Digne héritier d’Ali Farka Touré, Sidi Touré est l’un des meilleurs musiciens songhaï du Mali. Instrumentiste et chanteur, il a un talent et une simplicité incroyables. Avec une musique marquée par les rythmes traditionnels de transe du takamba, il enflamme autant les scènes maliennes qu’internationales.
Sidi Touré est né en 1959 à Gao. Issu d’une famille noble où il n’est pas d’usage de chanter, Sidi Touré affronte les traditions pour pouvoir vivre sa passion. Malgré la désapprobation de sa famille (le frère aîné de Sidi casserait très souvent ses guitares en signe de protestation), il est devenu le chanteur du groupe de son école. En 1976, il est devenu le plus jeune membre de l’orchestre régional de Gao, le Songhaï Stars, qui a joué dans différents festivals bi-annuels comme la Biennale de Bamako et une tournée à l’échelle régionale et nationale. Dès le début, l’étiquette et la convention du groupe exigeait qu’il chante en bambara, la langue régionale. Dès lors, Touré a commencé à chanter des paroles dans une langue vernaculaire qu’il ne comprenait pas au début. Cela changea en 1984, quand il a remporté le prix du meilleur chanteur de “Manou Tchirey”, une chanson écrite dans la langue Songhaï.
Il fut récompensé comme meilleur chanteur des Biennales de Bamako deux fois de suite en 1984 et 1986. Dès lors, les « Songhaï Star » jouent régulièrement à Gao, Mopti, Tombouctou, et sont constamment sollicités pour tourner au Niger, au Burkina Faso et aussi en Algérie, partout où la présence de la langue et de la culture Songhaï reste forte.
En 1990 l’orchestre se sépare et Sidi Touré passe un an au Niger où il joue avec l’orchestre « Carnaval » de Maradi. Puis, il revient à Bamako afin d’enregistrer son premier album. Il doit patienter encore pour mener ce projet à terme. Entre temps, il intègre l’Orchestre National Badéma, (l’orchestre original de Kassé Mady) comme chanteur, auteur-compositeur et guitariste. Son souhait de promouvoir la musique de Gao au grand public a finalement été réalisé, quand on lui donna l’occasion d’enregistrer son premier album solo en 1997. Depuis, il compose, et sa musique est marquée par les rythmes traditionnels de transe du takamba et ses textes traitent de problèmes contemporains. Son album « Sahel Folk » est sorti le 25 janvier 2011, en 2012 « Koïma » et en 2013 « Alafia ».
Dans ses chansons, Touré traite différents thèmes comme : la lutte contre l’instabilité politique qui sévit dans sa région d’origine à l’aide du langage musical, un large effort qu’il a intériorisé depuis sa jeunesse, la réconciliation, l’unité et la paix.
Sidi Touré ne se nourrit pas seulement des influences Songhaï pour composer. Sa musique de voyage entre la clarté du swing du Takamba et la transe du Holley, tandis que les paroles mettent en lumière des problèmes, loin du cadre traditionnel car Sidi Touré est aussi, et surtout, un chanteur engagé, et n’oublie jamais de donner du sens à son propos.
Sur le morceau Adema, par exemple, il chante en duo avec Jiba Touré la modernisation et l’arrivée de l’électricité dans sa région. Selon lui : « Les chansons doivent venir de ce que l’on ressent. Si je chante à propos de certains sujets graves et que les choses n’évoluent pas, ce sera alors un échec. » En somme, Sidi Touré s’efforce d’être bien plus qu’un chanteur, mais aussi un artiste qui initie des changements.
Rokya Berthé