaine, en le traitant de bavardage inutile, et ce sont vos mots.

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De la retenue général, on ne construit pas l”Unité africaine, inscrite dans notre Constitution avec un tel langage. Vous avez écrit, « les institutions sont la base d”un développement harmonieux… ",

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C”est l”évidence même !

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Mais vous, vous avez fait des institutions une arme de déstructuration et de destruction de la nation malienne. Au nom du consensus, vous avez taillé une camisole de force aux institutions et à tous les contre-pouvoirs. Cela ne vous suffisant pas, vous avez mis sur pied la plus grande machine de glorification de la médiocrité et de brimade de l”excellence et du mérite. Avec vous, le mérite n”a plus rien signifié. A travers votre pratique, des femmes et des hommes, à l”opportunisme scandaleusement étalé sur la place publique, ont trouvé refuge dans la nébuleuse du Mouvement citoyen, où se pratiquent la promotion de la médiocrité et la culture de l”impunité.

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Certes, toute société doit s”organiser autour de quelques idées fondamentales. Elle doit se donner des dirigeants pour la conduire et servir les intérêts de tous, ce qu”on qualifie fort à propos d”intérêt général. Hélas, pendant votre mandat, le Malien a appris, à ses dépens, que tout pouvoir livré à lui-même devient fou. Votre mandat en est l”expression achevée. Entre violation de la loi, patrimonialisation des ressources publiques, il n”est resté qu”à fonder l”histoire du Mali à partir de vous, et cela aussi, vous l”avez osé.

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Quelles institutions avez-vous mis sur place pour le développement ?

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Avec vous, la justice ne s”est jamais portée aussi mal : corruption, vénalité des magistrats, déstabilisation de carrière des juges, violation du statut de la magistrature et immixtion de l”exécutif dans le jeu syndical.

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Vous avez fait de l”administration votre organe de campagne, et l”image désolante du gouverneur du district de Bamako aurait dû vous amener à sévir si vous étiez de bonne foi. Comme vous ne l”êtes pas, vous avez fait de l”ORTM votre propriété au grand dam des hommes de presse, encore demeurés intègres et intellectuellement conséquents. Cette mauvaise foi, vous a conduit à regarder sans réagir, des officiers s”activer publiquement pour votre réélection, en usant des moyens de l”armée. L”armée mise hors-jeu par la loi a avec votre assentiment, fait irruption sur la scène politique.

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De grâce, ne nous parlez pas de consolidation des institutions, quand vous en êtes leur pourfendeur.

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Et vous osez parler de la stabilité du Mali, quand vous vous conduisez en pyromane, tant de votre fait les éléments d”une explosion sociale sont rassemblés : misères, maladies, chômage, déliquescence de l”école, des mœurs, etc.

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Même la bonne vieille cohésion des religions est mise en mal, quand entre votre dire et votre faire crée le trouble à Samaya. De quelle stabilité parlez-vous ?

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De quelle modernisation de l”administration parlez-vous, quand chaque jour des actes posés sont autant de reculs.

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Comment expliquer qu”après avoir mis sur pied un ministère chargé de la Modernisation de l”administration, aucun fait marquant ne soit intervenu pour concrétiser cette volonté, si ce n”est que ce ministre est l”archétype de l”immobilisme.

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Vous ne pourrez pas lutter contre la corruption, car votre système de gestion est fondé sur sa magnification. Ni les structures de contrôle, ni la justice avec votre manière de faire, ne sauront lutter contre la prévarication, le népotisme, la gabegie, la corruption. Ce sont là des maux qui constituent le nerf de votre appareil d”Etat.

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Je voudrais vous rappeler ceci, cher compatriote, « celui qui règne dans les cieux et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté, l”indépendance, est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois et de leur donner quand il lui plaît de terribles leçons ».

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Ne vous moquez pas du peuple malien, ce peuple dont la dignité lui a permis au travers des âges de relever la tête haute tous les défis, ce peuple qui n”a jamais cru à sa pauvreté mais qui sait qu”il se relèvera par son propre travail, ce peuple, spolié par la police et la justice, brimé par l”administration, qui sont à votre solde. En politique, tant qu”on reste loin des préoccupations et des soucis majeurs du peuple, la parole et les mots seront abondants, mais l”action inexistante. Après 5 ans, soit 1825 jours en parole, en parade, en gesticulation de tout genre, on se rend compte de l”inanité de ce mandat.

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Alors cher compatriote, respectueusement, laissez notre peuple tranquille, et épargnez-nous vos élucubrations.

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Pour un Mali qui gagne et non qui quémande, refuser Amadou Toumani Touré, c”est faire acte de salubrité publique ».

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Docteur Panghalê

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